- La peur est une motivation puissante.
Izzy fixait d'un air morose les braises mourantes du petite feu qu'ils avaient allumé pour se réchauffer, ses boucles sombres et sinueuses tordues négligemment et épinglées sur le côté par une longue plume qui se terminait par une pointe étrangement pointue. Un examen plus approfondi de l'ornement à cheveux translucide révélait que l'extrémité de la plume avait été scellée avec un peu de cire qui empêchait le pâle liquide rosé dans la tige de la plume de s'échapper. Sur n'importe quelle autre femme, simplement décoratif ; sur Izzy, probablement une arme d'une sorte quelconque.
- Les humains sont nés avec seulement deux peurs, vous le saviez ? La peur des hauteurs ou la peur des bruits sourds. Tout le reste est appris. Même la peur de la mort.
Elle lança un long regard de côté au Gardien blond.
- En échange de nos souvenirs, nos passés, pour qui nous étions, les Gardiens reçoivent une sorte de bénédiction – nous avons désappris toutes nos peurs. Ils n'incombent qu'à nous de ne pas réapprendre les mauvaises habitudes.
Auric hocha la tête silencieusement, ses yeux dorés scintillant à la lumière du feu. Il avait appris très rapidement que quand Izzy tombait dans l'une de ses humeurs pointilleuses, il valait mieux se taire et écouter, ou risquer certaines blessures physiques. Et Izzy avait été une Gardienne depuis longtemps – ses idées étaient généralement concises, pratiques et visant à vous garder en vie et utile à la Guilde le plus longtemps possible. À côté de lui, Alp était étendu paresseusement sur le ventre, jouant avec ses perles d'ambre tout en regardant l'aînée des Gardiens donner une conférence sur son nouvel ajout.
- Une chose que les humains apprennent très rapidement à craindre est l'inconnu. L'obscurité. Les humains se reposent bien plus qu'ils ne le devraient sur leur vue...
Et son reniflement convoyait exactement ce qu'elle pensait de cela.
- Un Gardien devrait être capable d'opérer même s'il est aveuglé, grâce à son ouïe et son touché et son odorat – et son instinct. Même principe que la téléportation ou l'ouverture d'un Portail – c'est tout à propos de l'équilibre. Toujours être conscient des courants d'énergie autour de lui. Si tu es négligent, tu es mort, et tu le mérites probablement.
Et sans avertissement, elle donna un coup de pied dans les restes brillants du feu, les plongeants dans une pluie d'étincelles incandescentes – et puis dans les ténèbres. Une lueur de lumière d'étoile dessina les contours d'une étoile d'une autre sorte qui était soudain apparue dans sa main, et elle l'envoya avec un but précis droit vers la tête d'Auric. Alp se tendit alors que les courants d'énergie tourbillonnants qui l'entouraient se déplaçaient, prêt à arracher l'arme de l'air pour protéger Auric si nécessaire, mais le Gardien novice était déjà en mouvement. Il piégea le projectile dans les plis lourds de son manteau avec un bras, tournoyant gracieusement dans un mouvement plus lent qu'il n'y paraissait alors même que l'autre bras fouettait l'air par dessus pour laisser s'envoler l'un des siens. Izzy bougea légèrement la tête sur le côté en un rien de temps, et l'étoile de jet vola près de son oreille et s'enfonça dans un malheureux arbrisseau. Elle fixa son protégé le plus récent à travers les ténèbres sombres tandis que ses cheveux se déroulaient autour de ses épaules, le tranchant de l'arme ayant traversé soigneusement certaines de ses mèches, et il rencontra son regard imperturbablement avec son propre regard d'or, un peu comme celui d'un chat en chasse.
- Bien, dit-elle au final. Maintenant comprenez qu'il y a plusieurs formes de peur, et que l'avantage psychologique que vous possédez l'emporte de loin sur toute démonstration grossière de prouesses physiques. La peur est une arme. La peur est un outil. La peur est un levier. Certains disent que c'est mal de l'utiliser pour en manipuler un autre.
Izzy sourit sans joie.
- Mais nous sommes des Gardiens. Les règles des autres ne s'appliquent pas nécessairement à nous. Et les besoins doivent être là où le diable nous conduit.***
L'Adjudant Hendricks s'affaissa inconfortablement, se demandant depuis combien de temps il se trouvait dans cette pièce exiguë et sans air avec ce Lieutenant Colonel Armstrong incroyablement énervant. Il craignait presque que les étincelles roses qui se détachaient de l'homme ne s'incrustent de façon permanente dans sa rétine si l'interrogatoire se prolongeait, et des spasmes de douleur lui faisaient mal au dos alors que les muscles protestaient contre la position contre nature et étroite dans laquelle ils étaient retenus grâce aux menottes qui le retenaient sous le siège du fauteuil rachitique. L'Alchimiste d'État soupira théâtralement et se pencha un peu plus près pour que ses petits yeux bleus, enfouis dans les plis roses de son visage orné de la petite boucle jaune qui pendait parfaitement centrée entre eux, semblaient apparaître comme de grandes billes bleues flottant devant le visage du détenu.
- Ça me blesse de vous voir ainsi, vraiment. Le code d'honneur des Armstrong tel qu'il est transmis de génération en génération a toujours prescris la clémence envers les ennem...
- Arrête ça ! cracha Hendricks, ses yeux pâles injectés de sang et accablées.
Ses dents étaient dénudées comme celles d'un animal acculé.
- Plus de maudites histoires sur ta famille pompeuse et suffisante ! J'en ai rien à foutre de ce que dit ton foutu code. Vous n'obtiendrez rien d'autre de moi, alors pourquoi ne vas-tu pas travailler sur une technique familiale légendaire des Armstrong pour te perdre ?
Armstrong se redressa de toute sa hauteur, ses moustaches de morse frémissant vigoureusement, bien qu'il était difficile de dire si c'était avec rage ou avec douleur. Il ouvrit la mouche, mais fut interrompu par un léger coup sur la porte. Hendricks observa avec une vague de surprise indifférente alors que l'Alchimiste d'État répondait à la convocation, hochait la tête à quelque chose que l'adjudant ne pouvait pas entendre, et puis se glissait dehors, fermant la porte avec un léger clic qui avait d'une manière ou d'une autre un air de finalité à ce sujet. Probablement parti pour boire ou pisser, pensa l'homme d'un air aigri, ces types mous ne pouvaient jamais endurer beaucoup de privations. Il s'agita, roulant la tête sur ses épaules, agitant les doigts, essayant d'y remettre du sang, mais c'était sans espoir et il se replia vite dans la position qu'il occupait depuis quelques heures. Cela devait faire des heures. Sûrement pas encore des jours ? On ne pouvait pas le dire dans cette pièce sans fenêtre, éclairée uniquement par une ampoule nue qui pendait précairement d'un fil de fer exposé et arraché en partie du plafond. Il se demanda si les autres avaient vraiment parlé. Se demanda si le Général Hakuro allait bien ou si Mustang avait déjà pris des mesures pour neutraliser la menace de son pouvoir. Se demanda si le Général avait même accordé une pensée au modeste adjudant qu'il l'avait laissé tomber de façon si spectaculaire, et une profonde vague de honte s'abattit sur lui.
Arrête. Arrête ça, espèce d'idiot, c'est ce qu'ils veulent. Ils te laissent ici pour te laisser mijoter, te laisser entendre les petites voix de ton propre doute dans ton esprit. Tu as été mieux entraîné que ça, et il secoua brusquement la tête, grimaçant lorsque les muscles tendus de ses épaules gémirent, tout en accueillant la douleur comme une distraction par rapport à la peur lancinante dans son esprit. Il leur montrerait. Il... attendez, c'était quoi ce bruit ? Un bourdonnement étrange planant à la frange de son audibilité – il semblait venir de l'ampoule du plafond, et il plissa les yeux, perplexe. La lueur semblait s'estomper, et il pouvait voir le filament enroulé à l'intérieur du verre, maintenant d'un orange terne brûlant. Il étincela un instant, puis s'éteignit soudain en un claquement de doigts et un tintement de verre brisé, le laissant dans l'obscurité, les yeux écarquillés. Il aurait pu jurer qu'à l'instant où l'ampoule s'était consumée, il avait vu une forme sombre et sinueuse qui s'enroulait autour et à l'intérieur de l'ampoule. Presque comme un serpent, et il détestait ces créatures, il les avait toujours détestés depuis cette affectation à Ishbal, où les reptiles étaient à la fois abondants et venimeux. Un de ses bons amis était mort en marchant sur l'un d'eux par accident, et c'était suffisant pour rendre un homme paranoïaque à l'idée de mettre ses bottes le matin au cas où l'un des serpents s'était installé dans la chaleur noire. C'était devenu une sorte d'obsession avec lui, des serpents et des autres créatures écailleuses, assez pour que les médecins militaires aient mis une note dans son dossier à ce sujet. Dieux, il détestait les serpents !
Reprends-toi, se dit-il fermement. Tes yeux sont fatigués, tu vois des choses. Pourquoi y aurait-il des serpents dans l'ampoule ? Mais cette même petite voix effrayante murmura qu'ils auraient pu glisser le long du fil de fer depuis le plafond, et une sueur froide lui piqua la nuque. Reprends-toi, bon sang ! Mais c'était comme si la digue de sa raison s'était finalement fissurée et qu'une force inexorable tordait ses intestins alors même qu'il luttait pour retrouver un semblant de clame, le tirant en déséquilibre, faisant se dresser les poils sur sa peau.
Un voix agréablement basse gloussa dans les ténèbres.
- En effet, Adjudant Hendricks. Reprenez-vous. Les Opérations Spéciales vous ont formé mieux que ça, n'est-ce pas ?
- Qui est là ? Suffoqua-t-il, les yeux plissés pour discerner une forme dans l'obscurité, sans pour autant voir quoi que ce soit.
Armstrong l'avait laissé seul dans la pièce, et il n'y avait qu'une porte, et il ne l'avait pas entendue s'ouvrir, et même si elle avait été ouverte, il l'aurait vue, n'est-ce pas ? L'obscurité était rarement absolue ; ce que la plupart des gens considéraient comme l'obscurité était souvent une palette changeante de bleus, de gris et de violets de minuit, et si vous étiez très, très bon, vous pouviez à peu près voir des formes dans l'obscurité par la variation des teintes. Et il savait qu'il était très, très bon. Alors comment diable... et puis un doigt glacé courut un chemin de vif argent le long de sa colonne tandis que son esprit réalisait soudainement quelque chose d'autre.
- Comment saviez-vous à quoi je pensais ?
Et comment diable peut-il me voir si je ne peux pas le voir .
- Je l'ai senti, traîna la voix sans élaborer toujours entrelacée d'un amusement détachée.
Cela semblait venir de l'autre côté de la table, comme si l'orateur était assis dans la chaise qu'Armstrong avait laissé vacante. Mais il n'y avait eu aucun son, aucun craquement de la chaise rachitique pour trahir sa présence.
Il ricana en réfléchissant.
- Le sentir ? Qui pensez-vous être, un genre de médium de pacotille ou quelque chose comme ça ? Est-ce une sorte de nouveau tour alchimique qu'Armstrong est en train d'essayer ? Parce que ça ne fonctionnera pas, vous savez.
Et il pouvait entendre la bravade tendue dans sa propre voix alors même qu'il luttait contre une vague soudaine de nausées. Pourquoi se sentait-il si déséquilibré ?
- Oh, ne jamais dire jamais, dit la voix avec un air de reproche. Vous avez si peu de foi. Et non, le Colonel Armstrong n'a rien à voir avec ça. En réalité, il attend à l'extérieur, plutôt perplexe. Déni plausible, vous voyez.
Et le détachement avec lequel les derniers mots furent lancés, comme si l'orateur s'attendait entièrement à ce qu'Hendricks comprenne l'implication, fit frémir chacun des nerfs dans le corps de l'homme. On l'informait basiquement qu'il n'allait plus prendre de gants et que ce n'était pas un interrogateur amateur auquel il était confronté.
- Qui êtes-vous ?
- Qui pensez-vous que je sois ?
Et la voix était soudainement juste à côté de lui, l'orateur tellement proche qu'il pouvait sentir le souffle chaud caresser l'ourlet délicat de son oreille. Il commença à s'éloigner, le cœur battant, les mains liées secouant et tirant douloureusement sur la chaise, qui vacillait dangereusement, puis elle retomba avec une poigne secoué comme si une main invisible l'avait prise et reposée, emportant Hendricks avec elle sans le vouloir. La chaise et l'homme se retrouvèrent sur leurs jambes, le laissant presque glisser du siège, le visage incliné vers le bas, les menottes autour de ses poignets étant la seule chose qui l'empêchait de tomber face contre terre... parce que pour une raison quelconque ses pieds ne semblaient pas pouvoir toucher le sol. Il ne savait pas comment la chaise restait en équilibre, mais ses bras avaient l'impression qu'on les arrachait de ses épaules alors que le poids de son corps les tirait sans remords, la chaise fragile en matériau standard grinçant de façon alarmante avec la tension.
- Qu'est-ce qui se passe bordel ?
La chaise n'avait-elle pas été boulonnée au sol il y avait seulement quelques secondes ? Ses jambes donnèrent un coup de pied impuissant et ne trouvèrent que de l'air vide, et peu importe à quel point il était tendu, il ne semblait pas pouvoir pénétrer l'obscurité qui l'engloutissait. C'était peut-être le sang qui lui montait à la tête à cause de sa position précaire, mais il commençait à voir d'étranges stries et taches de couleur devant ses yeux, et il ne put pas vraiment supprimer le frisson dans sa voix quand il tâtonna pour trouver autre chose sur quoi se concentrer.
- Qui êtes-vous bon sang ? Qu'est-ce que vous êtes en train de me faire ? Alors c'est comme ça que votre précieux Flame Alchimiste opère ? Je n'aurais rien dû attendre d'autres de la part de ce bâtard corrompu ! Le Général Hakuro avait raison, il va détruire le pays !
Le silence l'accueillit. Sa respiration était dure dans ses oreilles, et la sueur lui piquait les yeux.
- Dites quelque chose, bon dieu !
Quand la voix lui répondit enfin, elle venait de quelque part devant lui, et il leva désespérément la tête et regarda dans les ténèbres au-delà de l'obscurité.
- Je n'ai pas encore posé la main sur vous, Adjudant. Et votre dieu n'a pas sa place ici. Trois est une foule, et nous sommes juste en train d'avoir une conversation.
Et puis, aussi poliment que si c'était lui demandé comment il appréciait le temps :
- Êtes-vous effrayé par les Alchimistes ?
- Vous aimeriez.
C'était un grognement né d'une profonde terreur, et il savait que l'autre pouvait l'entendre, car il y eut un rire bon enfant qui ne le rassura pas.
- Eh bien vous devriez. Nous sommes la chose la plus proche des dieux qui existe. Qu'es-ce qu'ils disent toujours ? 'Que la lumière soit ?'...
Les humains sont nés avec seulement deux peurs. La peur des hauteurs et la peur des bruits sourds.
Il y eut un soudain claquement bruyant qui résonna dans toute la salle et Hendricks sursauta et gémit alors qu'une lumière bleue aveuglante éclatait dans l'existence, l'aveuglant temporairement alors qu'il clignait des yeux douloureusement, des larmes coulant le long de son visage. Il força ses yeux vers la source de l'énergie crépitante et sentit son estomac se retourner lorsque son interrogateur fut révélé. Vêtu d'un manteau et légèrement camouflé. Blond et avec une queue de cheval, de longues mèches encadrant des yeux dorés sauvages qui brillaient dans la lumière scintillante comme s'ils étaient eux-mêmes une source d'énergie, des mains gantées de blanc levées devant lui comme s'il admirait le pouvoir alchimique qu'il tenait si facilement dans ses mains. Une chaîne d'une montre d'argent brillant à sa ceinture distinctivement pas si commune. L'adjudant sentit sa bouche se dessécher. Pas d'uniforme... pas de cercles qu'il puisse voir...
- Vous êtes le Fullmetal Alchimiste !
Le jeune homme sourit d'un air triomphant, l'expression amicale en contraste étrange avec l'angoissante lumière bleue jetée sur son visage par l'énergie alchimique de ses mains.
- Je sais. Quelqu'un doit l'être. Ne regardez pas en bas maintenant, Adjudant.
Il le fit. Et hurla lorsqu'il réalisa que la chaise était d'une manière ou d'une autre suspendue sur deux jambes au dessus au-dessus d'une noirceur béante qui semblait n'avoir aucun fond. Une soudaine rafale de vent hurla dans l'obscurité en dessous de lui et fit vaciller dangereusement sa chaise, la basculant en avant et en arrière dans une oscillation saccadée, emportant avec elle le sifflement et le bruit des serpents quelque part en bas qui rampaient les uns sur les autres, avides de nourriture fraîche. Son esprit s'évanouit alors que son monde se résumait à cet abîme béant et que la peur s'enroulait et se serrait autour de ses intestins.
Edward Elric sourit paresseusement, un sourire carnassier qui retroussa lentement ses lèvres.
- Je vous avais dit de ne pas regarder.
Il s'agenouilla et claqua une main au sol, en tirant un tabouret avec une nonchalance qui suggérait qu'il le faisait quotidiennement six fois avant le petit-déjeuner et pouvait probablement le faire dans son sommeil s'il en avait besoin.
- Maintenant que nous sommes tous les deux assis confortablement... discutons un peu, juste vous et moi.
Hendricks gémit quand l'obscurité se referma une nouvelle fois.
Il faut ce qu'il faut.
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Full Circle
FanfictionEdward Elric revient amnésique. Il a vécu les quatre dernières années en tant qu'Auric, un Gardien de Portes. Mais il y a certaines batailles qu'il est le seul à pouvoir combattre. Ses amis seront-ils capables de réveiller Ed, et qu'arrivera-t-il à...