Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères Maudits

Partie 40

Malgré l'arrivée du printemps, les nuits de Saillans étaient particulièrement fraîches. Garance alluma un feu dans la cheminée de sa chambre, avant de prendre un long bain. Oxance dormait dans la chambre adjacente à la sienne. Eliam prenait congé des derniers convives du dîner. La jeune femme laissa enfin les souvenirs la submerger. Elle s'attendait à de la violence et de la douleur. Elle fut surprise de la douceur de ses pensées. Malgré les difficultés, on ne lui avait jamais fait de mal entre ses murs, elle y avait même trouvé une famille. Au regard de tout ce qu'elle avait traversé entre son départ d'Estran, une douce mélancolie glissa sur elle quand elle s'autorisa à penser à Galahaad. Avec le temps, elle avait la sensation que sa culpabilité s'estompait. Elle savait qu'il aurait été heureux qu'Oxance connaisse sa famille paternelle. La réaction d'Adrissa la confortait dans son raisonnement. Elle avait vraiment l'impression d'être à l'aube d'une ère nouvelle. Malgré les défis à relever, la peur faisait peu à peu place à l'espoir et cela changeait tout.

Garance s'arracha à ses pensées quand on frappa à la porte. Elle se hissa hors du tube, se sécha rapidement et enfila l'un des peignoirs de coton qu'on avait déposé à son attention. En ouvrant, elle découvrit Eliam, appuyé au chambranle de la porte. Les cheveux ébouriffés, un sourire narquois aux lèvres, ses prunelles indigo pétillaient, sa chemise déboutonnée au col était toute débraillée. Garance eut un souffle au cœur : elle ne l'avait jamais trouvé aussi beau. Son sourire s'élargit encore, puis il fondit sur elle avec une rapidité qui le rendit insaisissable. La porte fut claquée, la jeune femme collée au premier mur qu'il trouva. Le baiser qu'ils échangèrent, à la limite de la violence, était à la hauteur du manque éprouvé. Il y avait des mois, des semaines et des jours à combler. Débarrassés d'une culpabilité qui les avait dévorés, il n'y avait plus que la passion de deux âmes, la fusion de deux corps. Le souffle court, les lèvres sur la peau de Garance, Eliam murmura :

- Dis-moi que tu es à moi.

- Je n'ai jamais été qu'à toi, Eliam.

Les semaines suivirent dans une relative fébrilité, Eliam et Garance firent le tour de Saillans. Les deux amants savaient qu'il fallait convaincre et se lancèrent dans une véritable opération de communication. Ils rencontrèrent des milliers de personnes tandis que l'on organisait le vote. A Londemare, Eliam fit affréter une frégate, ils prirent la route d'Amarylis et entamèrent une longue tournée en Elenith.

Après de longues semaines sur la route. Eliam, Garance et Oxance rentrèrent à Amarylis. Les deux amants savaient leur destin scellé. Il avait fait le maximum pour convaincre leur peuple du bien-fondé de l'unification des royaumes d'Eredjan, maintenant il ne restait plus qu'à attendre le verdict. Eliam repartirait dès le lendemain à l'aube pour Saillans. D'ici une dizaine de jours, ils sauraient ce qu'ils adviendraient d'eux.

L'été s'était abattu sur la cité blanche et Garance goutait la fraîcheur du palais de marbre des Rois d'Elenith. Elle reposait dans une méridienne recouverte de brocard. Eliam et Oxance étaient assis à ses côtés à même le sol. Le jeune homme lisait une histoire à l'enfant. Garance se laissait bercer par les intonations rauques de la voix d'Eliam. Elle finit par s'endormir. Le silence de la pièce la réveilla. Quand elle ouvrit les yeux, Eliam était seul, assis dans le fauteuil qui lui faisait face, le regard perdu dans le vide. Sans la voir, il sut qu'elle était éveillée.

- Si le vote est négatif à Saillans, j'abdiquerais et je deviendrais ton prince consort. Dit-il dans un sourire qui n'atteignit pas ses yeux.

- Et si le vote est négatif en Elenith aussi ?

- Je vous emmènerais loin d'ici, Oxance et toi, nous prendrons la mer et nous voguerons loin de cette île. Me suivras-tu ?

Garance resta un instant muette, elle avait tant lutté pour mettre Oxance en sécurité, elle avait toujours pensé que le trône d'Elenith leur apporterait la sécurité. Maintenant elle savait que la sécurité et le bonheur se trouvait dans les bras d'Eliam.