CHAPITRE 12

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LA NORMALITÉ DE NOTRE MONDE

- Tes appuis gamine ! Ralla le Caporal en me poussant dans le dos.

A deux doigts de tomber, je réussis néanmoins à me rattraper à temps et je me tournais rapidement vers lui pour ne pas le perdre de vu.

Cela faisait deux semaines que le Caporal Livaï et moi nous entrenions trois à quatre fois par semaine dans le gymnase après 21H. Sans vouloir me venter, j'avais énormément progressé. Mes reflexes étaient meilleurs, je tenais mieux debout et je frappais un peu plus fort. Pas de quoi faire un bleu au Caporal, mais assez pour qu'il me regarde avec une légère fierté.

Notre relation s'était détendue depuis que nous faisions ce petit rituel, disons que nous passions notre colère sur l'autre le soir à l'entraînement plutôt que dans la journée. Je faisais mon possible pour ne pas être insolente avec lui le jour mais parfois mon caractère prenait le dessus et je ne me controlais pas. Cela m'avait valu quelques claques à l'arrière de la tête et des corvées suplémentaires, mais rien de méchant comme j'avais pu connaître à mes debuts.

On était fin mai et le temps se faisait meilleur dehors. Le soleil se couchait plus tard et à travers les hautes fenêtres du gymnase j'apercevais seulement maintenant le ciel s'assombrir pour se coucher. Livaï suivit mon regard et souffla.

- C'est assez pour aujourd'hui. Va te doucher c'est une horreur.

- Merci Caporal, vous savez toujours trouver les mots justes.

Je me baissais pour attraper ma serviette de sport que je mis sur ma nuque et bue quelques gorgées de ma bouteille d'eau. Le Caporal me tournait le dos et ne me dit rien. Il rangeait les affaires que nous avions utilisé pour la séance de ce soir.

Je sentis un tiraillement sur les jointures de mes mains : jettant un regard dessus je vis de nouvelles égratignures sur les commissures de mes doigts. J'aurai encore des bandages à mettre.

Le Caporal me dépassa à ce moment là et ne me dis rien de plus. Il franchit la porte et ce fut fini. Il ne me parlait jamais. Pendant nos entraînements, c'était juste des ordres pour m'améliorer et rien de plus. Parfois je lisais quelque chose dans ses yeux mais je n'arrivais pas encore à mettre la main sur l'émotion qu'on apercevait l'espace d'une demi seconde.

*

Le semaine se poursuivait. Je réussis pas mal mes cours, je suivais du mieux que je pouvais les heures d'études et je me passionnais pour l'histoire de ce monde. En classe, j'étais assise tout au fond et essayait de me faire invisible. Les professeurs ne me voyaient même pas et je n'étais pas sur la liste d'appelle. A vrai dire, j'aurai pu sécher mes classes et dormir plus longtemps, mais quelque part je savais que si je faisais ça, les foudres du Caporal me retomberaient dessus.

Mes séances d'observation de l'appareil tridimensionnel avec l'escouade de Mike me passionnaient toujours autant. Je prenais un réel plaisir, chaque vendredi, à rester des heures assise dans la boue à les observer. J'attendais avec impatience qu'un jour on me propose d'essayer. Mais ce jour ne venait jamais et je ne comprenais pas pourquoi. Je me promis d'essayer un jour, avec ou sans l'accord de qui que ce soit.

Mes temps de nettoyage se passaient relativement bien aussi: je m'améliorais en tout cas en désinfection, décontamination, balais, poussière, crottins et autres saletés que je me devais d'enlever chaque jour. Mes corvées de cuisine étaient d'un ennui mortel moi qui ne trouvais aucun plaisir à cuisiner avec aussi peu de choix : sois des pommes de terre, sois des carottes, et rarement de la viande ou des produits laitiers. Impossible de faire de la sauce. Mes repas me tordaient le ventre à chaque fois que je les voyais.

Son MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant