Partie 30

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- En tant que femme, dans un corps à corps, l'unique avantage que tu as, est que ton adversaire te sous-estimera. Tu dois exploiter cela au maximum. Face à ton assaillant, tu dois toujours cacher le fait que tu maitrises ta défense ou que tu sais te servir de ton arme. Ais toujours l'air faible.

Garance se contenta de hocher la tête. Vanech se tenait face à elle, une poignard à la main.

- Tu dois jouer de l'effet de surprise et de la vitesse. Le poignard est idéal pour toi. Tu peux le cacher et le manier avec facilité. Frappes toujours là eu tu seras le plus efficace : les yeux, la gorge ou le bas-ventre. Evites la cage thoracique, car si tu te loupes tu seras sans arme, le poignard restera à coup sûr coincé.

Il s'approcha de la jeune femme, saisit sa nuque de la main, puis lui montra les gestes. Leurs regards se croisèrent quand il posa la lame contre la gorge de Garance. C'était la première fois qu'ils se revoyaient depuis le baiser qu'ils avaient échangé. Des mois avaient passé. Maintenant que l'hiver avait pris fin, il s'était autorisé à revenir auprès d'elle. Le temps n'avait nullement diminué le magnétisme qu'elle dégageait et l'attraction qu'elle éveillait en lui. Sa présence le plongeait dans une profonde perplexité. Il s'écarta d'elle et lui tendit la lame par le manche.

- A toi.

La jeune femme saisit le poignard et l'étudia un instant. Puis elle releva ses prunelles grises vers son instructeur. Celui-ci se mit aussitôt en position d'attaque et fondit sur elle. Garance esquiva l'assaut, puis tenta de trouver une ouverture pour planter la lame. Mais Vanech ne lui laissait aucune opportunité, écartant toutes ses attaques. Elle comprit alors la nécessité de l'effet de surprise. Face à un assaillant, elle aurait beaucoup de mal à s'offrir plusieurs occasions de frapper.

Au bout de longues minutes de corps à corps où elle parvint à échapper à Vanech mais en aucun cas à l'atteindre, l'homme mit fin au combat. Il lui faucha l'une de ses jambes et elle se retrouva sur le sable en un instant, le souffle coupé, la masse de son adversaire l'immobilisant au sol, son visage à quelques centimètres du sien. Elle détailla ses traits durs. De fines ridules marquaient le contour de ses yeux. Elle était incapable de lui donner un âge. La longue balafre qui marquait son visage le vieillissait, tout comme sa barbe de quelques jours et la ligne fine de ses lèvres. Mais son regard noir, ses yeux frangés de longs cils bruns le rajeunissaient. La seule certitude qu'elle avait de lui, était son désir pour elle. Elle le lisait dans son regard au moins autant que s'il le lui avait hurlé à la face. Pour le reste, il restait une énigme.

L'assassin qu'elle avait vu éliminé son capitaine de sang froid lui avait sauvé la vie. En repensant à leur fuite de Cy, Garance avait la certitude qu'il aurait été beaucoup plus simple à Vanech de l'abandonner sur place à la mort de son ami. Mais il l'avait mis en sécurité. Désormais, avec leurs intérêts communs, elle voulait lui faire confiance. Mais, elle ne pouvait s'empêcher de garder une certaine réserve.

- Il te faut de l'entrainement, dit-il en s'écartant d'elle, chaque jour.

La jeune femme acquiesça tandis qu'elle saisissait la paume que Vanech lui tendait pour se relever. Ils prirent la direction du village.

- Je demanderais au chef de te trouver un adversaire pour que tu puisses t'entrainer chaque jour.

Ils rejoignirent le centre du village et puisèrent de quoi se désaltérer. Garance remarqua Oxance évoluer au milieu des autres enfants de la tribu. Il trébuchait sans arrêt, mais ne cessait de se relever, parfois du sable plein la bouche. Il avait désormais une épaisse chevelure brune, si foncée qu'elle faisait ressortir ses prunelles d'un bleu éclatant. Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme quand elle vit son fils se mêler à la joyeuse cohue en riant au éclat, laissant apparaître les quelques dents qui ornaient maladroitement sa bouche, ses yeux brillants de plaisir. Son petit garçon était heureux dans cette tribu. Garance aurait aimé rester, la mère et le fils avait trouver un équilibre et une sérénité dans la routine laborieuse du village nomade. Mais elle ne supportait pas de voir les joues de son fils se creuser au fil des longs mois d'hiver. Elle avait conscience d'avoir eu de la chance qu'Oxance ne succombe pas à l'une des maladies infantiles qui dévastaient les enfants des steppes. Depuis presque deux ans, elle avait eu le temps de se rendre compte que la sécurité de la tribu n'était qu'illusoire. Le village n'était pas véritablement protéger des hordes de pillards qui ravageaient les steppes.

- Tu sais que tu ne pourras pas emmener ton fils en Elenith, du moins pas tout de suite.

La voix de Vanech sortit Garance de ses pensées. Elle fit volte face et toisa l'homme.

- Je ne partirais pas sans lui.

- C'est trop dangereux Garance, et tu le sais très bien.

- Je ne le laisserais pas ici seul.

- Il ne sera pas seul, il est habitué à la tribu.

- Je ne partirais pas sans mon fils, répondit-elle d'un ton sans appel, la voix tremblante de fureur, avant de se retourner pour rejoindre sa tente.

Garance s'engouffra dans son refuge et retira brusquement le turban qui couvrait ses cheveux. Elle fulminait car il essayait de nouveau de lui enlever son fils. Elle renversa un peu d'eau dans une bassine et se nettoya le visage. Elle se redressa quand elle entendit Vanech entrer dans la tente.

- Nous n'avons aucune idée de ce que nous allons trouver sur la route d'Elenith, et nous ne savons pas combien de temps il nous faudra pour prendre ne contrôle d'Amarylis.

- Tu ne m'enlèveras pas mon fils, murmura Garance, la voix tremblante, sans se retourner.

Elle tressaillit quand elle sentit la paume de Vanech sur son épaule. Il la forca à lui faire face et se figea quand il vit ses prunelles de cendre brouillées par des larmes. La jeune femme baissa la tête.

- Je ne veux pas te l'enlever, je veux le protéger. Tu sais que j'ai raison, il n'aura pas sa place dans les combats et il ne sera pas en sécurité si tu le laisses sur le navire. Oxance doit rester ici.

Garance redressa la tête dévoilant un visage où se mêlait la douleur et la fureur.

- S'il lui arrive quoi que ce soit, je t'étriperais de mes propres mains. Murmura-t-elle.

- Je n'en doute pas, répondit-il avant de saisir d'une main la nuque de la jeune femme.

Garance tenta de s'écarter mais elle n'y parvint pas, emprisonnée par sa poigne de fer. Il la plaqua contre lui et lui vola un baiser. La baiser vira immédiatement au combat, il esquiva de justesse un coup dans ses parties intimes, puis saisit ses mains avant qu'elle ne lui arrache les yeux. Mais Garance eut alors le champ libre pour lui mordre violemment la lèvre inférieure.

La jeune femme le vit enfin battre en retraite. Mais, à sa stupéfaction, un sourire flottait sur les lèvres du pirate. Les deux adversaires se toisèrent un instant. Puis Vanech, fit volte-face et dit :

- La prochaine fois que tu me verras, ce sera pour te ramener chez toi, Princesse !

Puis il quitta la tente, laissant la jeune femme tremblante de rage et de désespoir. Elle savait qu'il y avait aussi au fond d'elle-même une pointe de désir qu'elle refusait de laisser remonter à la surface. Un désir qui la terrorisait au moins autant que les cauchemars qui hantaient chacune de ses nuits. Vanech l'avait prise par surprise, elle n'avait pas contrôlé le jeu, comme la dernière fois et elle en était terrifiée.

Elle reprit son souffle un long moment, debout au milieu de sa tente. Puis, elle en sortit, récupéra son fils au milieu des autres enfants. Il gigota un instant avant de blottir son visage crasseux contre l'épaule de sa mère. 

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant