Chapitre 10 : Let Me Fall

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Maes Hugues inclina sa chaise contre le mur et prit une gorgée de la bouteille qu'il tenait négligemment dans sa main droite tandis que ses yeux vagabondaient paisiblement sur le groupe riant qui emplissait la salle à manger. Bien que tout le monde soit encore théoriquement en uniformes, les saluts et les titres étaient temporairement mis de côté, et les vestes d'uniforme imprudemment jetées décorées le dos des chaises et le coin des tables. Il avait convaincu Roy de l'autoriser à organiser un rassemblement décontracté après le travail pour laisser son cercle proche se défouler. Cela ne lui avait pris que trois albums photos d'Elysia et quelques peintures de doigts. Et la promesse d'une bouteille de porto vieilli. Et la menace de livrer « Oncle Roy » à une promesse imprudente faite il y a longtemps à la jeune demoiselle mentionnée précédemment de l'emmener faire les boutiques. Torture, corruption et chantage... tout cela en une journée de travail pour un Colonel du département d'Investigation du Génie Militaire. Il rota avec satisfaction, poussant l'homme aux cheveux sombres à côté de lui à émettre un petit son de dégoût.
- Je pourrais être en train de rattraper mon retard de sommeil, tu sais, vint le grommellement tiède.
Maes s'ébroua.
- Si tu n'étais pas là, tu serais enchaîné à ton bureau à essayer de finir ta paperasse avec Hawkeye se tenant au dessus de toi et soufflant du feu. Vois ça comme un répit loin du dragon.
Au milieu de la mer de blanc et de bleu, les cheveux dorés d'Auric scintillaient brillamment à la lumière des réverbères, contrastant vivement avec le vert sombre de son manteau toujours présent. Il était perché sur le somment d'une table, ses bottes plantées sur une chaise et sa tête penchée pour mieux entendre alors qu'il riait doucement à quelque chose qu'Al lui murmurait. Les yeux de Roy s'attardèrent avec nostalgie pendant un moment sur la tête brillante, puis ils s'arrachèrent à lui pour lancer un regard furieux à Maes, qui secouait la tête.
- Roy, Roy... As-tu peut-être envisagé de lui dire au lieu de rêvasser à ce propos comme un jeune maladroit de quatorze ans ?
Maes roula des yeux.
- Tu sais, pour un légendaire Casanova, c'est presque embarrassant.
- Non, dit Roy fermement. Tout d'abord, je ne peux pas me permettre d'avoir des sentiments en ce moment. Nous avons atteint un point décisif dans la guerre, Maes, et ce serait une distraction. Ensuite...
Il laissa traîner la fin de sa phrase et prit une profonde inspiration.
- ...ensuite... la personne à laquelle tu penses est Ed. Auric n'a pas besoin d'encore une autre personne essayant de lui imposer ses attentes sur qui il devrait être. Il a assez de problèmes tel que les choses sont.
- Tout le monde a des problèmes. Et de toutes manières, n'est-ce pas ce que les gens font ? dit Maes doucement. Nous sommes tous des humains. Les gens attendent des choses de toi également.
Il commença à les lister sur ses doigts.
- Ambition. Pouvoir. Ruse. Caractère impitoyable. Arrogance...
- Assez, Maes, prévint Roy fermement. Laisse tomber, c'est tout. C'est une bonne nuit jusque là, ne la ruine pas.
La lumière du réverbère se refléta sur les verres des lunettes de Maes alors qu'il se tournait pour regard son ami avec sérieux.
- Je dis seulement, Roy, que c'est à lui de décider s'il veut ou non être à la hauteur des attentes qu'on lui présente. Tu as choisi d'être à la hauteur d'une certaine réputation parce que tu avais – et as toujours – un certain but. Et c'est bien – vas-y et porte le poids de tes choix. Mais laisse les autres porter leur propre poids, hein ?
Les yeux de Roy étaient froids.
- De belles paroles venant d'un officier de l'armée.
- Techniquement, il ne fait pas parti de l'armée. Edward Elric est, et le Fullmetal Alchimiste l'est toujours, marqué comme MIA, fit remarquer Maes. Donc il n'est pas ton subordonné et il n'est pas ta responsabilité.
Il marqua une pause, et ajouta gentiment.
- Il n'est plus un enfant, Roy. Aie foi en sa capacité à gérer la situation – il le supporte remarquablement bien, tu dois l'admettre.
- J'ai foi en lui, admit doucement Roy.
Ses prochains mots furent presque inaudibles.
- Je n'ai juste pas la même foi en moi.
- Laisse moi – et toutes les autres personnes dans cette pièce – s'inquiéter de cette dernière partie, Général Mustang.
Maes regarda son ami avec affection.
- Regarde autour de toi, penses-tu que ces personnes seraient là si elles ne croyaient pas en toi ?
Roy leva les yeux doucement. Hawkeye et Auric riaient à propos de quelque chose que Fuery avait juste dit. Havoc les regardait avec un sourire narquois, sa cigarette pendillant au coin de la bouche. Armstrong avait abandonné se chemise dans un coin et prenait la pose pour Al, qui devenait doucement violet tandis qu'il luttait pour ne pas rire. Ses hommes. Ses camarades. Ses amis.
Il soupira.
- Merci, Maes. Mais je n'emmènerai toujours pas Elysia faire les boutiques.
Un soudain brouhaha les fit tous les deux lever la tête. Auric était tiré en protestant jusqu'au centre du petit groupe et assis fermement sur une chaise. Roy leva un sourcil vers Maes et ils avancèrent avec intérêt.
- Que se passe-t-il ?
Havoc se tourna et sourit.
- Rite d'initiation ! Le nouveau membre doit chanter une chanson, vous vous souvenez ?
Hawkeye rit, se balançant légèrement.
- Vous vous souvenez quand Fuery a chanté 'Baa Baa Black Sheep » ?
Fuery devint rouge vif.
- Qu'en est-il d'Al, lui aussi est nouveau ! protesta désespérément Auric. S'il vous plaît ! Colonel... Général ? plaida-t-il avec espoir.
Roy sourit d'un air moqueur et secoua la tête.
- Désolé. Les militaires adorent les traditions. Et Al n'est pas vraiment nouveau de toutes manières, nous le connaissons depuis des années.
Auric fit la moue dramatiquement.
- N'y-a-t-il pas une clause de pitié pour quelqu'un avec de l'amnésie ? Je ne me souviens d'aucune chanson.
- La terrible Guilde des Gardiens de Portes n'a-t-elle aucune chanson ? dit Maes avec une horreur moqueuse, saisissant sa poitrine. Malheur à ces barbares incultes !
- En effet, c'est une pensée tragique, soupira Armstrong théâtralement. Cela me fait monter les larmes aux yeux, particulièrement quand je considère la belle tradition familiale des Armstrong en performance musicale !
Après quelques minutes de torsions judicieuses, Auric se trouva tenant une guitare déchiquetée avec un cercle d'yeux ravis sur lui. Il grogna.
- Très bien. Mais je vous préviens, les chansons de la Guilde ne sont pas exactement à propos de lever de soleil et de roses ou de défilés enthousiastes.
Hawkeye haussa les épaules, tombant sans grâce sur le sol et ramenant ses genoux contre sa poitrine.
- Nous sommes au milieu d'une guerre. Nous survivrons. Havoc a chanté un refrain publicitaire une fois.
Auric sourit narquoisement.
- Vous l'avez demandé.
Il se mit à accorder la guitare, pinçant les cordes avec expérience, commençant à choisir une mélodie.
- Je vais vous chanter une chanson de la Guilde. Personne ne sait à quel point elle est vieille pour la simple raison que personne ne s'en souvient. Mais elle est transmis oralement à tout nouveau Gardien pour nous rappeler qu'il n'y a pas de retour en arrière, seulement des avancées... et que tout ce que nous avons ce sont les uns les autres.
Il prit une inspiration, fredonna quelques notes, puis, avec un ton surprenamment pur, il se mit à chanter :

Let me fall
Let me climb
There's a moment when fear
And dreams must collide

Someone I am
Is waiting for courage
The one I want
The one I will become
Will catch me

So let me fall
If I must fall
I won't heed your warnings
I won't hear them

Let me fall
If I fall
Though the phoenix may
Or may not rise

I will dance so freely
Holding on to no one
You can hold me only
If you too will fall
Away from all these
Useless fears and chains

Let me fall
Let me fly
There's no reason
To miss this one chance
This perfect moment
Just let me fall....

La gorge de Roy était serré quand Auric finit la mélodie lancinante, ses doigts pinçant doucement les cordes de la guitare alors qu'il tenait la dernière note d'or dans son vas ténor et la laissait mourir dans le silence. C'était comme si Auric avait lu dans son esprit ou entendu sa précédente conversation avec Maes, même s'il savait que c'était impossible. Il pouvait voir que cette chanson avait aussi affecté Al, dont les yeux débordaient de larmes, et même les lèvres d'Hawkeye frémissaient alors qu'il inclinait la tête pour cacher ses émotions. Auric sourit d'un air gêné devant le silence.
- Ce n'était pas si terrible, n'est-ce pas ?

***

Riza Hawkeye franchit en chancelant les portes du mess, s'appuyant contre le mur comme support. Elle reposa sa tête sur le béton frais, se réprimandant amèrement pour sa faiblesse. Un son la fit sursauter, et elle tendit la main vers son arme. Elle se détendit lorsqu'elle reconnut Auric, qui tenait ses mains en l'air pour marquer sa soumission.
- Ce n'est que moi, Capitaine. Je suis venu voir si vous alliez bien.
Elle força un sourire sur son visage, subrepticement balayant ses larmes et essayant d'arranger ses cheveux.
- Je vais bien. Tu as magnifiquement chanté.
Auric haussa les épaules.
- Ça n'a pas vraiment semblé mettre le groupe dans une bonne humeur.
- Je suppose que ça a seulement touché quelques cordes sensibles, c'est tout, soupira-t-elle en s'autorisant à glisser le long du mur en position assise.
Auric baissa les yeux vers elle.
- Je peux me joindre à vous ?
Elle secoua la tête et il s'assit à côté d'elle. Ils pouvaient entre l'intensité sonore du mess commencer à augmenter à nouveau alors qu'Havoc essayait d'organiser un jeu de cartes. Finalement, il parla.
- Alors, qu'est-ce qui vous a affecté à propos de la chanson ? Si je peux me permettre, bien sûr.
- Oh... rien d'important. C'est seulement... ça me rappelle quelqu'un, c'est tout.
Elle ne le regarda pas.
- Vous aimiez cette personne.
C'était une affirmation, pas une question.
- Aimez, corrigea Riza.
Elle fronça les sourcils intérieurement. Était-elle ivre ? Riza Hawkeye, Capitaine, ne divulguait généralement pas les détails de sa vie personnelle à qui que soit, encore moins à un jeune homme extraordinairement attractif qui était bien trop prévenant à l'heure actuelle. Combien de bières exactement Fuery avait-il poussé entre ses mains ?
- Et vous vouliez le garder pour vous, mais vous ne le pouviez pas.
Elle acquiesça.
- C'est le Général Mustang, n'est-ce pas ?
- Qui te l'a dit ?
Elle se tourna vers lui, les yeux flambant.
- C'était Havoc n'est-ce pas ? Je vais le tuer.
Auric secoua la tête précautionneusement.
- Personne ne m'a rien dit, Capitaine... Riza. J'ai seulement remarqué la manière dont vous le regardiez quand vous pensez que personne ne vous voit, c'est tout.
Il fut silencieux pendant un moment, puis :
- Ce n'est pas que ça me concerne, donc sentez-vous libre de me dire d'aller me faire voir. Mais avez-vous essayé de lui dire ? Je sais qu'il a une réputation, mais j'ai aussi vu la façon dont il vous respecte – dont il vous admire, même. Vous ne savez jamais, il pourrait avoir des sentiments réciproques. Je sais que les militaires ont des règles sur la fraternisation... mais honnêtement, étant donné qu'on est au milieu d'une guerre et que n'importe qui pourrait être mort demain... Je penserai que cela vaudrait la peine d'essayer de toucher quelqu'un, ne serait-ce qu'un instant.
Elle ne put s'en empêcher. Les larmes dévalèrent ses joues tandis qu'un rire amère s'échappait.
- Oh, c'est fort venant de toi.
Il la regarda avec confusion alors qu'elle continuait de sangloter, mais elle refusa de l'éclairer. Cela serait l'humiliation suprême, et même dans sa situation actuelle, elle refusait d'abandonner tandis qu'elle se balançait d'avant en arrière, se permettant de pleurer ce qu'elle avait perdu... malgré le fait qu'elle savait qu'elle ne l'avait jamais eu.
Un bras chaud s'enroula autour de ses épaules. Auric ne dit rien, la laissa simplement pleurer tout son soûl. Il lui tendit une serviette de cocktail quand elle commença à hoqueter et à se calmer.
- Tenez. Séchez vos yeux.
Elle la prit avec gratitude et s'appuya contre son arme. C'était bon d'avoir juste quelqu'un ici, réalisa-t-elle. Elle était dure – elle devait l'être, étant donnée sa profession – mais, réalisait-elle, c'était peut-être venu au détriment de contact humain.
- Merci.
- Il n'y a pas de quoi.
Ils restèrent assis en silence pendant une minute.
- J'ai essayé de lui dire, une fois.
Elle ne regarda pas Auric.
- Et ? demanda-t-il d'un ton neutre.
- Il l'a prit aussi bien qu'on pouvait s'y attendre. M'a poliment repoussée et m'a dit qu'il était amoureux de quelqu'un d'autre. Et n'a galamment jamais mentionné le sujet une nouvelle fois.
- Ah. Je suis désolé.
Auric pencha la tête avec curiosité.
- C'est néanmoins étrange. Je n'aurais jamais deviné qu'il était sérieusement impliqué avec quiconque.
- Oh, il ne l'est pas.
Riza sourit tristement.
- C'est l'ironie de tout cela. La personne qu'il aime n'en a aucune idée.
Elle observa tandis que les sourcils d'Auric se fronçaient, se sentant étrangement distante de la situation. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais il fut coupé quand les portes du mess s'ouvrirent à la volée et Roy sortit à toute allure, le visage grave. Son regarda tomba sur leur duo, et sur le bras d'Auric autour d'elle, et quelque chose sur son visage sembla se fermer alors que ses yeux se changeaient en pierre. Avant qu'elle n'ait pu sauter sur ses pieds et s'expliquer, il avait placé un air de détachement glacial autour de lui comme un voile.
- Capitaine Hawkeye. Auric, les reconnut-il froidement. Désolé de vous interrompre, mais nous avons juste reçu un message du front. Ils ont presque été submergés et nous devons nous déployer et renforcer la ligne. Débriefing de la mission dans quinze minutes, Capitaine. Cela sera-t-il suffisant pour conclure votre affaire ?
Riza tressaillit à la note amère dans sa voix. Les yeux d'Auric se plissèrent.
- Y a-t-il un problème, Général ? demanda-t-il avec méfiance, les yeux passant du capitaine à la tête baissée à son officier supérieur.
- Aucun, Gardien.
La voix de Roy traîna le long du hall jusqu'à eux alors qu'il se tournait dans la direction de son bureau.
- Vous êtes tous les deux des adultes consentants. Faites vos propres choix. Soyez seulement à l'heure pour le débriefing.

***

- Permission de parler librement, Général ?
Havoc se tenait dans une attitude inhabituellement rigide. Roy acquiesça sèchement.
- Monsieur... C'est du suicide. Ils devraient se retirer et attendre les renforts. Si nous nous précipitons maintenant, ça prolongera la bataille et nous perdrons quand même. Monsieur.
- Ce sont les ordres du Führer lui-même, Lieutenant.
La voix de Roy était lourde et sans vie.
- Êtes-vous en train de suggérer de désobéir à un ordre direct ?
- Monsieur, non Monsieur, claqua Havoc avec les yeux toujours fixés dans le lointain. Je demande, Monsieur, s'il y a une stratégie alternative qui pourrait être employée, Monsieur !
Depuis sa position depuis la carte murale, Maes secoua la tête.
- La plupart des alchimistes civils qui étaient sur le front sont morts, soldat. Le front est en train de céder, et l'éventail de montagnes signifie que nous ne pouvons pas encercler nos ennemies et les surprendre depuis l'arrière. Je déteste l'admettre, mais le Führer a raison – tout ce que nous pouvons faire est renforcer la ligne.
- Si votre Führer avait tellement raison, vous ne seriez pas au milieu d'une guerre, vint le commentaire ennuyé depuis le fond de la pièce.
Toutes les têtes se tournèrent. Auric se tenait là, bras croisés, yeux dorés lançant des étincelles. Il rencontra le regard sombre et scintillant de Roy avec défi.
- Et vous avez besoin de meilleurs tacticiens militaires. Et tant que vous n'aurez pas retrouvé vos esprits, je ne vous laisserai pas envoyer Al mourir pour une stupide mission vouée à l'échec.
- Auric, s'il te plaît, murmura Al. Il n'y a rien que tu puisses faire. Nous savions que cela pouvait arriver d'une manière ou d'une autre.
Auric ne cilla pas.
- Nous avons un contrat, Mustang. Ou alors ta maudite parole ne vaut rien ?
- Auric-kun... prévint Armstrong, ce n'est pas le moment...
- Alors c'est ainsi, Gardien, sourit dangereusement Roy. J'ai toutes les intentions de respecter ma part du contrat. Comment comptes-tu respecter la tienne ?
- J'irai à la place d'Al.
Roy rit d'une manière caverneuse.
- Le grand geste. Cela ne signifie rien pour moi. J'ai besoin de plus d'Alchimistes d'État, pas d'un espion. Tu as du talent, mais tu manques d'expérience – et de désir – pour l'utiliser. L'Earth Moving Alchimiste est bien plus précieux pour moi dans cette situation.
- Général, s'il vous plaît, dit doucement Al mais d'une voix surprenamment insistante. Avec tout le respect que je vous dois, vous n'aidez pas.
Surpris, Roy resta silencieux alors qu'Al bougeait pour faire face à Auric.
- Auric... je sais pourquoi tu fais ça. Je sais. Mais je ne suis pas Alp. Et même lui a fait son choix quand il est allé au front.
Auric secouait la tête comme pour bloquer les mots d'Al, mais Al était implacable.
- Tu dois me laisser faire ce choix par moi-même. J'ai confiance en le Général. J'aime ma famille et mon pays, et si je peux aider à le défendre, je le ferai. Je ne pourrais pas vivre avec moi-même autrement.
- Est-ce qu'Ed t'aurait laissé faire ? demanda Auric d'une voix rauque.
Al sembla pensif.
- Il aurait été furieux au début. Mais au final, je pense... non je sais qu'il m'aurait laissé faire. Il croyait en moi.
Auric ferma durement les yeux. La rougeur de ses paupières semblait se moquer de lui. Des flammes et des cendres. Des cendres et des flammes. Et au milieu de tout cela, toujours Alp. Toujours Al. Et il savait ce qu'il avait à faire.
- Très bien. Vas-y. Mais je viens avec toi. Et nous allons le faire à ma manière.
- Et quelle manière cela serait-il, Gardien ? Nous nous inclinons face à tes tactiques sans aucun doute supérieures, demanda Roy d'un ton acerbe.
Un sourire en cimeterre donna à Auric un regard sauvage.
- Nous allons prendre ces bâtards à revers.
Les soldats dans la pièce échangèrent des regards perplexes. Maes prit finalement la parole.
- Auric... peut-être ne m'as-tu pas entendu. Il n'y pas moyen de contourner l'ennemi.
- Pas pour vous, peut-être, répondit nonchalamment Auric en haussant les épaules. Mais vous n'avez jamais eu mon aide avant.
Al sut soudainement ce qui se préparait.
- Non. Auric, non ! Tu sais que quelque chose ne va. Tu es trop faible pour ouvrir un portail assez grand ! Et je ne suis pas assez fort pour ancrer l'autre bout !
Une lumière se leva dans les yeux de Roy.
- Si tu peux ouvrir un Portail qui nous emmène derrière l'ennemi, nous pouvons les écraser dans une formation marteau-et-enclume. Ils ne sauront jamais que nous arrivons.
- J'ai dit non !
Les choses avaient changé et c'est maintenant Al qui s'opposait à la situation.
- Général, vous avez vu ce que cela lui fait. Je sais qu'il ment quand il dit que ce n'est rien ! Même les petits Portails que nous avons essayés étaient épuisants pour lui. Avec la distance... et la taille nécessaire... et pour transporter la masse d'une armée... ça pourrait le tuer !
- Sûrement pas, protesta Maes. Il a fait ça un nombre incalculable de fois avant. Pas vrai, Auric ?
Il leva la tête vers le Gardien, qui refusait de rencontrer ses yeux.
- Auric ? murmura-t-il, un sentiment écœurant commençant à se manifester dans le creux de son ventre tandis qu'il apercevait le sinistre et pâle visage d'Auric.
- Je peux le faire, Al. J'ai réussi à maintenir des Portails bien plus grands intacts, dit Auric en évitant la question de Maes.
Al secoua la tête d'un air buté.
- Tu avais toujours un autre Gardien pour t'aider. Si tu fais ça, tu n'auras pas de partenaire. Jusqu'à maintenant j'ai seulement pu stabiliser le cercle et tu devras toujours l'activer avant de retourner de l'autre côté pour ouvrir le Portail. C'est en partie ce qui te draine, Auric. Je le sais ! Tu n'es pas indestructible.
- Tu t'en sortiras très bien, Al, vint la réponse ferme. Je crois en toi.
- Général, appela Al. Vous pouvez arrêter cela. S'il vous plaît. Vous auriez pu arrêter Ed et vous ne l'avez pas fait. Ne faites pas cette erreur encore une fois ! Je... Je ne peux pas le perdre encore une fois. Nous ne pouvons pas le perdre encore une fois.
Roy avait l'impression que quelqu'un venait de lui donner un coup de poing dans l'estomac, et il avait du mal à garder son sang-froid. Il pouvait sentir les yeux de Maes sur lui, et aussi ceux d'Hawkeye. Les années d'expérience gardèrent son visage inexpressif tandis qu'il levait les yeux pour rencontrer la paire dorée qui le fixait avec une intensité effrayante. Une charge électrique sembla passer dans l'air entre eux portant une compréhension qui dépassait les autres. Finalement, calmement, Auric parla.
- Tu dois me laisser tomber, Roy.
Il acquiesça lentement.
- Je n'ai jamais pu te retenir.
Plus tard. Prends soin de toi.

***

- Maes !
Le colonel s'arrêta, mais ne se retourna pas.
- Qu'y a-t-il, Auric ? Demanda-t-il brusquement. Si nous bougeons dans deux heures, j'ai des choses qui doivent être faites, et tu devrais être en train de faire... ce que tu as besoin de faire pour te préparer à ouvrir ce Portail.
Auric s'avança dans son espace, le forçant à regarder le Gardien dans les yeux.
- J'ai besoin de savoir quelque chose. Maintenant.
- Quoi donc ?
- J'ai besoin de savoir exactement ce qu'il s'est passé entre le Général... et Ed.

La chanson "Let Me Fall" vient de l'album et spectacle "Quidam" du Cercle du Soleil. La version que j'ai en tête ici, cependant, est du premier album éponyme de Josh Groban, un jeune homme charmant et talentueux qui a passé un peu de temps à l'une de mes universités avant de poursuivre sa carrière professionnelle. Si vous n'avez pas écouté ce morceau lancinant, je le recommande chaudement, et chacune des autres morceaux de Josh. J'étais en train d'écouter ce morceau quand j'ai commencé à écrire cette histoire, et la chanson semblait résumer à la fois le désir ardent d'Auric de se définir lui-même comme une personne distincte et l'incessant combat d'Ed pour transcender les chaînes qui le retiennent et son besoin d'être libre.

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