CHAPITRE 28

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LA PREMIÈRE FOIS QUE J'EUS DES AILES

La vie avait reprit son cours. Après l'expédition, la charge de travail avait été très dure pendant près d'un mois. Il fallait rentabiliser les pertes, faire des boulots en tout genre pour gagner de l'argent, trouver des nouveaux chevaux, créer des nouveaux liens avec des commerçants pour subvenir aux besoins et surtout aller voir chaque famille des défunts pour présenter nos condoléances et annoncer la date de l'enterrement. Ah, aussi, organiser les enterrements. 

Après ces trente jours de dure labeur, il ne restait dans les esprits des soldats comme souvenir de l'expédition qu'une chaude journée d'été qu'il fallait oublier.

Les rires recommençaient à fuser et l'alcool avait coulé à flot quelques temps avant que le Major nous demande d'arrêter de boire. Les exercices avaient reprit et se faisaient plus dure que jamais tandis que les journées étaient de plus en plus difficiles à supporter compte tenu du temps qui se réchauffait, nous approchant du mois d'août. Je passais mes journées à travailler, à courir, à m'entraîner, à écrire, je voyageais aussi avec Hanji pour faire quelques demandes aux marchés et le Caporal m'entraînait toujours. Je ne me séparais plus de Gunter et de Benoît avec qui nous faisions les quatre cents coups. Le pauvre Capitaine Asuma nous pourchassait sans relâche d'un bout à l'autre du quartier générale, suant à grosse goute sous son uniforme brûlant sous le soleil. Nous séchions nos cours pour faire de grande balade à cheval, nous étions souvent punis et devions dormir dans les cachots, et nous recommencions le lendemain.

Cela me faisait du bien d'être avec mes camarades de promotion. Cela nous faisait oublier les morts. La 97e division du bataillon d'exploration avait subit de lourde perte après l'expédition : composée autrefois de vingt-deux soldats, nous étions maintenant treize. Gunter, Benoît, Silly, Margaret, Léopold, Lara, Martino, Frank, Viktor, Roland, Julius et enfin Sigmund. Le fait que nous soyons si peu nombreux nous avait beaucoup rapproché les uns des autres et les heures de classes étaient plus détendues. J'appréciais bien ma promotion et aimais être avec eux. Nous rions ensemble et mangions de plus en plus regroupés.


Tous les ans, les soldats travaillaient après les expéditions dans une ferme du coin pour subvenir à leurs besoins et se préparer à l'hiver. Ainsi, une fois toutes les deux semaines, nous jouions au rôle de fermier avec la 97e, Gunter, Benoît et moi adorions ses escapades. Les fermiers nous avaient prit en affection et nous refilaient de temps à autre des petits trucs à grignoter quand nous labourions la terre. 

Je me rendais bien compte néanmoins que je commençais à oublier mon ancien monde. J'avais perdu mes anciens reflexe, mes anciens tiques verbaux, pour m'approprier ceux qui étaient courant ici. Je ne parlais plus, à personne, de qui j'avais été. J'étais Ali Tainon à présent, la stagiaire du Bataillon d'Exploration, une fille lambda dont le passé était trouble. Je n'étais plus rien, ni française ni habitante des Murs, ni étudiante ni soldate. Je n'étais pas de ce monde, mais je n'étais plus du mien.

Je tentais par tous les moyens de faire partie ces angoisses, de faire disparaître cette crise existentielle qui semblait me pourchasser où que j'aille. Je travaillais, je lisais, je courrais, j'embêtais mes supérieurs mais rien à faire, j'angoissais. Une seule chose me faisait sortir de cette torpeur: mes vendredi après midi à admirer l'escouade Mike Zacharias, voler dans les airs, avec leurs équipements tridimensionnel.

C'était l'unique chose. Une envie irrépressible me serrait le cœur des que je voyais l'appareil. Je le voulais. Je voulais faire partie de quelque chose.

Je voulais faire partie de ce monde. 

*

Les boucles blondes de Benoit rebondissaient sur ses épaules tendis que son nez retroussé parsemé de tache de rousseur se plissait sous son sourire. Il avait des yeux bruns et des sourcils fournis, ce qui dénotait avec la couleur de ses cheveux. Debout, les bras ballant, il riait aux idioties de Gunter. 

Son MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant