Partie 19

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Avant même qu'il n'ouvre les yeux, Eliam eut la certitude d'être échoué sur une plage. Sous son corps, la mouvance du sable s'ajoutait à la sensation d'irréalité qui l'étreignait. Il laissa son regard sonder la nuit étoilée. La clarté du ciel nocturne était étrange, comme celles d'Elenith, où la lune et les étoiles se reflètaient sur le sable blanc et semblaient illuminer la pénombre. Il se redressa sur ses coudes et vit l'océan face à lui, venir mordre la plage. Il avait le sentiment de connaître cet endroit. Inquiet, égaré, il mit machinalement la main à sa ceinture pour saisir sa dague, mais il ne trouva pas son arme. Puis, soudain il se figea. Dans l'océan, illuminé par l'astre lunaire, une silhouette se détachait très nettement. Elle s'avançait vers lui. Il bondit sur ses pieds, jeta un coup d'oeil autour de lui, ayant le désagréable sentiment d'être pris dans un traquenard. En observant un peu plus le paysage, il sut qu'il était sur une plage du Sud d'Elenith, cette plage où près de trois ans auparavant il avait rencontré Garance. Il chercha de nouveau la silhouette qui s'avançait vers le sable. Il voulut faire un pas en avant, mais son corps se figea, refusant d'avancer. La situation était de plus en plus étrange.

Après un long moment d'attente, la silhouette sortit complètement de l'eau. Elle était totalement nue, mais d'immenses cheveux bruns recouvraient son torse, son ventre, jusqu'à mi-cuisse. Rien qu'en détaillant les courbes de son corps, Eliam sut que c'était elle. Les battements longs et réguliers de son coeur se mirent à s'emballer dans un rythme chaotique, le souffle vint à lui manquer, les perles de sueur apparurent sur son front, ses mains se couvrirent de moiteur. Il voulut prononcer son prénom, mais sa voix resta coincée dans sa gorge. Pourtant, à peine avait-il pensé la douceur de ses trois syllabes que la jeune femme releva la tête vers lui. Désormais, elle n'était qu'à quelques mêtres de lui. Il pouvait apercevoir l'éclat de ses prunelles de cendre qui n'avait jamais vraiment cessé de le hanter. Son regard mystérieux, empreint d'une tristesse infinie, le toisait impitoyablement. Soudain elle releva ses mains dans sa direction. Eliam voulut se précipiter vers elle, mais un force inexplicable le retenait, lui interdisant tous mouvement.

- Eliam....

Sa voix n'était qu'un murmure, mais elle le fit tressaillir jusqu'au tréfond de son âme.

- Eliam, pourquoi nous as-tu abandonné ? Demanda-t-elle d'une voix brisée.

Elle fit de nouveau un pas vers lui.

- Pourquoi ? Répéta-t-elle en écartant sa longue chevelure.

Eliam vit alors la femme qu'il aimait dans une nudité absolue, ses seins ronds gonflés, son ventre arrondi par la grossesse. Muet de stupeur, le jeune homme se figea. Puis, silencieusement, des larmes se mirent à couler sur ses joues, leur abondance était telle qui sentit bientôt sur ses lèvres un goût de sel. Il sut alors qu'il était perdu dans l'un de ses rêves. Un songe si réel qu'il avait l'impression que Garance était à portée de ses mains. Il était face à l'une de ses chimères. Un mirage qui réveillait en lui une souffrance insoutenable, et pourtant il ne parvenait pas à détourner le regard. Incapable de se réveiller, il scruta ce corps tant aimé. La grossesse avait encore adouci les lignes de sa silhouette, la rendant encore plus féminine, encore plus désirable si cela était possible. Dans la lumière de la lune, sa peau d'albâtre semblait rayonner de l'intérieur. Il mourrait d'envie de déposer ses mains sur la rondeur de son ventre, sa bouche sur la douceur de ses lèvres.

- Pourquoi l'as-tu laissé faire ?

La voix de Garance, si rauque, comme brisée le fit à nouveau tressaillir. A cet instant, il vit que sa propre dague était dans la main de Garance, ne pouvant laisser échapper qu'un cri muet, immobilisé, impuissant, il la vit approcher la lame de son cou. Puis d'un geste précis et déterminé, elle se trancha la gorge. Il observa son sang se répandre comme des vagues sur sa poitrine, sur son ventre, sur son enfant, avant qu'elle ne s'effondre sur le sol, inerte, ses prunelles de cendre éteintes, les yeux rivés sur son amant.

Eliam se réveilla d'un coup, tétanisé, haletant, le torse recouvert d'une sueur glacée. Il bondit de son lit, tituba et faillit s'effondrer sur le parquet de sa chambre. Il sortit comme une furie, le regard fou, dévala les escaliers de la vaste maison de ville où il avait établi ses quartiers. Toute la bâtisse était plongée dans la pénombre. Descendu au premier étage, il enfonca littéralement la porte de la chambre de son aide de camp. Le jeune homme bondit de son lit en saississant son épée. Eberlué, encore sonné, il détailla son agresseur un instant avant de s'apercevoir que l'homme qui semblait avoir perdu la raison face à lui, n'était autre que son roi.

- Majesté ???

- A-t-on reçu des nouvelles d'Andréas Khan ? S'écria Eliam de Saillans d'une voix méconnaissable.

Il avait l'air d'un fou, pourtant il n'avait jamais été aussi lucide, il avait le sentiment que s'il ne découvrait pas rapidement ce qu'il était advenu de Garance, il perdrait défitinitivement la raison.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant