Chapitre 34 : Words and Actions

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Maes Hugues pensa qu'il allait pleurer. Non, oubliez cela, il savait qu'il allait pleurer. Tout cela était juste tellement... juste tellement... magnifique. Pas aussi magnifique qu'Elysia, bien sûr, mais quand même... vraiment plutôt sympa. Il gonfla sa poitrine et poussa fermement ses lunettes sur son nez en regardant autour de lui avec fierté.
Tous les bâtiments endommagés avaient été efficacement restaurés par des équipes de reconstruction sous le commandement du Major Alphonse Elric, travaillant nuit et jour pour s'assurer que la zone soit en bon état pour l'intronisation, les façades de pierres blanches lisses et pures sous le soleil de l'après-midi. Il n'avait pas manqué les expressions impressionnés sur les visages des dignitaires étrangers – il avait ses racines dans le Renseignement, après tout – ce qui était exactement l'effet qu'il visait : Amestris n'était pas à prendre à la légère, l'État était encore fort malgré le récent conflit sanglant et il se reconstruirait sur ses propres cendres si nécessaire ; toute tentative de profiter de la faiblesse actuelle de l'État serait vouée à l'échec. Comme Roy, il comprenait le pouvoir des apparences. Sauf qu'il s'était appliqué sur une plus grand échelle que son vieil ami, ce qui était seulement juste et approprié après tout : le travail de Roy était de maintenir son image aux yeux du peuple – et l'homme faisait un travail remarquable, lui-aussi – alors que celui de Maes était de maintenir l'image de l'État. Un œil approbateur balaya les hommes massés en rang parfaitement droits devant lui. Les médailles brillantes épinglées parfaitement droites sur des uniformes formels sombres clignotaient brillamment dans la lumière du soleil tandis que leurs porteurs respiraient régulièrement, sans qu'un muscle ne bouge autrement alors qu'ils suivaient l'énorme volée d'escaliers qui montait jusqu'aux grandes colonnes du Grand Hall dans lequel se tiendrait l'intronisation.
L'aboutissement de tous leurs efforts depuis Ishbal. Tout changerait après aujourd'hui. C'était grandiose. C'était magnifique. C'était parfait. C'était...
- ... collant, renifla l'homme blanc à ses côtés alors qu'il s'agitait avec inconfort dans son uniforme, passant un doigt autour du col montant dans une tentative futile de le desserrer. La raideur du matériau lui causait des démangeaisons.
- Qu'est-ce que vous avez vous les militaires avec tout ça... ça...
Une main gantée de blanc s'agita avec irritation en direction de la scène devant eux alors que les mots faisaient défaut au jeune Lieutenant Colonel.
- Hmm ,
- Grand Apparat, réussit finalement Ed en faisant passer les mots avec leurs majuscules claires pour des jurons. Pourquoi pas une plus petite cérémonie ? Quelque chose de digne ? Seulement quelques dignitaires importants...
Le Fullmetal Alchimiste sembla lancer un regard noir à l'ambassadeur de Xing qui se tenait un peu plus loin avec les autres ambassadeurs, et l'homme aux cheveux sombres sourit et fit un discret signe de la main en retour. Les yeux d'Ed se plissèrent encore plus, et les sourcils de Maes se soulevèrent lorsque Son Excellence Ling Yao envoya un baiser au blond, le Général de Brigade se mettant une note mentale pour obtenir cette histoire plus tard.
- Ou pas. Peut-être une cérémonie privée à l'Hôtel de Ville pour que tout le monde puisse se remettre au travail un peu plus vite. Et définitivement pas d'ambassadeurs.
Maes ricana.
- Attention, Ed, on dirait que tu parles d'un mariage. Roy et toi êtes parvenus à une sorte d'accord dont je devrais être au courant autour du dîner ? Dois-je commencer à rédiger un communiqué de presse ? Vous savez qu'il est toujours préférable de prendre le taureau par les cornes lorsqu'il s'agit de gérer la presse. Oh, et si vous avez besoin du nom d'un bon bijoutier... bien que si j'étais toi, je laisserai Roy s'en occuper, il a un goût impeccable dans ce genre de chose...
Le regard fulminant qu'il eut était inestimable.Oh, jamais d'appareil photo quand on en avait besoin !
- Pourquoi ma vie privée est soudain le sujet de conversation préféré de tout le monde ?
- Ce n'est pas privé si c'est sur la couverture de tous les grands journaux, remarqua Maes avec suffisance. Charmante photo dans le Centrale Times d'ailleurs, ils ont vraiment eu ton bon profil, et Roy a l'air tellement sérieux quand il te tient la main. Quant à ta question... si je devais me hasarder à deviner, je dirais que ce serait parce que les deux célibataires les plus désirés ont finalement décidé de se caser – l'un avec l'autre. Ah, le son des cœurs brisés dans tout Amestris !
Il plaqua ses mains dramatiquement sur son cœur, regardant Ed du coin de l'œil pour s'assurer que l'alchimiste n'était pas sur le point de faire sauter quoi que ce soit.
Aucun son pour le moment. Une posture rigide, mais les mains ne se rapprochaient pas l'une de l'autre. Bien sûr, le fait que l'un d'eux était occupé à s'accrocher à une copie massive en cuir de la Constitution pouvait avoir quelque chose à voir avec cela. Un tic certain sous l'œil gauche, par contre.
- Euh, Ed...
- Ne. Dis. Plus. Rien.
Le Général de Brigade Maes Hugues retourna à son inspection, se mordant l'intérieur des joues pour éviter qu'un sourire stupide ne se répande sur son visage. Ils pouvait voir la voiture officielle de Roy Mustang prendre un virage au loin – elle serait là dans une minute environ – et même s'ils n'avaient pas eu une bonne vue de leur position, les rugissements d'approbation et de joie venant de la foule leur auraient fait savoir qu'il approchait. Pour des raisons de sécurité, Ed avait insisté pour que le parcours du défilé soit un peu plus court que d'habitude, et Roy avait accepté avec un empressement étonnant. Peut-être que son petit sermon sur leurs responsabilités respectives dans son salon avait eu des effets durables après tout ? Il jeta à nouveau un coup d'œil à l'alchimiste, qui semblait se détendre un peu tandis que ses yeux dorés suivaient la progression atrocement lente de la voiture vers eux, hésita, puis parla à nouveau, la note taquine disparue de sa voix :
- Roy t'aime, tu sais – il ne serait pas si prompt à se montrer comme ça en public autrement. Il a toujours été un manipulateur magistral de la presse... elle voit ce qu'il veut qu'elle voit. Mais c'est sa vie privée – et la tienne – alors pour qu'il fasse cela, ça dit quelque chose sur ses sentiments – c'est sa façon de le montrer au lieu de le dire. Roy n'est pas toujours doué pour dire les choses... euh... de la manière la plus direct.
Un ricanement sarcastique.
Maes bouda.
- Hé bien, tu es un Alchimiste d'État aussi, tu peux parler !
Cela lui valut un grognement – comment Ed était capable de communiquer sans avoir à verbaliser, Maes ne le comprendrait jamais – et il soupira.
- Écoute, je n'essaie pas d'interférer ou quoi que ce soit, mais Roy est mon meilleur ami, et tu sais que j'ai toujours été paternel envers Al et toi... il a beaucoup souffert pendant ton absence... je suppose que tout ce que j'essaie de dire, c'est que je veux que vous deux soyez heureux... oh merde...
La voix de Maes traîna sur les derniers mots. La voiture de Roy se gara au pied de l'escalier et une vague d'applaudissement salua le Fuhrer-elect alors qu'il sortait de la voiture et saluait gracieusement la foule, avant de lentement poser le pied sur la première marche et commencer la lente ascension. Des flashs étincelaient à droite à gauche alors que la haie d'honneur encadrant le chemin de Roy se mettait au garde à vous avec un bruit sourd de bottes et le claquement sec des mains gantées sur les fusils. Le Général de Brigade se redressa, levant fièrement le menton tout en regardant son vieil ami progresser vers eux.
Il sursauta quand le baryton rauque d'Ed parla doucement à côté de lui :
- Je sais. Et nous le sommes. Et je l'aime aussi. Ne t'inquiète pas pour nous, Maes.
Le Fullmetal Alchimiste se tenait debout, arc-bouté contre le vent soudain qui ébouriffait ses mèches et faisait claquer vivement les drapeaux et les bannières autour d'eux, ses cheveux scintillant à la lumière du soleil. Il ressemblait plutôt à une sorte d'ange, pensa Maes avec étourdissement, non pas le chérubin rose et duveteux qu'Elysia était, sans aucun doute, mais peut-être l'un de ceux avec des épées et des flammes – qu'étaient-ils, des séraphins ? Des archanges ? Quelque chose comme cela. Et puis toute notion de comportement angélique se dissipa lorsque le blond se tourna vers lui avec une lueur malicieuse dans les yeux.
- Par contre... si Roy vient vers moi, est-ce que ça fait de lui la mariée ? Et est-ce que ça veut dire que j'aurai le droit à une longue lune de miel seul avec lui après ça ? Parce que j'ai effectivement une permission qui arrive...
Maes bafouilla tandis que Roy vint se tenir devant eux, donnant à son ami le plus proche et à son amant un regard très étrange. Ed le rencontra innocemment pendant un moment avant que ses yeux ne volettent vers un point au-delà de l'épaule de Roy alors que Maes levait un bras tremblant en salut, ses lèvres serrées l'une contre l'autre pour éviter qu'il n'éclate de rire. Un coin de la bouche de Roy tremblota alors qu'il retournait le geste.
- Général de Brigade. Colonel.
- Monsieur ?
- Y a-t-il quelque chose d'amusant que vous aimeriez partager avec moi ?
- Non Monsieur. Par ici.
Maes fit un grand geste. Ed pencha brusquement la tête d'une manière très peu militaire et Maes soupira intérieurement. Ils avaient si bien réussi à convaincre Ed de coopérer avec le protocole militaire jusque là !
- Hé, bâtard de Colonel ?
Un regard momentané de surprise à la soudaine forme... intime... de l'appellation.
- Oui, Fullmetal ?
- Esquive.
Et puis Ed poussait la tête de Roy vers le bas et le côté d'une main, son corps se tordant gracieusement alors que son autre bras se tendait vers l'arrière, s'avançait en un net arc de cercle... et lançait la lourde copie de la Constitution vers un photographe qui avait soudainement passé la ligne de presse. Le fermoir orné du livre le garda fermé pendant qu'il volait dans les airs comme un disque de lancer, frappant et envoyant l'homme vers l'arrière. La caméra qu'il tenait s'envola de ses mains et se brisa sur les marches au milieu des halètements de choc et d'horreur, le boîtier se brisant pour révéler un mécanisme d'arme caché à l'intérieur, et une bagarre se déclencha rapidement lorsque la garde d'honneur prit position et se dirigea vers l'infortuné essaie d'assassin.
Alors que Roy se redressait, tirant sur sa veste froissée et essayant de se recoiffer discrètement, il aperçut un Ling Yao ravi en train de mimer des mots vers un Fullmetal Alchimiste à l'air mécontent alors qu'il pointait du doigt la mêlée sur les marches. Quelque chose à propos de punir le mal... de loyauté... de roi... et que diable était une qilin ?
- Crois-moi, tu ne veux pas savoir, marmonna Ed.
Et Roy réalisa qu'il devait avoir dit cette dernière partie à voix haute.
Maes fit courir ses doigts dans ses cheveux.
- Je n'arrive pas à croire que ça arrive. Et ça se passait tellement... tellement... parfaitem...
- Veux-tu bien arrêter de dire ça ? ronchonna Ed. En plus, il y a toujours un fou dans ce genre de spectacle public qui veut soit tuer quelqu'un, soit faire une déclaration pathétique de son affection devant des milliers de personnes. C'est pourquoi cette cérémonie privée dont je parlais aurait été tellement mieux. Rappelle-moi de te parler de la fois où Alp et moi avons dû prendre soin d'une idiote qui a décidé qu'un couronnement serait le bon moment pour proclamer son amour éternel pour le prince d'un stupide royaume... toute nue.
Roy eut l'air d'examiner les mérites d'un tel événement, mais il lava rapidement son visage de tout sauf du sourire en coin le plus léger lorsqu'Ed lui lança un regard noir significatif. Dans l'étrange silence qui suivit, l'un des soldats courut avec hésitation avec le livre qu'Ed avait lancé, et l'alchimiste l'accepta absurdement, le dépoussiérant négligemment contre la jambe de son pantalon. Il y avait une déchirure dans le cuir lisse de sa reliure mais il semblait autrement indemne.
- Qu'est-il arrivé au garçon qui ne pouvait pas traiter les livres avec assez de respect ? soupira Maes.
Ed haussa les épaules dans une démonstration d'indifférence élaborée.
- Il a grandi et il a réalisé qu'il y avait d'autres choses qui comptaient aussi. En plus, ce n'est pas un texte d'alchimie – ceux-là sont au moins utiles. Et excuse-moi pour avoir essayé de sauver la vie de notre Führer., mais je ne pouvais pas exactement atteindre aucune de mes armes en m'accrochant à ce truc, pas vrai ? Maintenant, peut-on s'y remettre ? Certains d'entre nous ont des endroits où ils sont attendus, vous savez.
- Bien sûr, dit Roy avec un calme suspect pour un homme qui venait d'échapper à une balle dans le dos, encore une fois. Juste une chose par contre, Fullmetal.
Ed roula les yeux.
- Oui ?
- Compte tenu de ton histoire inégale quand il s'agit de suivre un règlement... je n'arrive pas à croire que tu aies juste jeté le livre sur quelqu'un.
- Tais-toi, bâtard.

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