La Tour d'Ivoire - Tome 1

La fille aux yeux de vérité

« The way they leave tell you everything. »

Galaad n'avait posé aucune question et m'avait conduite chez Iris, surement pensait-il que j'avais besoin de me confier à ma meilleure amie en vue de mon mariage prévu dans deux jours.

Les appartements de la famille Dolora étant situés à l'ouest, nous fûmes obligés de sortir pour nous y rendre, l'air nocturne suffit à revigorer mes membres ankylosés par des heures passées assises.

Une domestique nous ouvrit, et sans hésiter, ouvrit grand la porte, nous invitant ainsi à entrer. Galaad me fit un petit signe et m'abandonna, je le regardai s'éloigner, petit point d'or s'enfonçant dans la nuit.

Une jeune servante aux cheveux bruns me mena aux appartements d'Iris, je connaissais le chemin par cœur, mais inutile de lui dire, les règles étaient les règles, elle ne faisait que son travail.

Lorsqu'elle me vit, le visage d'Iris trahit son étonnement, mais sans plus attendre, elle m'invita à entrer et congédia la domestique.

La porte se referma sur un silence pesant, nous nous jaugeâmes du regard, ne sachant pas trop comment nous comporter l'une envers l'autre.

J'eus un pincement au cœur, jamais je n'aurais pensé que je serais si mal à l'aise devant celle qui avait grandi à mes côtés, avec qui j'avais tout partagé.

-Pourquoi es-tu venue, Era ? finit-elle par me demander, l'air las.

Elle était assise sur son lit, un livre ouvert à côté d'elle. Je m'avançai et m'installai tout près d'elle.

-Je suis venue te dire quelque chose de très important. (Je repris mon souffle, je l'avais retenue, jusqu'à présent.) Tu es ma meilleure amie, Iris, et rien ni personne ne pourra changer cela.

Elle m'observa avec attention, ses yeux vairons brillaient d'intelligence.

-Avant que tu continues, me coupa-t-elle, j'aimerais que tu saches que je n'ai pas cru un mot de ce que tu m'as dit ce soir ni de ta nouvelle idylle avec le prince Ayaan. Pardonne-moi de te dire ça, mais c'était assez pitoyable.

Un sourire moqueur étira ses lèvres fines, je faillis pleurer de joie, nous tombâmes dans les bras l'une de l'autre. J'avais retrouvé mon amie.

-Je suis désolée, lui soufflai-je, j'ai été injuste.

Elle haussa la tête.

-Tu sais pourtant que je n'adhère pas à cette politique ni au régime des Malkam, mais je n'ai pas le choix, tout comme toi. Mais je suis contente que tu aies décidé de te soumettre à cette fatalité, épouser Ayaan n'a jamais été une option pour toi et tu le sais très bien.

Ma joie retomba d'un coup. Iris ne me comprenait pas, ne voulait pas voir dans quel monde nous vivions. Je me détachai d'elle et fuis son regard. Je n'aurais pas dû venir, Anna avait raison, même si Iris avait toujours été la rebelle de nos Familles, elle restait loyale au nôtre, au sien.

-Qu'y à-t-il Era ? me demanda-t-elle d'une voix plus douce. C'est le mariage qui t'inquiète ? Ne t'en fais pas, s'il y a bien une chose dont je suis sûr c'est qu'Ayaan t'aime vraiment, pas uniquement pour ton physique, mais pour ce que tu es, mais tu le sais surement déjà... pense à tout ce que tu pourras avoir lorsque tu seras princesse, puis reine !

Je ne reconnaissais pas mon amie d'enfance, Iris n'avait jamais été aussi conciliante, aussi docile, que lui était-elle arrivée en quelques jours ? Puis je me rappelais que moi aussi j'avais changé, comment pourrais-je la blâmer pour cela ?