Minuit. Un bonnet noir sur la tête et emmitouflée dans mon écharpe, je sortais de chez moi. La nuit était froide et sombre. J'adorais la nuit. Je marchais en direction de la forêt. Je me faisais discrète, essayant de faire le moins de bruit possible. Mes parents dormaient déjà depuis longtemps, mais j'avais tout de même peur de les réveiller. Je faisais souvent ces derniers temps ce genre de balade nocturne. C'était souvent le vendredi soir que je m'échappais.
Je marchais à petites foulées, mes grosses baskets noires faisant un bruit assez marrant dans l'herbe humide. Le chemin jusqu'à la forêt était tout tracé, mais tout de même difficile à emprunter. Il y avait des branches qui traînaient partout et on se recevait de temps à autre une feuille trempée sur la tête. Je m'étais bien couverte bien qu'il ne faisait pas très froid pour fin février.
La forêt appartenait à mes parents, elle faisait partie du terrain de notre demeure. C'était un petit château, ou un grand manoir, cela dépendait des points de vue. Pour moi, c'était tout simplement ma maison. Nous y vivions à trois toute l'année. Parfois, mes frères et sœurs nous rendaient visite. Parfois.
J'avais depuis toujours aimé la forêt, c'est pour cela que je m'y rendais. Bon, évidemment je ne m'y rendais pas à minuit par plaisir, mais simplement pour être au calme pour fumer deux ou trois clopes.
Mes parents savaient depuis quelques années maintenant que je fumais et c'est là que je ne comprenais pas pourquoi je faisais toujours tout ça. J'aurais très bien pu me mettre à la fenêtre de ma chambre pour être tranquille et éviter de marcher une centaine de mètre. Mais je ne savais pas pourquoi, l'idée d'aller dans la forêt m'excitait toujours, rendant la chose drôle, comique, cocasse... surprenante. J'avais du plus loin que je me souvienne toujours eu besoin d'aventure. Disons que c'était ma manière à moi de la vivre. En m'enfuyant la nuit pour fumer en cachette au beau milieu d'une forêt, seule.
Je n'étais pas une grande fumeuse. Seulement quelques cigarettes de temps à autre. Si demain on me disais que je devais arrêter, aucun problème, j'obéirai. Mais personne ne me le disait donc je continuais à me faire plaisir.
Je marchais toujours, arrivant bientôt à mon endroit fétiche, près du saule pleureur. J'avais toujours trouvé à ces arbres une majesté presque divine. Je repoussais le feuillage devant moi de ma main gantée, et là, malgré l'obscurité présente, je le vis, l'arbre immense. J'arrivais à ses pieds, humais l'air, fermais les yeux, et attendais. Je n'attendais rien de spécial, rien du tout, j'attendais, c'est tout. C'était une sorte de méditation, de pause, de vide. Enfin, après quelques secondes qui en moi me paressaîrent être des heures, et, enfin soulagée d'être vide de toute émotion, j'attrapais le paquet de blonde se trouvant dans ma poche. Une fois le paquet en main, j'attrapais avec mes dents, délicatement, le bout de mon gant pour l'enlever. Je ne fumais pas avec des gants, je trouvais ça dégoûtant.
J'allumais d'un coup de main ma cigarette, pris une goulée de sa fumée rêche et l'avala, la laissa en moi, et la recracha. Je me détendais, et m'assis contre le Saule.
J'avais le regard fixé sur mon téléphone. Les réseaux sociaux étaient en ébullition ce soir. Mais je m'ennuyais rapidement, les internautes répétant le même débat sans cesse. Je coupais mon téléphone, le mit dans ma poche, et regardais droit devant moi, pensive. Mes genoux relevés quasiment jusqu'au menton, je posais mon bras dessus et tirais encore une fois sur ma cigarette. Je fumais lentement, elle n'était même pas encore arrivée à sa moitié. Perdue dans mes pensées, je mis du temps à remarquer que quelque chose était étrange. Quelque chose était inhabituel, mais je ne savais quoi. Je ressentais une sorte de frisson dans le dos, et enfin je vis ce qui n'allait pas. La nuit était sans étoiles et sans lune. Pourtant, une lumière semblait éclairer la petite clairière où je me trouvais. Une lumière bleu électrique. Je me tordais le coup dans tous les sens, dans l'espoir de voir d'où provenait cette lumière anormale. Mon cœur battait vite. J'avais une peur bleue, mais je n'osais pas le montrer. D'où diable pouvait venir cette lumière ? Je me levais doucement, ma cigarette coincée dans la commissure de mes lèvres. Je la repris du bout des doigts et fis le tour de moi-même. Je me dirigeais vers là où la lumière semblait être la plus forte, soit derrière le Saule. Je marchais doucement, jusqu'à ce que la lumière devienne de plus en plus intense. Je plissais un peu les yeux jusqu'à m'habituer à la luminosité. On se serait cru en plein jour, mais un jour froid, ou un jour éclairé par un soleil glacial. Une fois que mes yeux s'ouvraient pour de bon, habitués, j'aperçus la source de toute cette comédie.
A quelques mètres du Saule, au fond des buissons et des broussailles, se trouvaient deux grands arbres. Leurs troncs, d'une couleur cendrée, paraissaient fantomatiques. Ils étaient immenses et semblaient vieux. Ils se trouvaient dans un cercle d'herbe haute qu'aucune plante ne venait fouler.
J'avançais doucement, le souffle coupé. Les deux hêtres étaient entremêlés, se câlinant. Mais leurs tronc se séparaient à un endroit distinct où se trouvait une sorte de substance bleu électrique. Elle reposait calmement à la verticale dans ce qui devrait être vide.
Plein de question me cognaient alors la tête. Tellement que je n'entendais plus qu'un brouhaha incessant. Qu'est-ce que c'était que ce truc ?
Cette chose surpassait à ma connaissance toutes les lois de la nature et de la physique. C'était complètement illogique. Rien n'allait : la substance ressemblait de loin comme de près à de l'eau. Sauf que si c'était de l'eau, de la vraie, elle s'écoulerait le long de l'arbre. Sauf que là, elle restait droite, verticale. Si c'était une simple patte visqueuse, elle aurait gelé avec le froid, ou du moins elle n'ondulerait pas. Mais le plus curieux restait cette couleur, bleu, d'un bleu glaçant, d'un bleu lumineux, si lumineux qu'il éclairait tous les arbres autour. J'étais complètement abasourdie. Curieuse comme tout, je m'approchais de plus en plus de la substance. Elle continuait d'onduler doucement.
S'en était presque hypnotisant. Je regardais, oubliant tout le reste, cette substance produisant de légère vague. Plus rien ne restait de ma peur quand j'avais surpris la lumière étrange. A présent, j'étais d'un calme implacable, une curiosité monstrueuse grandissant de plus en plus en moi. C'était comme si cette chose m'appelait.
Le nez à deux centimètres de celle-ci, je l'observais. Mes yeux reflétaient ses ondulations. Ma bouche, entrouverte, ne semblait plus respirer. Une certaine chaleur émanait de la substance.
Ma cigarette toujours à la main, je m'éloignais de celle-ci, finalement, une main sur la hanche, pensive. Je pris une bouffée de ma cigarette. Je recrachais la fumée. Mon esprit était entièrement vide. Je me penchais vers la substance, pris une autre bouffée de tabac, l'inspirais, et, le regard brillant et électrique, concentré sur la substance, je recrachais le filet de fumée s'échappant de ma gorge. Une chose incroyable et effrayante se produit alors. La fumée rentra dans la chose. Elle ne se fracassa pas contre, elle ne la survola pas, non, elle rentra dedans.
Je n'avais jamais été une personne très curieuse quand il s'agit de choses étranges ou de choses scientifiques. J'étais plus le genre de personne qui aimait sortir et regarder des films, qui aimait rêver. Pas qui aimait chercher.
Pourtant, tout me donnait envie de chercher, de trouver une réponse. Qu'est ce que c'était que ce truc ?
Nerveuse, je faisais tomber mon téléphone portable sur le sol. Mes mains l'avaient lâché tant je ne pensais qu'à cette chose bleu devant moi. Je serrais les dents. La substance semblait briller de plus en plus fort. Mon cœur battait lui aussi de plus en plus fort.
J'entendais un aboiement quelque part au loin. Mais je n'y faisais pas attention. Rien n'avait d'importance. Plus rien, à part cette lumière.
Elle ondulait plus doucement. Elle créait un rythme, elle me faisait parvenir sa chaleur, comme si elle m'appelait. Je m'approchais, le souffle court, la bouche entrouverte, les yeux écarquillés. Je lâchais ma cigarette. La lumière bleutée se reflétait sur mon visage, sur mes joues, sur mon menton, soulignant la ligne de mes sourcils, donnant à mes cheveux des reflets bleutés. Je voulais m'approcher, bien plus, encore plus. Et encore plus. Et encore... je m'approchais tant que mon nez finit par toucher la substance.
Et j'étais proie à une douleur sans nom.
Je me tordais, me tordais encore, chaque parcelle de ma peau me brûlait, me piquait. Une impression d'être lacéré, d'être dans un tourbillon sans fin me pris. Je n'arrivais pas à ouvrir les yeux, ni à les fermer. Je n'arrivais pas à respirer et je respirais trop. Je toussais, je m'étouffais, je déglutissais, je pleurais, je hurlais. Je restais une éternité dans un enfer, dans un autre monde, je me sentais entrecoupée, je n'étais nul part, ou j'étais partout à la fois.
J'entendais des milliers de voix et des chants anciens. Puis, des hurlements et des appels à l'aide. Je voyais des monstres déformés, des humains découpés et dévorés.
J'avais l'impression d'être morte.
Mais la douleur était trop grande, bien trop grande, je ne pouvais pas être morte et ressentir autant de peine. Je hurlais à m'en briser la voix, mon corps était parcouru de spasmes et de frissonnements froids. Et enfin, acceptant ma sentence, je ne me débattais plus et laissais la douleur m'envahir. Et, reconnaissante, je sombrais, et je fermais les yeux.
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Son Monde
Fanfiction"Dans un monde des plus banals, dans une ville perdue en France, une jeune femme d'à peine 18 ans se verra vivre des aventures plus qu'incroyables. Un soir où la lune ne montre pas le bout de son nez et où la nuit est sombre, une lumière anormale, d...