La Tour d'Ivoire - Tome 1

Le parfum de l'espoir

« She was one of the rare ones, so effortlessly herself, and the world loved her for it. »
Atticus

Ce matin-là, un jour après ma rencontre avec Arianna, je m'accordai quelques minutes de plus de sommeil. La veille, j'avais fait comprendre à Anna qu'elle ne devait pas me déranger aujourd'hui, j'avais besoin d'être seule.

    Les choses changeaient si vite... Il y a quelques jours à peine, je me sentais tellement seule puis Anna avait débarqué dans ma vie et m'avait tant apporté. Maintenant, je ne désirais qu'une chose ; être loin, très loin.

    Je ne voulais plus penser à grand-mère, à sa perte qui me déchirait chaque jour un peu plus. Je ne voulais pas penser à sa fille, Arianna, ma tante, cette femme aux yeux marron - si semblable à ceux de celle qui m'avait élevée - aux cheveux couleur de soleil et de miel, à ses fossettes qui apparaissaient lorsqu'elle souriait, ce qu'elle faisait constamment.

    Elle était la sœur de mon père, et il ne m'en avait jamais parlé, rien, pas un mot. Elle faisait partie de la lutte résistante. Les Souffleurs de Rêves, comme on les appelait, parce que leur lubie n'était que destruction et ne rendait en rien heureux. Rien de bien ne nous attendait dehors, et c'était pourtant là leur but ; qu'on se libère de la Tour d'Ivoire. Une folie. Un rêve. Que j'allais embrasser dans quelques jours.

    Arianna et Anna n'étaient jamais sorties, leur rôle était de continuer d'infiltrer la Tour et d'informer ceux d'En Bas. Ce qu'elles faisaient était risqué, très risqué.

    Dans deux jours, dans deux petits jours, ma vie allait changer. J'allais m'évader. Avec l'aide des Souffleurs de Rêves, j'allais rejoindre ceux d'En Bas, pour être libre. Mais qu'allais-je donc bien pouvoir faire, après ? Comment allais-je vivre ? Avec qui ? Arianna m'avait rassuré, la Résistance d'En Bas s'occuperait de moi le temps qu'il faudra.

    Je me repassai dans ma tête le film de ma future évasion. Arianna et Anna allaient devoir me transformer en simple domestique, je ne pourrais rien emporter avec moi. J'allais prendre la place d'une jeune fille de 18 ans qui allait être expulsée avec toute sa famille pour « acte de rébellion », son père avait osé condamner haut et fort les crimes des Malkam. La jeune domestique, Lévana Sildek, serait sauvée, et cachée, afin de devenir une Souffleuse de Rêves et travailler dans l'ombre, comme Anna. Tandis que moi, je prendrais sa place, et rejoindrais les Résistants d'En Bas, qui m'attendront dans le paysage désolé du désert qu'étaient devenus les alentours de la ville de Narda.

    Cela avait l'air si simple.... Mais si je me faisais prendre, j'étais certaine de me faire tuer en place publique, Arianna et Anna avec moi.

    En attendant, je devais jouer le jeu, continuer de jouer le rôle de la princesse apeurée, mais pas trop farouche m'avait dit Arianna, il ne faudrait pas qu'une toute nouvelle détermination prenne soudainement possession de moi, c'était trop suspect. J'avais demandé à Arianna ce que je pouvais bien faire en attendant le jour J, attendre me tuait à petit feu, l'angoisse me saisissait la gorge et me nouait le ventre. Elle avait souri, « survivre, Era, survivre, comme je le fais depuis 15 ans... »

    Je me levai en grommelant, affronter une nouvelle journée me semblait insupportable, surtout que le mariage était dans trois jours, heureusement que je ne serai plus là à ce moment-là... je souris en imaginant le visage enragé d'Ayaan en comprenant que je lui avais échappé. Ma mère dirait qu'elle avait toujours su que j'étais une peste et accuserait mon père de ne m'avoir pas assez puni. Galaad quant à lui, ne tarderait pas une minute de plus avant de se mettre à ma recherche, voilà pourquoi nous devions agir vite.

    Je pris une douche rapide, me brossai les dents et les cheveux, je ramenai ces derniers en une longue queue de cheval et enfilai un jeans slim noir et un sweat-shirt gris. Je pris le temps de me maquiller et contemplai mon reflet morose dans le miroir.