Chapitre 21 : Phoenix Rising

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- Alphonse. Mon bébé.
Une voix douce s'immisça dans la guerre de volonté entre le Feu et la Terre. Une voix gentil, une voix douce, aimante et compréhensive et familière, et Al se figea, puis se retourna légèrement, priant pour qu'il ait tord, priant pour qu'il soit en train d'imaginer des choses – et pourtant priant pour qu'il ne le soit pas du tout. Ses yeux tombèrent sur le visage mince avec les longs cheveux marron, et il tomba à genoux lentement, secouant la tête.
- Maman ? demanda-t-il d'une petite voix qui suggérait qu'il s'habituait rapidement à un monde intransigeant qui insistait pour jouer aux chaises musicales avec les membres de sa famille.
La forme de Trisha Elric sourit.
- Qui d'autre ? Viens ici, Al, laisse-moi te regarder. Oh, comme tu m'as manqué !
Ses yeux étaient chauds et accueillants, ses bras grands ouverts, et Al continua de secouer la tête avec perplexité tandis que son esprit rejetait ce que son cœur suppliait désespérément d'accepter. Non ! Maman est morte ! Morte ! C'est comme cela que tout a commencé, comme cela que Grand frère a perdu son bras, comme cela que tu t'es retrouvé dans cette armure pendant quatre ans, tu te souviens ? Mais cela lui ressemble, et sonne comme elle, et...
Une volute de flamme donna une chiquenaude directement à la femme et elle vacilla en arrière.
- Al ! Arrête-le, mon cœur, il me fait mal !
La bouche d'Al s'ouvrit et se ferma avec impuissance, mais aucun mot ne sortit tandis qu'il tournait des yeux agités vers Roy, qui se tenait là, une flamme dansant entre ses doigts, son autre main tendue vers l'arrière pour protéger Al.
- Ce n'est pas ta mère, Alphonse. C'est un Homonculus.
Ses yeux se rétrécirent de manière menaçante.
- Abandonne Envy, tes tours ne fonctionneront pas cette fois.
- Envy ? De quoi parle-t-il, Alphonse ? implora la femme en tendant la main vers Al, ses yeux tellement comme les siens écarquillés et obscurcis par la peur. Je suis ta mère ! Ton frère a réussi, mon cœur, il m'a ramenée ! Échange équivalent, tu te souviens ? Il a donné sa vie pour que nous puissions être ensemble à nouveau. Comme c'était avant., tu te souviens ? Nous allons rentrer à Resembool et dans notre petite maison et tout sera comme ça l'était avant, ne serait-ce pas merveilleux ?
Sur le côté, Hawkeye chambra une balle et ramena son arme de poing vers l'avant, mais hésita lorsque la tête de son officier supérieur se retourna. Il rencontra son regard et secoua la tête une fois, urgemment, et elle baissa légèrement son arme tandis qu'elle suivait son fil de pensées. Al était déjà au bord du gouffre : le choc de voir quelque chose qui ressemblait à sa mère se faire tuer devant ses yeux ne serait probablement pas la meilleure chose pour lui pour le moment. C'était une guerre pour sa santé mentale qui était en cours, et la chose frustrante était qu'il n'y avait absolument rien qu'elle ne pouvait faire pour aider.
Roy retourna son attention sur le jeune homme agenouillé. Al avait enroulé ses bras autour de lui et commençait à se balancer d'avant en arrière mécaniquement, sa tête s'inclina et ses yeux disparurent dans l'ombre. Le Général fronça les sourcils lorsqu'il reconnut les premiers signes de choc s'installer, et il fixa le Péché alors qu'il souriait narquoisement de triomphe.
- Si tu ne veux pas mourir douloureusement, Homonculus, je te suggère de renoncer à cette mascarade. Ça ne te servira à rien.
- L'amour d'un enfant pour sa mère est plus fort que quoi que ce soit d'autre, Flame Alchimiste, fut la réponse doucereusement empoisonnée. N'est-ce pas, Al ? Réfléchis juste, chéri, fais partir cet homme horrible, et nous pourrons être ensemble à nouveau. Peut-être que nous pourrons même être capable de ramener ton frère, et ensuite nous pourrons tous les trois redevenir comme avant, après le départ de ton père, tu te souviens ? Nous étions heureux, pas vrai ?
Le visage de Trisha Elric sourit à nouveau, un sourire cajolant et encourageant qui atteint presque – mais pas tout à fait – ses yeux tandis qu'elle tendait ses mains, paumes vers le haut.
- Viens voir ta mère.
- Non.
La femme recula brusquement de surprise.
- Alphonse...
Al releva lentement la tête, ses yeux gris orageux et peu concentrés.
- Notre maison n'est plus là. Grand frère l'a brûlée.
- Oh, ce garçon ! soupira la femme. Ce n'est pas grave, Alphonse, tu es un alchimiste aussi bon qu'il l'était, nous l'aurons reconstruit en un rien de temps, juste comme elle l'était. Ne t'inquiète pas autant, chéri.
- Non.
- Ne t'ai-je pas appris que c'est impoli de continuer à dire cela, Alphonse ? vint la douce réprimande bien qu'il y ait un tranchant défini dedans. Maintenant, écoute ta mère...
- Non ! Grand frère l'a brûlée pour nous rappeler que nous ne pourrions jamais revenir en arrière, seulement continuer vers l'avant.
Al força les mots hors de ses deux lèvres engourdies, sa voix montant à chaque étranglé.
- Il l'a brûlé pour nous rappeler qu'il ne faut pas revivre le passé, qu'il n'y a que le présent et l'avenir pour vivre. Tu ne peux pas revenir. Nous avons essayé ça... et nous en avons payé le prix. Oh, nous en avons payé le prix.
Et ses yeux étaient vitreux tandis qu'il revivait cette terrible nuit huit ans plus tôt. Il releva la tête, ravalant les larmes de douleur et de rage tandis que sa voix se transformait en un cri de culpabilité et de perte écrasantes.
- Nous ne pouvons pas revenir à la façon dont les choses étaient. Nous ne pouvons pas ! Grand frère n'aurait jamais essayé ça encore une fois. Il ne l'aurait jamais fait – et tu n'es pas maman !

***

La guerre est une chose laide même quand elle est nécessaire. Des hommes meurent dans la guerre, pas toujours pour de bonnes causes. Et ce qu'il y a à propos de la guerre, c'est qu'elle tend à pousser les hommes dans leurs retranchements ; sous la brutalité de la guerre, les hommes transcendent les frontières de la civilisation qui les lient normalement dans les codes de ce que leurs sociétés considèrent comme un comportement approprié. La guerre conduit certains hommes à la folie, en transforment d'autres en monstre et démasque des traces de lâcheté longtemps restées cachées. Mais elle peut aussi durcir et révéler la vraie mesure d'un homme, comme un four peut tremper l'acier. Et donc il arrive parfois que dans les flammes de la guerre, un garçon devienne un homme. Un homme devienne un héros.
Et parfois... un héros devient une légende. En particulier quand il revient d'entre les morts.
La plus simple des secousses. Et puis un frisson. Et puis, avec une violente convulsion, comme un homme qui remonte pour respirer après avoir été retenu sous l'eau, Edward Elric rejeta la tête en arrière et avala une bouffée d'air désespérée, toussant et hoquetant. Son crâne palpitait misérablement, sa gorge était craquelée et sèche comme un four, le côté gauche de sa poitrine brûlait comme si quelqu'un venait de lui planter un tisonnier tout chaud, et son dos lui faisait mal comme s'il venait de tomber dessus d'une grande hauteur. Le sol était-il toujours aussi dur ? Il essaya d'ouvrir un œil, mais quand une douleur perçante lui traversa la tête de l'avant vers l'arrière, il rejeta rapidement cette idée et se contenta de se recroqueviller et de s'agripper à sa tête pendant qu'il forçait sa respiration à ralentir et à adopter un rythme régulier. C'est cela, tu peux le faire... inspire... expire... inspire... expire... inspire... expire... La douleur semblait s'estomper légèrement, et il était capable de se retourner et de s'asseoir lentement, bien qu'il ait laissé sa tête entre ses genoux. Respire. Inspire... expire... une minute, pourquoi l'air sent-il comme de l'ozone ? C'était le même parfum qu'il avait l'habitude de savourer pendant les orages quand il était enfant... la même odeur qui s'accrochait à chaque Portail lorsque les énergies s'échappaient dans 'atmosphère environnante et ionisaient l'oxygène... la même odeur propre et tranchante que dégageait Roy parce que sa forme favorite d'alchimie impliquée manipuler l'oxygène dans son environnement. En particulier quand il pratiquait ladite forme favorite d'alchimie.
Oh. Oh. Vraiment mauvais. Je dois me lever. Et ignorant les protestations de son corps bien trop sollicité, Ed se hissa douloureusement sur ses pieds, clignant furieusement alors qu'il essayait de débarrasser sa vision des éclaboussures brillantes qui accompagnaient les étourdissements nauséeux qu'il ressentait. Son corps semblait... bizarre. Comme un ensemble de nouveaux vêtements qui lui allait parfaitement et pourtant semblait différent des anciens. Il fléchit les poignets avec dextérité, sentant le cuir lisse, familier et inconnu, de ses gantelets, porté et parfaitement adapté à ses avant-bras, secoua les doigts de sa main droite. C'était bon de pouvoir sentir l'air à nouveau sur le dos de sa main, d'avoir son bras comme partie intégrante de lui au lieu d'un poids mort froid qu'il trimballait et qu'il tolérait à peine. Mais il ne s'autorisa qu'un bref moment de plaisir avant de ramener son esprit à la situation actuelle, à savoir : il était actuellement encerclé par un anneau de flammes frémissantes sans moyen apparent de sortir ; son frère était au bord d'une dépression nerveuse alors qu'un Homonculus portant le visage de sa mère l'appâtait ; et son... son... bâtard de Colonel, introduisit-il mentalement à défaut d'une meilleure appellation, était en train d'hésiter à nouveau. La moitié de lui-même était vaguement soulagé, puisque la pensée de devoir retenir à la fois un Al incontrôlé et un Flame Alchimiste enragé était assez épuisante, mais l'autre moitié murmurait sombrement quelque chose à propos de l'hésitation qui était ce qui vous tuait.
Il avait le sentiment que cette étrange dualité de pensées allait persister pour quelques temps. Oh eh bien, il haussa les épaules pour lui-même – pensa tout à coup que cela aussi était étrange, ce nouveau calme fataliste qu'il semblait être capable d'assumer sous la pression. Beaucoup de choses pouvait arriver en quatre ans, semblait-il. Pas que cela allait l'empêcher de tuer Alphonse et Mustang quand il les atteindrait. Ed jeta un regard malheureux sur le mur de flammes devant lui et lista ses options. Alchimie ? Une possibilité, mais autant qu'il détestait l'admettre, l'alchimie de Mustang pouvait être particulièrement persistante, et il n'était pas exactement dans la meilleure des formes en ce moment, ce qui signifiait que conserver son énergie pour le combat à venir ne serait pas une mauvaise idée. Téléportation ? Voir les pensées précédentes. Il n'était vraiment pas particulièrement fan de la troisième option pourtant... et puis sa décision fut abruptement pris à sa place quand la voix d'Al gémit « Grand frère » et tous les nerfs de son corps se mirent en alerte, option numéro trois dans ce cas. Resserrant son manteau autour de lui avec une main tandis qu'il protégeait son visage avec son autre bras, Edward Elric grinça des dents... et chargea droit à travers le feu.

***

- Si tu penses vraiment cela, Alphonse, alors tu devrais me tuer.
De doux yeux gris brumeux de larmes fixèrent le jeune alchimiste avec un regard de martyr.
- Au moins donne-moi cela. Ne laisse pas ce meurtrier poser une main sur moi ! Tu sais ce qu'il a fait aux parents de Winry, je ne veux pas mourir de cette manière.
Roy se rendit compte à sa grande inquiétude que son bras tremblait alors qu'il luttait contre la culpabilité instinctive et qu'il se forçait à ravaler la bile qui montait dans sa gorge à la mention des Rockbell.
- N'écoute pas Envy, Alphonse. Il essaye juste de te manipuler – tu sais que ta mère ne te mettrait jamais dans une position comme celle-là !
Al plaqua ses mains sur sa tête, la secouant frénétiquement tandis qu'il essayait de bloquer les demandes conflictuelles de sa tête, son cœur, son devoir et ses désirs. C'était bien trop dur, bien trop, comment Grand frère s'en était-il sorti avec la dichotomie ? Grand frère... et il réalisa tout à coup que la seule chose qu'il voulait, plus que sa mère, plus que tout, était son frère. Son rock, son bouclier, la petite figure passionné qui l'avait fait se sentir en sécurité et heureux et en paix, même quand maman était morte et qu'il avait perdu son corps, il avait toujours eu son frère... et il gémit en un cri désespéré venu du cœur.
- Grand frère !
Assurément son frère l'entendrait, assurément il reviendrait pour lui, il le faisait toujours, pas vrai ?
- Il n'est pas là, Alphonse, dit la figure de Trisha Elric avec une tristesse moqueuse. Il a été pris par la Porte de la Vérité, tu te souviens ? Tout ce qu'on a, c'est l'un l'autre maintenant. Toi et moi, mon cœur. Viens voir ta mère.
- Oh s'il vous plaît, vint un reniflement irrité. Donnez-moi un peu de crédit ici. Comme si une Porte pathétique pouvait en réalité me garder loin d'Al.
Al releva la tête avec incrédulité.
- Grand frère ?
Roy se demanda fugitivement si son cœur pouvait s'en sortir avec tous les chocs qu'il avait traversé ces derniers jours.
Hawkeye totalisa ses gains et décida qu'ils seraient suffisamment pour acheter une nouvelle robe pour quand Havoc prendrait le temps de l'emmener dîner.
Et les traits aimables de Trisha Elric se tordirent en une grimace malicieuse alors même qu'ils se retransformaient en le visage sauvage d'Envy.
- Pourquoi ne peux-tu simplement pas rester mort, chibi-san?"
Edward Elric se tenait devant eux tous, ses yeux dorés brillant alors que ses cheveux flottaient librement comme un halo d'or derrière lui, la fin de sa tresse ayant été brûlée par son plongeon impétueux à travers le mur de feu. De petites flammes léchaient les bords de son manteau, s'embrasant alors qu'il enlevait rapidement son manteau et sa veste et les jetait sur le côté, les muscles de ses bras se crispant visiblement pendant qu'il grondait :
- Qui appelles-tu un nain si petit qu'il n'a pas à s'inquiéter d'être brûlé parce qu'il pourrait renter dans l'espace entre deux étincelles ?
La haute couleur sur ses joues de la chaleur du feu et de l'exercice physique lui donnait l'apparence d'un ange terrien vengeur alors qu'il piétinait vers l'avant, les traits fixés dans un air renfrogné familier.
- Grand frère ! chantonna Al avec soulagement tandis qu'il se penchait en avant et jetait ses bras autour d'Ed. C'est bien toi !
Ed vacilla, surpris, mais rendit fermement l'étreinte, presque étourdi à la sensation d'Al en chair et en os. Il l'avait fait, il avait ramené son frère ! Être seulement capable de sentir le corps d'Al irradiant chaleur et respirant rendait toute la folie et l'incertitude de ces quatre dernières années dignes d'intérêt.
- Ouais, Al. C'est moi. Je suis de retour, et je ne partirai plus, je te le promets, d'accord ?
Il tendit la main – toujours plus petit, bon sang ! - et ébouriffa les cheveux blonds plus sombres de son frère avec affection.
- Winry me tuait si je le faisais, je pense.
- Comme c'est touchant de ta part de vouloir protéger ton frère, chibi-san, siffla le Péché aux cheveux sombres. Mais comme votre frère aîné d'une certaine façon, je me sens parfaitement bien placé pour discipliner mes petits frères – et vous avez tous les deux étaient vraiment, vraiment peu coopératifs !
Sur ce, il s'élança vers eux, évitant un coup de feu, ses mains s'étirant et se transformant en faux tranchants, tendant la main vers les deux frères – et ses mains se refermèrent sur le vide puisqu'Ed avait réagi instinctivement.
Al glapit et cligna des yeux de surprise lorsqu'il se retrouva tout à coup à côté de Mustang, qui le regardait avec la même surprise tandis qu'Ed relâchait son frère et le poussait brusquement vers le Général.
- Toi. Rends-toi utile et surveille-le. Laisse le combat pour moi.
Sur ce le Gardien-Alchimiste disparut, réapparaissant derrière l'Homonculus estomaqué, qui commença à se retourner, seulement pour se trouver retourné par un blond irrité qui lui grogna au visage, sortit une lame de son gantelet et l'enfonça directement dans l'intestin du Péché.
Envy contempla d'un regard vide la fine lame qui l'empalait à travers son ventre nu, l'acier bleu crépitant d'énergie alchimique comme un feu pâle. Il pouvait voir les runes gravées sur le métal froid, qui paraissait presque aussi glacial que l'expression dans les yeux dorés qui le fixait avec un mépris à peine dissimulé.
- Mon nom, dit froidement le propriétaire de ses yeux, est Edward Elric. Certaines me connaissent comme Auric, le Gardien. D'autres m'appellent le Fullmetal Alchimiste. Mais ce n'est certainement pas 'chibi-san', espèce de misérable excuse pour un chétif demi-frère.
- Oh, tu m'as blessé, chibi-san. Est-ce à propos de moi te tuant la dernière fois ?
Envy resta impassible, même alors que ses yeux vacillaient d'un côté à l'autre à la recherche d'un échappatoire. Pourtant d'une manière ou d'une autre il savait avec une certitude étrangement fataliste qui lui était étrangère qu'il n'y aurait pas de sortie de dernière minute cette fois, pas de renversement soudain de situation. Et à en juger par l'expression dans les yeux de chibi-san, il savait qu'Envy savait. Le blond sourit, un sourit carnassier qui montrait toutes ses dents mais n'atteignait pas ses yeux.
- Non, c'est à propos de toi me traitant de petit, espèce d'ordure sous-développée et mal habillée. Mais ceci, dit Ed avec un calme sinistre, ceci est pour la dernière fois. Mourir fait putain de mal, connard. Et la vengeance est une salope.
Et sur ce, il claqua le centre de sa paume sur la poitrine de l'Homonculus, enroulant son esprit autour de l'énergie qu'il pouvait sentir irradier de la Pierre Philosophale incrustée à l'intérieur et l'attirant à lui et à travers lui même lorsque le Péché se tortilla et cria, plaqué dans cette parodie d'étreinte d'un amant. Leurs visages étaient tellement proches qu'Ed jurait qu'il pouvait sentir la respiration mourante de l'Homonculus échouer contre ses lèvres alors qu'il les ramenait dans un grognement, et puis le poids sur son bras disparut brusquement, l'Homonculus désintégré en un désordre d'exsudat organique tremblant qui s'égouttait de sa lame. Il marcha délibérément sur la pierre brun-rougeâtre terne qui tomba à ses pieds et la réduisit en poussière, éparpillant les misérables restes qui gisaient un peu partout.
- Va rejoindre notre père en enfer, ou dans n'importe quel plan il y a après. Si tant est qu'il accepte ceux de ton genre.
Et Ed se détourna, respirant lourdement alors qu'il relâchait précautionneusement l'excès d'énergie tirée dans l'atmosphère et dans la terre. Il jeta un coup d'œil à la dague ensanglantée qui sortait encore de son gantelet, fit une moue de dégoût, et toucha brièvement le plat de la lame de sa main gauche d'un geste absent. Un crépitement d'énergie alchimique bleue et l'acier fut nettoyé excepté pour le cercle clairement tracé sur sa surface brillante. Attrapant le regard surpris d'Hawkeye, l'homme blond haussa les épaules avec un mélange de timidité et d'amusement ironique en rengainant la lame et en réajustant le gantelet sur son bras.
- Que puis-je dire, Lieuten... désolé, Capitaine, être toujours préparé. Une bonne devise pour la plupart des choses de la vie.
- En effet, vint une lente voix traînante aussi douce et sombre que le velours. Est-ce que tu appliques cette philosophie à ta... vie personnelle également ? Parce que si c'est le cas, il y a quelque chose dont j'aimerai t'entretenir en privée...
Hawkeye toussa discrètement tandis qu'Ed roulait les yeux et se tournait pour faire face à son occasionnelle Némésis.
Roy pencha sa tête d'un côté et s'autorisa à apprécier la vue de la silhouette élancée détendue dans une pause avachie et insouciante qui réussissait à exprimer exaspération et résignation dans le même temps, les mains enfouis profondément dans ses poches, ses sourcils, tranchés par de longues mèches d'or voltigeant doucement dans la brise, arquaient dans une expression sardonique.
- Il me semble me souvenir t'avoir dit plus tôt d'arrêter avec les grossièretés, et ça en fait trois que tu me dois, bâtard. Tu commences à devenir négligent, vieil homme – je t'ai dit de ne pas supposer que je serai toujours à côté quand tu as besoin d'être sauvé !
- Oh ? Alors tu penses qu'une simple expérience de presque-mort annule notre contrat ? demanda Roy malicieusement. Comme c'est... décevant. J'avais espéré mieux d'un représentant de la Guilde des Gardiens de Portes... et de toi, Fullmetal.
Un grognement qui aurait fait trembler moins que cela gargouilla depuis quelque part dans la gorge d'Ed.
- Je fais ça pour Al, connard. Peut-être si tu étais un client plus intéressant au lieu d'un total bâtard de Colonel...
Mais son regard s'adoucit très légèrement tandis qu'il prenait en compte la vue bienvenue de l'homme qu'il n'avait jamais pensé revoir, battu, meurtri, couvert de poussière et de crasse, l'épuisement écrit dans les creux de ses joues pâles et les ombres sous ses yeux – et pour tout autant, toujours une silhouette indéniablement saisissante. Comment réussissait-il à porter tous ces soucis avant autant de grâce qu'il porterait des robes princières de la plus belle soie de Xing ? Comme il portait tous ses fardeaux, même ceux qu'il portait pour les autres, comme il avait les craintes et les espoirs d'un enfant en colère qui avait grandi pour devenir un homme plus sage maintenant capable de reconnaître l'immense don qu'on lui avait donné – et qui était maintenant prêt, disposé et capable de choisir de donner en retour.
Un coin de la bouche de Roy se releva très, très légèrement.
- Il me semble me souvenir de t'avoir dit une fois que tu avais mis trop longtemps à te montrer – j'ai été promu Général de Division, tu sais. Et es-tu en train de dire que je ne te mérite pas ? demanda-t-il gentiment tandis qu'il tendait la main et repoussait une boucle de cheveux du front d'Ed pour mieux voir ces magnifiques yeux dorés.
Des yeux qui brillaient d'un feu intérieur, qui pouvait être effrayant à cause de son intensité et étaient pourtant alors doux et chaux et emplis d'une émotion que Roy ne voulait pas nommer, ne voulait pas croire parce que cela vous rendait vulnérable, vous laissait ouvert aux blessures et à la douleur et à la peine, ouvert à la réalisation poignante que quelqu'un là dehors pouvait vous regarder, les verrues, les défauts, les péchés et tout le reste et vous aimez pour vous, pour tout ce que vous étiez, et pour tout ce que vous seriez. Et pourtant il savait qu'il n'avait plus le choix en la matière. Il était devenu un croyant il y a bien longtemps.
Les yeux d'Ed brillaient d'une expression insondable.
- C'est bien vrai, bon sang.
Il laissa cette mèche dans les airs pour un moment, puis soupira et tendit une main jusqu'à la joue de Roy, souriant doucement tandis que le plus grand tournait son visage légèrement pour se nicher dans la paume de sa main droite tout à fait humaine, s'épanouissant dans le sensation de pouvoir sentir le souffle de Roy murmurer contre sa peau. Et puis la main de Roy s'enroula gentiment autour de la sienne, la tirant vers l'avant assez pour qu'il presse ses lèvres sur le peau sensible de l'intérieur du poignet, et la respiration d'Ed s'essouffle alors que le bout de la langue de Roy s'étire pour délivrer une caresse joueuse.
- Mais après tout, tu as toujours été un bâtard chanceux, Roy Mustang.
Et sur ce il tendit son autre main avec détermination et attira Roy vers le bas pour l'embrasser, directement, sans hésitation, ou peur, ou doute.
Curieusement, ce spectacle ne semblait pas susciter une grande consternation parmi le public captivé de soldats attirés par le bruit de la bataille. Au lieu de cela, ils étaient obsédés par un tout autre sujet.
- Je ne peux pas croire que le Fullmetal Alchimiste est revenu d'entre les morts, murmura l'un des hommes avec terreur derrière Al. Est-ce que... ce sont ces montres qu'il donne aux Alchimistes d'État ?
Il tressaillit lorsque Hawkeye tira et arma son arme de poing de manière significative, ne voyant pas le regard amusé dans les yeux de la Capitaine alors qu'elle notait mentalement la vitesse à laquelle la nouvelle de la résurrection miraculeuse d'Edward Elric allait se propager chez les militaires. À ce rythme, Roy serait Führer avant leur retour au camp.
Al observa alors que Roy et Ed s'appuyaient l'un contre l'autre, se reposant dans l'étreinte de l'autre, leurs fronts se touchant, sans bouger, trouvant simplement une paix séparée avec l'autre dans un endroit entre pour la première fois depuis ce qui semblait être une éternité. Cela semblait seulement... juste d'une certaine manière, que ces deux-là trouvent l'amour dans la folie de la guerre. Ses yeux s'emplirent de larmes, mais il ne fit aucun mouvement pour les essuyer alors qu'il s'éclaircissait la gorge, se souvenant de ce qu'il avait dit bien des années plus rôt.
- Anneaux et montres n'ont rien à voir là-dedans. Mon frère est... le Fullmetal Alchimiste.


Le Phénix se régénère tous les 500 ans en s'immolant lui-même sur un bûcher funéraire et en se relevant de ses cendres. En alchimie, cela symbolise la renaissance de l'esprit des creusets de la transformations. Les alchimistes qui méditaient sur les processus dans leurs flacons se jetaient dans une mer d'expériences étranges et, en les travaillant dans leurs méditations et en cherchant à saisir les parallèles intérieurs et la signification de chacune des étapes du processus dans lequel ils s'étaient engagés, dans le sens qu'ils expérimentaient une mort intérieure et une renaissance en atteignant la Pierre Philosophale. Cette pierre était en réalité expérimentée comme la formation d'un sol solide dans la mer mouvante de leur monde intérieur. Une fois que ce sol solide dans l'âme était trouvé, les alchimistes étaient capable de s'emparer de leur vie d'une manière créative, ils pouvaient enraciner leur esprit dans une fondation solide ou un sol d'expérience intérieure.

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