Lévana Sildek

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"You can love a monster, it can even love you back. but that doesn't change its nature." Eliza Crewe

Je courrais. Courrais comme si ma vie en dépendait, mais je m'interdisais de pleurer, pas avant d'avoir gagné ma chambre, pas avant d'être sûre que personne ne me voit.

La domestique ouvrit la porte de mon ancienne maison, mais gentille comme elle était, ne posa aucune question et s'effaça dans l'ombre pour me laisser entrer. Je parcourus les derniers mètres qui me séparaient de ma chambre, en titubant, ma vision se brouilla de larmes. Lorsque j'y arrivais enfin, et que la porte se fut refermée sur moi, je m'effondrai.

Je tombai lourdement sur le sol, et ne me relevai pas, laissant un torrent de larmes s'écouler de mes yeux. Gémissant en silence, piégée par ma douleur, assiégée par les souvenirs de nos baisers, de ses caresses, de ce que j'avais accepté de faire.

Je détestais mon corps, je voulais arracher ma peau, couper mes cheveux où il avait passé la main, je me haïssais, comment avais-je pu faire cela, comment...

Ton corps est ton temple, me répétait toujours ma grand-mère, et que venais-je de faire ? De le souiller, j'avais laissé un assassin me toucher et entrer dans ma chair. Ce n'était pas une question de sentiment, non, Iris couchait avec des hommes dont elle était juste attirée, c'était plus compliqué que ça, c'était sa personne, lui, le fait qu'il soit un tueur, un tyran.

Une petite main se posa sur mon épaule, je la repoussai rageusement, plus personne ne devait me toucher, personne.

-Era ? Era ? Oh, Era, que t'est-il arrivé ? Ayaan t'a-t-il fait du mal ? Réponds-moi, je t'en supplie...

Anna pleurait aussi. Sa voix laissait transparaitre son impuissance et son désespoir.

-Non, non, hoquetai-je, tout va bien...

-Non ça ne va pas, Era !

Elle me tira par le bras et m'amena dans la salle de bain, sa force me surprit encore une fois.

-Je vais devoir enlever cette foutue robe, Era.

Elle retira mes vêtements, et me fit couler un bain.

J'essayai de me relever, Anna accourut aussitôt.

-Je vais t'aider.

Je plongeai dans la gigantesque baignoire et laissai mes muscles se détendre, et mon esprit divaguer, tandis que je reprenais peu à peu mes esprits.

Anna était perchée sur une commode et regardait ailleurs.

-J'ai couché avec lui, laissai-je échapper d'une voix morne.

Anna tourna brusquement la tête vers moi, mais ne dit rien.

-J'ai fait ça pour gagner sa confiance, pour qu'il me laisse partir. Je n'avais pas le choix.

Un silence pesant s'installa.

-Je me déteste, je ne suis qu'une trainée.

Un bruit sourd m'indiqua qu'Anna devait avoir quitté son perchoir. Elle s'agenouilla devant moi et plongea ses yeux rouge sang dans les miens. Je détournai les yeux, ne pouvait soutenir son regard emplit d'une compassion toute féminine.

-Tu n'as pas à t'en vouloir, Era. Tu as fait ce que tu devais faire pour pouvoir avoir une chance de te libérer de lui, d'eux, de ce monde pourri. Ne regrette pas ce qui s'est passé, va de l'avant, ce qui t'attend dehors c'est ça ton avenir, pas Ayaan, pas la Tour. Dans quelques heures, tu pourras choisir quoi faire de ta vie et qu'importe ce à quoi tu devras faire face En Bas, je suis persuadée que tu y arriveras. Tu es une battante, Era Eléazar, tu n'es pas comme eux. Je t'admire, tu sais, (elle se releva) tu as réussi à voir la vie différemment, à voir la réalité de ces lieux alors que tu es née dedans, que tu vis tout en haut de l'échelle. Tu as réussi, et ça, Era, ce n'est pas commun. Ayaan a vu que tu étais unique, c'est pour ça qu'il t'aime tant, alors ne regrette pas. Peut-être que tu ne l'aimais pas, mais lui t'aime. Il t'a aimé, cette nuit.

La Tour d'Ivoire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant