Partie 2

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Les vagues déferlaient sur la plage de galets. Un homme seul, assis, son regard figé sur l'horizon s'illuminant d'éclairs incessant. La tempête faisait rage en haute mer. Sur les côtes, le grondement de l'orage se mêlait au ressac, sans qu'aucune goutte d'eau ne vienne apaiser la chaleur de la nuit.

Nouvelle nuit d'insomnie. Énième nuit qu'il terminait face à la brise iodée. Les galets roulaient sous ses doigts, les souvenirs martelaient son esprit. Elles l'emportaient jusqu'aux limites de la folie. Dans ses moments, il regrettait chacun des choix qui l'avait amené jusque là. Sa tête sembla sur le point d'exploser. Son regard s'éleva jusqu'aux cieux, comme s'il demandait une absolution qui ne viendrait jamais. Le haut de son corps se laissa alors tomber sur le sol. Son crâne heurta les pierres, diffusant une onde de douleur dans toute sa chair. Même si la souffrance physique apaisa sa torture mentale, elle ne l'éteignit pas.

Il se releva d'un bond et se précipita dans la mer. La température glaciale de l'eau lui coupa le souffle. Mais, il s'élança tout de même dans les vagues. Son crawl était puissant. Sa musculature s'activa tel une machine qui brisait le ressac. Il nagea durant une demi-heure, et pendant ce temps son esprit se vida des pensées qu'il redoutait et repoussait sans cesse. Le bien-être fût intense, récupérateur. Et lorsqu'il retourna vers la plage, ce fût avec autant d'intensité.

Il se hissa hors de l'eau, haletant. Son corps ruisselant, ses muscles saillaient sous sa peau halée, illuminée par l'orage. Il passa une main sur la barbe brune qui commençait à lui ronger les joues, un frisson étreignit alors Eliam de Saillans tandis qu'il prenait le chemin de son refuge. Quand il passa la porte de la maison de pêcheur, l'orage avait gagné la plage. Il retira son pantalon trempé et s'effondra nu sur la paillasse lui servant de lit. Ses yeux se figèrent sur le toit de chaume.

Un an avait passé depuis le jour où il avait quitté le mariage de Galahaad. Un an et chaque fois qu'il pensait à elle, il avait la sensation de se déliter. Un an et il se noyait dans les responsabilités que lui avait confié son frère pour ne pas penser à l'épouse de celui-ci.

Quand il ne naviguait pas sur le Mandragore, ses quartiers étaient établis dans une auberge de Londemare. Le commandement de la flotte de guerre de Saillans lui permettait d'être submergé de travail. Il avait ordonné la construction d'une nouvelle frégate rapide et maniable, pour créer un duo imparable avec le Mandragore. Il passait énormément de temps à recruter des marins. Les tensions et les provocations de l'Empire créaient de nombreuses vocations. Eliam avait donné l'ordre à chaque capitaine d'avoir six mousses par navires. Désone était désormais son bras droit. Son tempérament calme et serein lui permettait de gérer les autres commandants avec plus de diplomatie. Il était le second du Mandragore et le capitaine lorsqu'Eliam était cloué à terre.

Lalikine et Shilar ne naviguaient plus sur le navire, ils étaient désormais chacun à la tête d'une frégate, le Seiveilan pour l'un, l'Evareg pour l'autre. Le premier arpentait le sud d'Elenith, le second, les côtes de Cy. Les deux navires étaient accompagnés de deux autres bâtiments plus légers. Eliam avait réorganisé la flotte de manière à ce que les navires soient toujours en duo ou en trio. La création de flottilles avait deux objectifs. Tous d'abord, celui de décourager l'ennemi, lui montrer un force inattaquable. Saillans devait montrer à l'Empereur une puissance qui dissuade ses velléités d'invasion. Ensuite, en cas de combat le navire le plus léger devait quitter l'affrontement pour rapporter les informations à Londemare. Cette nouvelle mesure avait fait grand bruit dans les rangs des marins. Les soldats de Saillans n'étaient pas hommes à laisser leurs compagnons sur le champ de bataille. Or Eliam savait que le jour où Cy attaquerait, il leur faudrait riposter immédiatement sur les mers, afin de couper tout accès aux côtes de Saillans. Pour être le plus réactif possible, Eliam devait être rapidement informé. C'est aussi pour cette raison qu'il naviguait moins, il devait être facilement joignable. Il avait donc créé une unité de messagers, six hommes qui se trouvaient dans les plus grandes villes du pays, où sur des lieux côtiers stratégiques et qui savaient toujours où trouver leur commandant.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant