Le pâle clair de lune qui coulait à travers la fenêtre donnait à tout une nuance mystérieuse, argentée, conférant un mystère fragile et éthéré aux objets dans la pièce. Il patinait de lumière les deux corps enchevêtrés au milieu des draps froissés sur le lit, dont l'un dormait paisiblement, un bras jeté d'un air possessif sur son compagnon. L'autre, cependant, ne l'était pas.
Edward Elric était bien éveillé, regardant les motifs que le clair de lune dessinait sur le plafond. C'était toujours étrange de se réveiller dans un environnement inhabituel, bien que, étant donné son mode de vie itinérant, c'était plus la règle que l'exception, pensa-t-il narquoisement. Les ombres qui s'étiraient dans la pièce étaient différentes, la texture du lin contre la peau nue, les bruits de la nuit, l'un d'eux grondant doucement dans son oreille. Comme s'il lisait dans ses pensées, Roy se déplaça légèrement, tirant Ed plus près de lui tandis qu'il écartait du nez la chute de cheveux dorés et laissait tomber un doux baiser sur la nuque d'Ed, et le blond sourit d'un sourire invisible dans les ténèbres. Il pensa qu'il pourrait s'habituer à cela si on lui en donnait la chance.
- Dors, vieil homme. Tu en auras besoin demain... ou aujourd'hui, vraiment, étant donné qu'il est environ deux heures du matin. Tu seras debout bien après ton heure de coucher ce soir, si je connais les bals.
Un ronronnement ensommeillé.
- Hm... tu le promets ?
- Esprit mal placée, pervers, murmura Ed en étouffant un rire. En plus, qui dit que je rentre à la maison avec toi ce soir ? On dit que la crème de la crème de la société sera la ce soir, et j'ai entendu dire par au moins cinq journaux que je suis considéré comme un plutôt bon parti.
Il sentit plus qu'il n'entendait un grondement jaloux dans ses cheveux, un grognement bas qui dit courir des doigts de vif argent le long de sa colonne.
- Dans ce cas nous ne sortirons pas de ce lit.
- Je ne pense pas qu'Hawkeye serait d'accord avec ça. L'invité d'honneur ne peut pas manquer sa propre fête, n'est-ce pas ?
Ed repoussa le bras de Roy qui l'encerclait ostensiblement.
- Pour ma part, je ne veux pas être à la réception d'une balle de son arme.
- M'en fiche, vint le murmure grincheux. Je ne vais pas te perdre encore une fois.
Et la poigne se resserra avec détermination.
- En plus... elle a d'autres choses en tête. Comme présenter Jean à son père.
Ed s'agita pour faire face à Roy, glissant un bras sous sa tête.
- Quoi, tu penses qu'il n'approuveras pas Havoc ? Il est un bon gars, tu sais, et, en y repensant, magnifique d'une manière débauchée, fidèle comme un chien...
Il observa avec amusement les yeux de Roy s'ouvrir brusquement, bien que dans l'état groggy de l'homme, ses yeux restaient à moitié ouverts d'un air séducteur alors même que son regard s'affûtait et que sa bouche s'ouvrait pour délivrer une réplique sournoise, qu'Ed coupa habilement en lançant une jambe sur la hanche de l'homme pendant qu'il ronronnait :
- Bonne chose que je sois moi-même une personne à chat, hmm ?
- Ed... Tu seras parti quand je me réveillerai. Peux pas supporter ça encore une fois.
- Arrête de t'inquiéter, bâtard.
Et un sourire affectueux étira les coins de la bouche d'Ed. Non, je ne serai pas parti. Qui aurait cru que le fier Flame Alchimiste pouvait être aussi peu sûr de lui une fois sa garde abaissée ? Bien que ce fut incroyablement gratifiant d'être l'objet d'une telle attitude.
- Tu as demandé, j'ai choisi. Tu es coincé avec moi maintenant, alors t'y ferais mieux de t'y faire. En plus, nous avons promis que nous rentrerions à la maison quand tout ça sera terminé, tu te souviens ? Et un Gardien tient toujours ses promesses.
Il se nicha un peu plus près, appréciant le contraste entre la chaleur du corps de Roy et le froid de l'air nocturne contre sa peau, faisant courir ses doigts légèrement sur le flanc de l'homme et ronronnant de satisfaction quand il sentit la pression refluer lentement du corps de Roy.
- Je m'en souviens.
Un rire riche, chaud et satisfait, et entendu bien trop peu souvent. Bien qu'il y ait encore la très légère trace d'un fichu doute, une peur que tout ceci puisse lui être enlevé. C'était sur le point de changer, même si Ed devait le faire rentrer par la force dans le crâne épais de l'homme, bien qu'il était assez confiant sur sa capacité de convaincre Roy sans avoir besoin de recourir à la violence. Un sourire félin se glissa sur le visage du blond alors qu'il commençait à contempler l'arsenal de techniques persuasives qu'il avait au bout de ses doigts.
Roy lança un regard suspicieux au jeune homme enroulé autour de lui, et attrapa le bout de la queue d'un sourire coquin qui se dissolvait en une expression de pure innocence dès qu'Ed réalisa qu'il avait été en train d'observer. L'alchimiste blond reposa sa tête sur l'épaule de Roy, et le plus âgé dut lutter contre un sourire à la manière dont son espace personnel était envahi de manière indifférente. Malgré l'hésitation du jeune homme un peu plus tôt, une fois qu'Edward Elric avait pris sa décision à propos de quelque chose, il était plus que décidé. Toujours aller de l'avant, jamais regarder en arrière. Et si la nuit dernière signifiait quoi que ce soit, Auric avait eu quelques... expériences variées pendant les quatre dernières années. Ed cligna des yeux dans sa direction, son visage était tellement proche qu'Ed pouvait sentir les longs cils frotter contre sa joue.
- Alors. Pourquoi penses-tu qu'Hawkeye serait inquiet que Jean rencontre son père ?
Un sourire triste étira les coins de la bouche de Roy tandis qu'il pensait à son aide-de-camp fidèle.
- Tu ne savais pas ? La famille d'Hawkeye est de la basse noblesse – son père est un Baron ; lui et sa femme seront dans l'assemblée demain. Je l'ai déjà rencontré, à une réception militaire il y a plusieurs années – il peut être... acariâtre et il ne prendra pas bien la nouvelle que sa fille est courtisée par un garçon de la campagne, aussi charmant que Jean puisse être.
- Il n'y a rien de mal à venir de la campagne, dit Ed sur la défensive.
Alors qu'Auric avait été, comme la plupart des Gardiens, un urbain et chez lui aussi bien dans un environnement fin que rustique, Ed préférait toujours bien plus la simplicité de la campagne, bien qu'avoir les expériences d'Auric sur lesquelles s'appuyer aiderait certainement avec les festivités diplomatiques de demain – non une seconde, c'était aujourd'hui. En particulier avec la danse.
- Bien sûr que non, dit Roy d'une voix traînante. En fait, les gens ordinaires de la campagne sont souvent beaucoup plus décents que les personnes soi-disant sophistiquées des villes. Mais le Baron ne le verra probablement pas de cette manière. Il était contre le fait que Riza rejoigne l'armée en premier lieu – il avait espéré pour elle un bon parti très tôt, de préférence avec une famille bien née dans le but d'élever leur rang.
Sa bouche se tordit comme s'il avait juste mordu dans une pomme amère.
- Quelqu'un doit remettre en question l'intelligence d'un homme qui croit que les circonstances de sa naissance sont plus importantes que ce qu'il fait après cela.
- Où est-ce que tu es né ? demanda Ed avec curiosité.
Il y avait eu une curieuse note d'amertume dans le ton de l'homme qui suggérait une certaine inimité personnelle envers le Baron – ou peut-être envers la noblesse en général, ce qui était étrange puisqu'Ed avait toujours supposé, d'après les manières et le port de Mustang, que l'homme était d'une manière ou d'une autre relié à la noblesse. Mais l'homme ne parlait jamais de sa famille, et il fallait être juste, après tout – Roy savait tout à propos des Elric.
- Et qu'en est-il de ta famille ? Est-ce qu'ils seront dans l'assemblée eux-aussi ?
L'alchimiste blond réalisa, tardivement, que sa question curieuse était sortie un peu trop brusquement, et il essaya d'adoucir la pique en se blottissant pour s'excuser.
- Tu vas devenir Führer. demain, après tout. C'est quelque chose.
Roy laissa échapper un éclat abrupt de rires durs.
- Mon ascension au rang de Führer. a comme le goût amer des cendres dans la bouche de mon père. C'est une forme de vengeance contre lui.
Ed fronça les sourcils.
- Je ne comprends pas.
- Edward... mon père n'était pas marié à ma mère.
Une simple exposition d'un fait. Ed cligna. Il devait avoir mal entendu.
- Je suis désolé, j'ai cru que tu venais juste de dire...
- C'est ce que j'ai dit.
Toujours dans ce ton de voix parfaitement neutre.
L'alchimie blond considéra ce nouveau morceau d'informations. Il reconnut la tension cachée dans la voix de Roy pour ce que c'était – de la peur. De la pitié, du rejet, bien que la raison pour laquelle l'homme penserait cela étant donné les antécédents familiaux douteux d'Ed dépassait le plus jeune.
- Oh.
Un sourcil levé et un regard de côté.
- Oh, répéta Ed plus fermement. Tu sais, une expression de reconnaissance ?
L'autre sourcil se leva, et Ed soupira.
- Quoi, tu t'attendais à de la compassion ? On s'en fout qu'ils aient été mariés ou pas. Je ne suis même pas sûr que les miens l'étaient. Mais maman était toujours maman, et lorsqu'il était dans les parages, ce connard était papa. Une signature sur un morceau de papier ne change rien. Ce n'est pas comme si un enfant peut choisir ses parents, tu sais.
- Au moins le tien t'a donné son nom.
La bouche de Roy était une fine ligne tandis qu'il revivait ce qui devait être une très vieille blessure.
- Quel était son nom ?
Roy ricana.
- Assez ironiquement, Maximillian St. Juste.
- Et tu es déprimé à ce propos ? dit Ed en haussant les épaules d'un air théâtral. Roy St. Juste. Colonel St. Juste. Terrible. Crois-moi, je ne serais jamais allé à Centrale pour te trouver si ça avait été le nom sur ta carte de visite. C'est criant de consanguinité et au snobisme, et tu t'en sors très bien tout seul avec ce dernier !
Il s'arrêta, et ajouta sournoisement.
- Sans jeu de mots bien sûr.
- Bien sûr.
La réponse de Roy était sèche, bien qu'il sembla se détendre tandis qu'il absorbait la manière détachée dont Ed prenait la révélation, ce qui avait été l'effet que le plus jeune s'efforcer de produire. Il ravala la culpabilité qu'il ressentait à cause de toutes les fois où il avait traité l'homme de bâtard sous son nez ; la dernière chose dont Roy avait besoin maintenant était une excuse boiteuse, ou pire encore, de la pitié.
- Et donc... qu'est-ce que tu voulais dire quand tu as dit que devenir Führer. était une forme de vengeance sur lui ?
Le Flame Alchimiste haussa les épaules d'un air évasif.
- C'est une longue histoire.
Ed soupira. Idiot aux lèvres trop serrées.
- Je ne vais nul part, Roy. Fais-moi confiance. Maintenant parle ou je te forcerai à le faire.
Et ces derniers mots lui valurent un rire surpris, comme il l'avait espéré.
- Tu es juste chanceux que je n'ai plus d'automail. Mais je peux toujours te botter les fesses dans n'importe quel Duel, alors n'en rajoute pas.
- En effet, observa narquoisement son amant. Eh bien, dans ce cas.
Il hésita, comme s'il cherchait un point de départ, puis soupira et enroula un bras plus fermement autour d'Ed.
- Mon père – s'il mérite l'appellation – est un membre de la haute noblesse. Le Grand Duc Maximillian St. Juste. Ma mère était une domestique dans sa maisonnée. Elle était elle-même, illégitime – le produit d'un soldat peu gradé d'Amestris et d'une femme de Xing.
Et à cela les yeux d'Ed papillonnèrent vers les cheveux sombres de Roy et il reçut un hochement de tête. Eh bien, ceci expliquait l'apparence exotique.
- Mais son père lui avait bien laissé un nom – Harriet Mustang. Malgré ses humbles origines, elle était travailleuse et une petite chose suffisamment jolie pour qu'elle soit capable d'obtenir une position dans le manoir de mon père à la campagne. Un joli visage peut faire plus de mal que de bien en des circonstances comme celles-là, et bien assez tôt, j'étais né. Pour lui rendre justice...
Et le ton de Roy suggérait qu'il ne préférerait vraiment pas.
- Il a effectivement autorisé ma mère à me nommer et à me garder, et il l'a bien gardé en tant que domestique, ce qui signifie que j'ai grandi dans les quartiers des servantes, qui étaient assez étendus, comme on pouvait s'y attendre pour le siège d'un Grand Duc.
- Est-ce qu'il tient toujours debout ?
- Tristement, oui, à en croire les derniers rapports de dommages. À toutes fins utiles néanmoins, c'est dans un tel état qu'il doit être condamné. Et comme le Grand Duc est riche en terres mais pauvre en argent, je doute fort qu'il aura les ressources financières nécessaires pour faire réparer le terrain, dit Roy en haussant les épaules. Quoi qu'il en soit, quand j'ai été assez âgé pour aller à l'école, mon père a pensé que ce serait charitable de laisser son fils bâtard accompagner ses deux héritiers légitimes dans leurs classes. J'étais essentiellement leur souffre-douleur, battu si les deux autres prenaient du retard dans leurs leçons ou étaient indisciplinés.
Un sourire forcé.
- Toutes mes cicatrices ne viennent pas de l'armée.
Ed le fixa avec horreur. Il avait entendu dire que les riches faisaient cela, mais il n'avait jamais vraiment cru qu'une pratique aussi cruelle existait toujours – sans parler qu'il avait du mal à envisager le Flame Alchimiste comme le souffre-douleur de qui que ce soit. Le regard placide de Roy disait tout, cependant.
- C'est... c'est juste...
Barbare, murmura furieusement son esprit. Si jamais il mettait la main sur Maximillian St. Juste...
- En effet.
Et c'était Roy qui le tenait contre lui, le réconfortant.
- C'était... désagréable. Mais ça signifiait aussi que j'avais accès à des cours de conduite, qu'on m'apprenait à monter à cheval, à danser, à utiliser l'argenterie appropriée – et surtout, qu'on me permettait d'apprendre. Et j'étais une étudiante exceptionnelle. Même le tuteur l'admettait. C'est lui qui m'a initié le premier à l'alchimie lorsqu'il a réalisé mon potentiel – c'était un alchimiste très talentueux.
L'étrange note dans la voix de Roy fit froncer ses sourcils à Ed.
- Quel était son nom ?
Roy entrelaça ses doigts avec ceux d'Ed comme s'il avait besoin d'être rassuré – ou peut-être, réalisa Ed soudainement, pour le rassurer.
- Hohenheim Elric.
Ed se figea. Donc c'était comme cela que Mustang avait connu son père – et pourquoi il était venu à Resembool à sa recherche après avoir reçu les lettres d'Ed et Al demandant des informations sur leur père. Avec un air hébété, il dit :
- Oh.
Il semblait dire cela beaucoup ces derniers temps.
- Oh. Hum. Petit monde, je suppose. Ça devait être avant qu'il ne rencontre maman et qu'ils nous aient.
- Étant donné que je devais avoir huit ou neuf ans à cette époque, oui, marmonna Roy.
Il hésita un moment, puis ajouta :
- Ed, je sais que tu le déteste, mais... il était mon premier professeur. Et il m'a mis sur le chemin de l'apprentissage, ce dont je lui suis extrêmement reconnaissant dans ces circonstances.
- Arrête. Juste arrête.
Ed prit une profonde inspiration.
- Écoute, je ne suis plus un enfant. Je ne le pardonnerai jamais pour nous avoir abandonné, et pour ce qu'il a fait à maman. Mais je peux me souvenir d'un temps où nous étions une famille, et où nous étions heureux. Il me portait sur ses épaules...
Et il dut arrêter, parce que sa gorge lui faisait mal, et il se maudit pour être un imbécile larmoyant. Roy attendit patiemment, sans dire quoi que ce soit, et Ed s'allongea avec gratitude sur sa poitrine, attendant que la vague d'émotions mêlées passe.
- Mais si tu ne l'avais pas connu, tu ne serais jamais venu nous trouver... et je n'aurais jamais récupéré le corps d'Al... et nous ne serions pas ici.
Il mit le nez dans le cou de Roy, respirant l'odeur propre de l'homme avant d'incliner la tête vers le haut pour presser un baiser sur le coin de la mâchoire de Roy.
- Alors même si je ne peux pas le pardonner... je suis heureuse que tu l'aies rencontré. Bien que...
Et le regard d'Ed était désormais un de dégoût moqueur.
- Je ferais mieux de ne pas être une sorte de remplaçant malade pour lui dans tes affections.
Roy sourit et réclama un baiser rapide.
- Tu n'es le remplaçant de personne, Edward Elric. Tu es trop unique pour être quiconque à part toi-même.
- C'est bien vrai, grogna Ed grincheusement. Continue. Mais passe les parties où il est présent.
- C'était évident que je devançais mes demi-frères dans leurs leçons, et cela énervait mon demi-frère le plus âgé, Neville, intensément – il a finalement convaincu mon père de virer Hohenheim et de me bannir des leçons avec leur nouveau tuteur. La Boîte de Pandore avait été ouverte, cependant, et je volais des livres à lire dans la bibliothèque, en particulier sur l'Alchimie. Mon demi-frère le plus jeune, Reginald, était mon allié dans cette affaire. Je ne sais pas comment mon père a été capable de produire deux fils aussi différents, mais là où Neville était un idiot à l'esprit étroit et aux sourcils de scarabée, Reggie était gentil, et doux, et honorable. Très semblable à Alphonse, en fait.
- J'espère que ça ne fait pas de moi Neville, tenta Ed et il fut récompensé par un tout petit sourire, le genre que Roy réservait aux moments d'affection sans surveillance.
- Pour faire court, dès que j'en ai été capable, je me suis enfui. Reggie m'a donné l'argent qu'il avait sur lui, ce qui m'a permis de joindre les deux bouts jusqu'à ce que je m'engage ; l'armée a payé pour le reste de mes études dès qu'ils ont réalisé combien ma branche particulière de l'alchimie pouvait être... utile... pour eux. Ma mère a vécu assez longtemps pour me voir nommer officier – elle était tellement fière.
Et la voix de Roy était devenue nostalgique alors qu'il regardait un passé qu'Ed ne pouvait pas voir.
- Elle savait que j'avais acheté ma liberté aux St. Juste. Malgré leur position, la famille n'avait jamais été profondément impliquée avec l'armée et les politiques, tu vois – en tant qu'Alchimiste d'État et officier, j'étais – et je suis – intouchable par eux.
Ed acquiesça pensivement. Cela expliquait beaucoup de choses : pourquoi Roy s'était engagé aussi jeune, ses manières langagières et son aisance en société, son respect pour le lien entre les frères Elric, sa distance et son évitement général de l'intimité profonde – jusqu'au jour où un certain alchimiste blond et impétueux s'était glissé dans sa maison et dans son cœur.
- Es-tu toujours en contact avec Reggie .
On aurait dit que Roy avait eu au moins un parent décent, et il n'imaginait même pas qu'il puisse ne pas rester en contact avec Alphonse. Et puis le reste de son cerveau le rattrapa.
- Tu as un frère cadet ?
- Avais.
- Oh...
Ed releva la tête vers Roy, qui regardait droit devant lui, la mâchoire serrée, les yeux grands et voilés.
- Tu l'aurais aimé, dit finalement Roy presque sur le ton de la conversation. Il était une sorte d'érudit, pas en alchimie, mais en médecine. Quand la Rébellion d'Ishbal a commencé, il s'est porté volontaire pour aller au front pour aider – mon père était furieux à l'idée qu'un de ses fils souille ses mains de cette manière, mais Reggie a toujours fait ce qu'il voulait, à sa façon silencieuse et obstinée. J'avais réussi à rester en contact de façon intermittente, même si je soupçonne que beaucoup de mes lettres à notre père ont été interceptées et brûlées. Mais Reggie savait que j'étais un Alchimiste d'État, savait que j'allais être envoyé là-bas et il s'est fait affecter à mon unité. Et pendant un temps, nous avons été aussi heureux qu'on peut l'être au milieu d'une guerre, parce que nous étions ensemble.
Et Ed acquiesça à cela, compréhensif.
- Et puis... l'incident avec les Rockbell...
Les parents de Winry. Ils avaient été des médecins. Reggie avait été un médecin.
- Non... dit Roy dans un souffle.
- Quand je suis revenu à mon unité, j'ai essayé de le trouver... de lui dire... je ne sais pas, Ed, peut-être que je voulais qu'il m'absolve d'une manière ou d'une autre.
Roy tremblait maintenant, sa poigne sur Ed presque douloureuse, mais le jeune homme ne flancha pas, le serrant en retour, laissant Roy savoir qu'il était toujours là, qu'il n'allait pas fuir d'aucune manière, bon sang.
- Mais il... quand je suis revenu... ils m'ont dit... il m'a dit, ce bâtard de Basque Grand, que ça avait été les ordres. Que Reggie était coupable de trahison et mérité de mourir comme le reste d'entre eux...
- Ils l'ont assassiné, lui aussi, s'étouffa Ed.
Il n'y avait pas de larmes dans les yeux de Roy, comme s'il les avait déjà toutes versées, ne laissant derrière lui qu'un souvenir de douleur.
- Au début j'ai pensé que c'était ma faute. Que quelqu'un me punissait pour avoir péché – que c'était de ma faute s'il était mort. Un échange équivalent. J'ai presque essayé la transmutation humaine pour le ramener, tu sais.
- Qu'est-ce qui t'en as empêché ?
Ed arriva à peine à faire sortir les mots à travers sa gorge nouée.
- Maes. Il m'a trouvé sur le point de faire quelque chose de stupide, m'a frappé, m'a crié dessus, m'a fait remarquer que Reggie n'aurait jamais approuvé une telle chose. Il avait raison bien sûr...
Et Roy réussit à sourire faiblement.
- J'en suis venu à voir les choses à sa façon, après qu'il m'ait assommé avec le bout de son arme et m'ait laissé dormir. Et après ça, j'ai réalisé ce que je devais faire pour empêcher que ça ne se reproduise pas.
- Devenir Führer.
- Oui.
Une déclaration froide, dure, presque défensive.
Ed regarda pensivement son amant. Il pouvait sentir Roy se crisper à nouveau et se retirer, essayant d'ériger un mur entre eux comme s'il craignait ce qu'Ed pourrait dire. L'alchimiste blonde fronça les sourcils, puis se pencha et embrassa Roy chastement sur le front.
- T'aime.
Les sourcils de Roy s'agitèrent de surprise tandis qu'il roulait sur le côté pour faire face à Ed.
- Quoi ?
Ed haussa les épaules.
- Tu avais besoin d'entendre ça. Pas vrai ?
L'hésitation la plus infime.
- Pas à moins que tu ne le penses.
- Bâtard paranoïaque.
Mais il n'y avait aucune pique dans les tons bourrus d'Ed.
- Arrête de quémander. Je déteste me répéter.
Il tourna le dos à Roy et se rapprocha de lui, saisissant le bras de l'homme et le tirant vers l'avant et autour de lui, laissant parler les actions là où les mots ne pouvaient pas le faire.
- Alors... qu'en est-il du reste de ta famille ? Est-ce que je devrais être inquiet de devoir les rencontrer ? La majorité de la société sera au bal à ce soir après tout.
Roy décida qu'il devrait être plus reconnaissant et s'enroula un peu plus solidement autour d'Ed, provoquant un ronronnement satisfait.
- Neville est mort dans un accident malheureux quelques années plus tôt. Étouffé avec une boule de viande lors d'une soirée particulièrement ennuyeuse.
Et il put sentir Ed renifler d'amusement dans sa poitrine.
- Mon père sera là, oui, mais comme il ne m'a jamais reconnu officiellement, je me sens obligé de lui retourner la courtoisie.
- Attends... Neville est mort ? Est-ce que ça ne fait pas de toi...
- Les lois d'Amestris établissent que seuls les enfants légitimes peuvent hériter, Edward, dit calmement Roy. Je n'ai pas besoin de son argent, mais ce n'est ni le problème, ni la question – je n'aurais de toute façon pas le droit d'hériter. Ce qui signifie qu'à sa mort, comme il n'a plus d'héritier, sa succession reviendra à l'État, pour être administré par l'armée. C'est à dire moi. Toute la société est au courant de notre relation. C'est l'ultime humiliation pour lui, que son propre fils bâtard finisse quand même maître de ses biens.
Ed se retourna à moitié dans l'étreinte de Roy, juste assez pour voir la courbure des lèvres de l'homme alors qu'il souriait paresseusement, comme un chat qui était entré dans de la crème.
- Rappelle-moi de ne jamais me retrouver parmi tes ennemis. Tu amènes l'expression 'la vengeance est un plat qui se mange froid' à un tout autre niveau.
- Il y a d'autres choses que je préfère chaude.
- On ne va pas aller par là.
- Je pensais que tu l'avais déjà fait.
- Pervers.
Un grognement à moitié amusé.
- Prude.
Une raillerie moqueuse.
- Est-ce que c'est un défi, vieil homme ?
- Effrayé d'une belle, jeunot ?
- Qui est-ce que tu traites de... commença à grogner Ed alors qu'il se poussait du lit, puis s'interrompit quand Roy se mit à rire. Il souffla avec mécontentement.
- Bâtard.
Mais son regard noir s'adoucit alors que Roy continuait à rire sans pouvoir s'arrêter, l'alchimiste aux cheveux sombres tendit un long bras pour le tirer vers le bas à nouveau.
- Arrête de rie, bon sang.
Avec beaucoup d'effort, le Flame Alchimiste étouffa ses rires restants alors qu'il enfouissait son visage dans le cou d'Ed. Le blond pouvait sentir les lèvres de Roy trembler alors qu'il ignorait avec précaution l'homme.
- Eh bien, réussit finalement à articuler Roy, maintenant que j'ai dévoilé tous mes secrets, je pense que j'ai le droit à un petit échange équivalent. Nous n'avons jamais terminé de régler les détails de ton interrogatoire d'Hendricks.
Ed cligna des yeux avec incrédulité lorsqu'il s'assit de nouveau et repoussa l'homme pour le regarder. Le ton des plaisanteries de Roy n'avait pas changé, mais le regard dans ses yeux disait qu'il était sérieux.
- Maintenant ? Il est trois heures du matin au cas où tu ne l'aurais pas remarqué.
- Nous sommes tous les deux réveillés – une occasion comme ça ne se représentera pas. À moins que tu aies quelque chose à cacher... Gardien ?
Et c'était comme si les dernières heures s'étaient envolées et qu'ils se tenaient à nouveau au milieu de la rue, deux étrangers l'un pour l'autre se fixant de part et d'autre d'un fossé, l'un devant l'amour qu'il croyait avoir perdu, l'autre devant l'amour qu'il ne connaissait pas. Leurs regards se croisèrent et se battirent pour la domination dans une bataille silencieuse qui se termina quand ils détournèrent le regard simultanément.
Ed brisa finalement le silence.
- Tout le monde a quelque chose à cacher.
- Pas nous. Pas ici. Pas l'un avec l'autre.
Et la brutalité abrupte de l'insistance de Roy frotta douloureusement contre la conscience d'Ed comme du papier de verre. Fais moi confiance. Comme je t'ai fait confiance. Avec tout ce que je suis. Il n'y avait pas d'autre réponse, vraiment, et il pouvait voir que Roy le savait aussi.
Le Gardien tira ses jambes sous lui avec grâce et s'assit un peu plus droit, l'angle du clair de lune jouant sur visage en le laissant à moitié à l'ombre.
- Juste souviens-toi que c'était ton choix, Flame Alchimiste.
Les yeux de Roy étaient sombres, et pourtant étrangement lumineux.
- L'aurais-tu vu d'une autre manière ?
Et Ed rejeta sa tête en arrière et rit pour la joie d'avoir quelqu'un voulant choisir de vous connaître, de connaître tout ce que vous étiez et tout ce que vous seriez, le bon et le mauvais.
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Full Circle
FanfictionEdward Elric revient amnésique. Il a vécu les quatre dernières années en tant qu'Auric, un Gardien de Portes. Mais il y a certaines batailles qu'il est le seul à pouvoir combattre. Ses amis seront-ils capables de réveiller Ed, et qu'arrivera-t-il à...