Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères Maudits

Partie 25

Les sentinelles étaient en place, les canons chargés, les bannières flottantes au vent. Du haut des remparts de la digue refermant le port, entouré de ses hommes, Eliam observait la flotte de l'Empire manœuvrer dans la baie de Londemare. Désormais, les navires de Cy cernaient toute l'enceinte de la cité.

A midi, le premier coup de canon fut tiré. Aussitôt, les soldats de Saillans quittèrent la digue, courant s'abriter vers la ville. Les canons des remparts de première ligne n'avaient pas la portée nécessaire pour toucher les navires. La première canonnade dura des heures, Cy maintenait un feu nourri sur les remparts de Londemare pour pouvoir débarquer ses troupes sans encombre sur la plage de la Basse-Ville. La puissance et la fréquence de l'artillerie lourde impériale était telle, que les fondations de cité vibraient. Les sentinelles étaient cachées en bas des remparts, incapables d'effectuer leur surveillance. Le bruit était infernal, sa résonance contre la falaise amplifiait le fracas, assourdissant les assiégés.

De lourds nuages de poussière s'élevaient au-delà des remparts qui commençaient à sérieusement s'effriter. Des quais, d'où il se tenait, Eliam tentait d'évaluer les dégâts, en observant certaines pierres se détacher des murs d'enceinte. Il avait repositionné ses troupes sur les murailles qui surplombaient la Basse-Ville.

Eliam restait impassible, les mains accrochées à son ceinturon, la tête haute. Seul le feu de la vengeance brillait au fond de ses prunelles indigo, et il ne gardait à l'esprit que sa soif de sang. Il ne devait montrer aux assiégés que son inflexibilité, sa détermination et son obstination. Il n'était pas question de céder à la terreur.

La canonnade se poursuivit jusqu'à ce que le crépuscule enflamme la cité martyre. Il fallut de longues heures pour que la poussière retombe enfin. Eliam profita de l'accalmie pour envoyer des hommes renforcé les remparts de la digue, fortement éprouvé. Puis il se rendit sur les murailles surplombant la Basse-Ville. Parvenu à leur sommet, son regard se posa sur les centaines de torches qui éclairaient les cendres des quartiers abandonnés. L'armée de Cy semblait se déverser en continue sur la plage. Un partie des troupes mettait en place le campement, une autre était déjà occupé à creuser une tranchée et monter une palissade pour se mettre à l'abri des tirs ennemi. Eliam savait que de son promontoire, Saillans dominait le terrain. Mais l'armée de Cy s'était établie de façon à être hors de porter des tirs. A cet instant, le commandant des Chevaliers, Anian de Léandre s'approcha de son Roi.

- Majesté, nous avons renforcé au maximum l'armement de ce rempart. Il va s'en dire que ce sera certainement la ligne de front principale dans les jours à venir.

- C'est une certitude, répondit le jeune souverain, même s'ils maintiennent la ligne de front maritime, il leur est impossible de prendre Londemare par le port.

Le chevalier hocha simplement la tête pour exprimer son assentiment. L'homme était avare de mots, mais Eliam s'était habitué à son flegme. Son air imperturbable, son sang froid et son expérience étaient des qualités que le jeune homme s'était mis à apprécier lors des situations de crise.

Après la mort de Galahaad, et la décapitation d'une grande partie des corps des chevaliers de Saillans. Anian de Léandre avait pris une place importante auprès du jeune souverain. Les deux hommes qui à l'origine ne partageait rien d'autre qu'une certaine aversion avaient peu à peu appris à reconnaître leurs qualités respectives. Le commandant des Chevaliers avait su oublier les erreurs de jeunesse d'Eliam et se concentrer sur son charisme indéniable, son énergie à atteindre les objectifs ambitieux qu'il se fixait. Il avait désormais la certitude que la fougue et le tempérament guerrier d'Eliam de Saillans pouvaient bien être la clef de la victoire.

- De ce côté du front, deux stratégies s'offrent à nous, poursuivit le jeune Roi. Nous pouvons faire une sortie pour désorganiser l'ennemi ou bien attendre calmement qu'il vienne se briser sur nos murailles.