Partie 6

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- Cyrius ne tient plus Elenith, depuis la purge du Conseil, la population est au bord de la révolte, on vient de m'informer que l'empereur entretient la résistance.

Galahaad s'adressait à Eliam et Garance, adossé au mur nord du bureau qui avait été celui de son père. Son frère cadet était assis sur le rebord d'une fenêtre. Son épouse était face à eux, dans un fauteuil où elle prenait place à chacune de leurs réunions.

- Galahaad, il faut agir, agir tant que j'ai une légitimité sur Elenith, tant que j'ai une crédibilité auprès de mon peuple, dit la jeune femme, vêtue d'une robe de deuil, les cheveux noués dans un chignon sévère, assise sur le bord du fauteuil, avec son port de reine coutumier.

- Je ne suis pas d'accord, répliqua Eliam en figeant son regard azur sur Garance, nous sommes trop faibles, nous ne pouvons protéger nos côtes et tenir le siège d'Amarylis.

La jeune femme soutint le regard du Prince cadet. Une barbe de quelques jours rongeait ses joues, lui rendant l'air ténébreux qu'il n'avait plus à son arrivée à Estran. De lourdes cernes accentuaient l'intensité de ses yeux.

Une semaine avait passé depuis les funérailles du Roi. L'ivresse et l'euphorie de la fête avaient fait place dès le lendemain à la tristesse. Galahaad avait demandé à Eliam de rester à Estran jusqu'à son couronnement. En dehors de leurs conversations, Eliam semblait s'être mis en tête de conquérir toutes les jeunes femmes célibataires d'Estran. Passant ses nuits à s'enivrer en leur compagnie. Il était si peu discret que même en l'évitant, Garance ne pouvait ignorer le défilé de ses conquêtes. Cela la minait chaque jour un peu plus, tout autant que le regard chargé de haine qu'il posait sur elle.

- En attendant, nous laissons les coudées franches à Dragan, quand il aura pris Elenith, il nous sera impossible de récupérer le Sud d'Eredjan, contre-carra la jeune femme en s'adressant directement à Galahaad, qui lui sourit avec douceur.

Eliam saisit leurs regards. Chaque attention, chaque sourire de connivence qu'ils échangeaient, nourrissaient un peu plus le brasier de haine qui le consumait. Il se forçait à faire défiler les femmes dans son lit, pour lui faire autant de mal qu'elle lui en faisait. Malgré son impassibilité, il la connaissait suffisamment pour capter la lueur de colère qui étincelait dans son regard de cendre.

- Avant de penser à Elenith nous devons penser à Saillans, dit Eliam sur un ton où pointait sa rancœur.

Garance fit brusquement face au Prince, le fusillant du regard.

- Est ce que tu insinues que je ne me soucie pas du sort de Saillans ? demanda-t-elle d'une voix glaciale.

- Pourquoi aurions-nous de l'importance à tes yeux ? répondit Eliam avec un sourire teinté d'une ironie qui ne touchait pas son regard.

La jeune femme se leva d'un coup de son siège. Les prunelles étincelantes de fureur. Elle avait tout à fait saisit le sous-entendu d'Eliam, et elle était certaine qu'il ne parlait pas que de son peuple. Mais il n'avait pas le droit de remettre en doute sa fidélité au pays qu'il lui offrirait une couronne dans quelques jours. Malgré les circonstances de son mariage et son objectif premier, le peuple de Saillans avait touché son cœur. Derrière leurs manières rustres et leurs coutumes barbares, les gens de ce pays étaient dotés d'une confiance en l'avenir et d'une rage de vaincre qui avait forcé son respect. A force de compréhension et de douceur, en la traitant chaque jour comme son égal, Galahaad lui avait communiqué sa foi en son peuple. Les insinuations d'Eliam étaient injustes, sortant de ses gonds face à sa désinvolture, elle pointa un doigt sur lui :

- Tu n'as pas le droit de dire cela ! Surtout pas toi ! Je serais bientôt Reine de ce pays, j'ai une responsabilité envers son peuple, j'assumerais chaque conséquences de mes actes.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant