Chapitre 15 : A Place Between

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L'officier salua élégamment et tourna les talons pour partir, jetant un regard furtif au Général pendant qu'il le faisait. Bien qu'il ait toujours respecté l'homme – sa réputation provenait du massacre d'Ishbal, après tout, et il avait eu largement assez d'occasions d'observer de près l'œuvre du Flame Alchimiste pendant ces dernières années – son estime avait été multipliée par mille face au fait que le célèbre Fullmetal Alchimiste était revenu de n'importe quelle lieu inconnue où il avait été pendant ces quatre dernières années uniquement pour le sauver. Une loyauté comme cela se gagnait, et pas facilement non plus. Ce qui était drôle, c'est que les ragots disaient que les deux avaient toujours eu une antipathie réciproque – les cris qui surgissaient dès que les deux se trouvaient dans la même pièce étaient légendaires, et les paris allaient bon train sur la longueur de la dispute, le volume mesuré par le nombre de longueurs de couloirs que vous deviez parcourir avant de ne plus pouvoir les entendre, et le nombre de fois que le mot « bâtard » était utilisé, avec des points bonus quand il était utilisé en combinaison avec d'autres insultes, par exemple «  bâtard chien de l'armée ». On dirait qu'on ne pouvait vraiment pas croire tout ce qu'on entendait.
Le Général releva la tête de la carte qu'il étudiait.
- Y avait-il autre chose, Capitaine ?
Les yeux de l'homme étaient las et cerclés de noir, et il bougeait avec raideur, sa veste pendante ouverte et révélant que ses côtes étaient lourdement bandées. Pourtant, son regard était toujours acéré, jaugea l'officier – il avait probablement refusé quoi que ce soit pour la douleur pour s'assurer que son esprit restait clair.
- Non, Monsieur. Seulement... heureux que vous alliez bien, Général Mustang, Monsieur.
Le regard sombre s'adoucit légèrement, et l'homme inclina la tête.
- J'apprécie le sentiment, soldat. Rompez.
- Oui, Monsieur ! dit l'officier, sortant de la tente à la hâte.
Tellement à la hâte, en réalité, il trébucha sur un piquet de tente et tomba sur quelqu'un au coin de la tente.
- Hey ! Regardez où vous allez...
Il s'arrêta abruptement tandis qu'il rencontrait un regard jaune agacé.
- Bonté... er, je veux dire, je vous demande pardon, Major Elric, Monsieur... et Major Elric, ajouta-t-il précipitamment alors que l'Earth Moving Alchimiste arrivait derrière son frère.
Le plus petit des deux hommes sourit fermement.
- Ce n'est pas grave... Capitaine. Je n'ai pas été appelé par un rang militaire depuis un long moment. Fullmetal suffira. Et abandonnez le Monsieur.
- Oui, Monsieur, je veux dire...
Alphonse Elric intervint gentiment.
- Nous vous empêchons d'accomplir votre devoir, Capitaine. Allez-y.
L'officier salua encore une fois et fuit la scène. Attendez seulement que les autres entendent parler de ça ! Une vraie rencontre en direct avec le Fullmetal Alchimiste en personne ! Alors il était un peu plus petit qu'il ne s'y attendait, mais il avait une véritable présence – quelque chose dans la façon dont il se tenait ? Et ces cheveux magnifiques étaient un vrai gâchis sur un homme.
Une paire d'yeux dorés le regarda aigrement partir.
- Je déteste quand je dois deviner si oui ou non je suis supposé connaître quelqu'un. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir faire ça, Al. Je vais faire une gaffe.
- Non, tu n'en feras pas, dit son frère d'une manière rassurante. Nous sommes dans l'armée, tu peux toujours utiliser seulement leurs rangs et personne ne remarquera que tu ne te souviens pas de leurs noms. Tu n'as jamais été très doué pour te souvenir d'eux de toute façon. D'ailleurs, tu as été parti pendant quatre ans – tout le monde en tiendra compte. Les gens tournent la page, tu sais.
Les yeux d'Auric se tournèrent vers la toile de tente entrouverte.
- Pas l'homme que je vais voir.

***

Roy se maintint droit – le modèle même d'un Général de Division, pensa-t-il narquoisement – jusqu'à ce que le battement de la tenture contre l'armature signale que le Capitaine était parti. Puis il laissa ses épaules s'affaisser si légèrement alors qu'il expirait très, très doucement. Les côtes cassées faisaient un mal de chien, et pourquoi avait-il refusé la morphine offertes par les médecins le dépassait à ce moment. Cela aurait soulagé la douleur, et il aurait pu attraper quelques heures de repos. Plus important, cela aurait adouci les dures bordures de la réalité et lui aurait procuré un peu de peu, même pour un court instant.
Non. C'était le premier pas sur la pente glissante menant à l'addiction. Il l'avait déjà vu arriver à des soldats avant. Au début, c'était juste une solution temporaire pour la douleur, mais ensuite cela devenait une nécessité, une soif, un besoin incontrôlable pour ce doux oubli qui les rendait fous. Il ne suivrait pas ce chemin. Principalement parce là maintenant cela semblait tellement tentant qu'il savait qu'il serait perdu une fois qu'il aurait cédé et se serait rendu à son chant de sirène pour essayer de trouver ce havre qu'il n'avait jamais trouvé qu'une seule fois, dans les bras d'Edward Elric. Un endroit hors du temps – un endroit entre. Roy ferma les yeux et fléchit délibérément sa main blessée, grimaçant à cause de la douleur mais l'accueillant comme une distraction du chemin morbide qu'avait pris ses pensées. Il haleta silencieusement, mâchouillant l'intérieur de sa lèvre alors qu'il attendait que la première vague de douleur s'atténue avant de s'affaisser contre son bureau avec soulagement. Peut-être qu'il devrait vraiment prendre du sommeil – l'une des choses merveilleuses à propos d'être gradé était que vous pouviez demander à avoir un lit de camp dans son bureau, et là maintenant l'objet branlant et affaissé paraissait incroyablement attrayant. L'autre chose merveilleuse à propos d'être l'officier le plus haut gradé présent était de pouvoir accorder des promotions sur le terrain. Il avait promptement fait Maes un Général de Brigade, et l'expression sur le visage de son frère avait été sans prix.
- Quoi ?
- Vous m'avez entendu, Général de Brigade Hugues. Pour une créativité peu commune en matière de guerre psychologique.
Le visage de Maes s'était assombri.
- Roy... à propos de ça...
- Plutôt inventif. Vraiment inspiré. Tu as dû planifier ça dès le moment où tu l'as vu dans mon bureau.
Et Roy avait laissé la brillante fragilité de sa voix porter l'accusation beaucoup plus efficacement que n'importe quelle quantité de déclamations et de divagations.
- Dans le futur par contre, j'apprécierais être tenu informé à propos de plans tels que celui-ci avant qu'ils ne me surprennent sur le champ de bataille. Ou la valeur du choc était-elle aussi un élément clé de ta stratégie ?
- Aurais-tu donné ton accord si tu avais su ? avait demandé Maes calmement, ostensiblement.
Roy avait été silencieux, mais Maes avait lu la réponse dans ses yeux.
- Ed a toujoours été ton point faible, Roy. Tu es capable d'être objectif à propos de tout le reste dans la poursuite de tes objectifs mais pas des frères Elric et en particulier Ed. Nous avions besoin de lui. Je ne serais pas un Officier du Renseignement si je ne profitais pas d'une occasion en or pour remonter le moral et affaiblir l'ennemi, Monsieur.
- Personne ne questionne ton jugement professionnel, Général de Brigade, avait répondu Roy froidement. Mais tu me pardonneras si je ne me sens pas de discuter de mes affaires personnelles avec toi en ce moment ; j'ai une guerre à gagner et un pays à diriger. Et tu as de nouvelles responsabilités qui t'attendent, je crois.
Il avait promptement délégué la plupart des problèmes opérationnels et logistiques au nouvellement nommé Général de Brigade, ce qui l'avait laissé libre de s'occuper des détails du nettoyage des poches de violence restantes et de la consolidation de son pouvoir dans le vide laissé par la disparition désagréable du Führer aux mains du Fullmetal Alchimiste ressuscité. C'était un défi aussi loin de Centrale, mais Roy n'était pas devenu le plus jeune Général dans l'histoire de l'armée pour rien. Et Maes essayait de s'amender en lançant des rumeurs et en sortant les morceaux de propagande appropriés – la partie sur le héros de guerre marchait toujours bien sur les masses, et leurs yeux et oreilles dans la capitale voyaient déjà une vague de soutien pour l'héroïque Général Roy Mustang. La bouche de Roy se tordit cyniquement. Si seulement ils pouvaient voir le sang sur ses mains.
Le lit de camp l'attirait, et il dirigea ses pas en conséquence, les bottes sur ses pieds pesant comme des poids morts alors qu'ils traînaient des pieds. Il y était presque... et puis il trébucha sur son propre pied. Mince. Cela allait faire un mal de chien quand il allait heurter le sol, pensa-t-il pris de vertige, mais au lieu de cela une forte paire de bras le rattrapa tandis qu'il tombait sur ses genoux.
- Merci, dit-il d'une voix haletante en optant pour rester immobile un moment jusqu'à ce que le monde arrêta de tourner.
- Pas de problème, vint la réponse narquoise et amusée. Bien que je dois dire que ça devient un peu une habitude avec toi.
Une paire d'yeux dorés comme ceux d'un chat rencontra les siens, et Auric leva un sourcil vers lui.
- Encore un peu et je serai forcée de déduire que tu tombes pour moi.

***

Les yeux de Roy suivirent le Gardien aux cheveux dorés tandis qu'il s'affairait vivement mais silencieusement dans la tente. Auric avait facilement amené le plus grand sur le lit de camp, son toucher doux pour n'aggraver aucune de ses blessures, mais sa stature légère contrebalancée une force étonnamment efficace dont Roy se souvenait bien. Après un moment d'hésitation, Auric retira son manteau pour l'utiliser comme une couverture quand quelques minutes de recherches ne trouvèrent rien d'autre de convenable, et Roy trouvait cela étrangement réconfortant. Il sentait bon, à défaut d'autre chose, et en marge, l'avantage était de pouvoir observer la silhouette d'Auric, vêtue de noir, à courte distance et non encombrée d'un manteau, d'une cape ou d'une veste. Juste comme celle d'Ed, excepté pour une petite addition.
- N'enlèves-tu jamais tes gantelets ? demanda Roy d'un ton à moitié endormi.
Il pouvait se sentir glisser dans l'inconscience malgré ses meilleures intentions, dans cet agréable état entre rêves et réalité quand les questions avec le moins d'importance semblaient porter le plus de poids.
Auric releva la tête, surpris.
- Pas vraiment. Pas quand je suis à découvert comme ça, en tout cas. Self-defense.
Il fléchit son avant-bras, fermant le poing, et à la surprise de Roy une lame mince et plate d'environ vingt centimètres de long glissa doucement vers l'extérieur, s'étendant vers l'avant sur l'arrière du poing d'Auric. Il pouvait voir comment cela pourrait facilement attraper un adversaire par surprise, et garantirait certainement qu'un coup de poing donné ferait plus de dégâts que les conséquences habituelles. Le Gardien haussa les épaules consciemment alors qu'il rétractait la lame.
- Dans le cas où je suis autrement désarmé. Ça s'est avéré utile plus d'une fois. Maintenant, va dormir, Général, tu as besoin de te reposer ou tu ne seras plus utile à qui que ce soit.
- Veux pas aller dormir, marmonna Roy même quand ses yeux battaient la chamade.
Avec ses cheveux tombant sur ses yeux et la fatigue abaissant sa garde, il semblait surprenamment jeune et frêle tandis qu'il se pelotonnait sur le lit de camp, en serrant le manteau d'Auric autour de lui.
Auric pensa fugitivement que cela avait été une bonne idée de poster Al à l'entrée pour leur donner de l'intimité – il était à peu près sûr que le Général aurait mortifié si quiconque le surprenait en train de paraître aussi vulnérable. Mais ce n'était pas comme cela qu'il avait envisagé leur rencontre se dérouler.
- Pourquoi pas ? N'es-tu pas fatigué ? demanda-t-il doucement comme quelqu'un qui parlerait à un enfant grognon.
- Parce que... tu seras parti quand je me réveillerai, vint le murmure à peine audible. Peux pas supporter ça encore une fois, Ed. Fait mal.
Le Gardien se mordit la lèvre, puis tira une chaise pliante jusqu'au lit de camp et s'assit.
- Non, je ne serai pas parti. Je vais m'asseoir avec toi, promit-il en tendant la main et en prenant l'une de celles de Roy, aux longs doigts normalement élégants, dans les deux siennes, attentif à ne pas la bousculer – d'après l'aspect du gonflement, le Flame Alchimiste ne claquerait pas des doigts à nouveau avant longtemps. La couleur de Roy semblait un petit peu trop intense sur ses joues pâles, et Auric fronça les sourcils.
- Je pense que tu es un peu fiévreux, bien que ce ne soit probablement que tes blessures. Ici, bois un peu d'eau avant de dormir.
Et il tendit la main vers un verre d'eau sur la table de camp. Il glissa un bras derrière l'homme tandis qu'il lui tendait le verre, et fut à nouveau désagréablement troublé par le peu de poids que pesait l'homme. Il s'était visiblement poussé jusqu'à ses limites physiques même avant que tout ce bazar ne commence. Masquant son inquiétude avec brusquerie, il installa Roy de nouveau contre le seul fin oreiller et reposa le verre avant de retourner à son siège et reprendre la main de Roy.
- Dors maintenant.
- Je suis désolé.
Un marmonnement à moitié délirant.
- Pour quoi donc ?
- Je ne te l'ai jamais dit.
Auric retint son souffle. Peut-être qu'il pourrait préserver quelque chose de ses intentions originales après tout.
- Qu'est-ce que tu ne m'as pas dit ?
- Te l'ai jamais dit... tu es parti et je ne te l'ai jamais dit... marmonna Roy nerveusement et Auric se trouva à brosser doucement la frange de l'homme et à poser une main apaisante sur son front.
- Ce n'est pas grave. Je suis là maintenant.
La respiration de Roy sembla s'approfondir tandis qu'il se calmait sous le toucher d'Auric.
- Te l'ai jamais dit... Je sais pourquoi tu devais y aller seul... n'y a-t-il pas un lieu entre ?
Ses mots étaient hésitants et brisés, presque comme s'ils faisaient seulement partie d'un plus grand tout. Auric aurait pu jurer qu'ils les avaient entendu avant. Mais où ? Il chercha dans ses souvenirs, perplexe, et puis se raidit imperceptiblement alors qu'un souvenir de leur dernier nuit à Resembool flottait dans son esprit. Il s'était retiré avant Al et Winry pour leur donner un peu d'intimité pour qu'ils se disent au revoir, et alors qu'il montait les escaliers, il avait entendu Winry chanter doucement :

I know you're gone
I watched you leave
I always thought
That it was me
You made it clear
With that last kiss
You couldn't live a life
With maybe's and whatif's

When every boat has sailed away
And every path is marked and paved
When every road has had its say
Then I'll be bringing you back
Home to stay

When every town looks just the same
When every choice gets hard to make
When every map is put away
Then I'll be bringing you back
Home to stay

And now I know why you had to go alone
Isn't there a place between

Reach out to me
Call out my name
And I would bring you back again
Today

Auric pressa ses lèvres l'une contre l'autre, combattant une étrange houle d'émotions.
- Je suppose qu'on est tous à la recherche de cet endroit entre, Roy, dit-il doucement. Mais maintenant je sais. Et Je rentrerai à la gomme quand il sera temps d'accord ? Dors maintenant. Je serai là quand tu te réveilleras.
Roy s'agita doucement, et un très léger sourire toucha ses lèvres tandis qu'Auric secouait la tête tristement et se maudissait d'être un idiot nostalgique.
- Dors.


À nouveau, le mérite où il est dû et une publicité : la chanson, "Home To Stay" (Amy Foster-Gillies/Jeremy Lubbock) peut être trouvé sur l'album éponyme de Josh Groban, un jeune homme charmant et talentueux qui a passé quelques temps à l'un de mes universités avant de poursuivre une carrière professionnelle. C'est une chanson étonnamment belle chantée avec beaucoup d'émotions par un chanteur merveilleux, et je recommande chaudement à la fois la chanson et l'album.

Full CircleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant