Partie 1

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Dragan, fils de Regan, héritier de la dynastie des Lancéart et Empereur de Cy parcourait la salle du conseil de ses prunelles obsidienne. Malgré la chaleur étouffante de l'été, l'immense pièce restait aussi fraîche qu'une cave. Des vitraux de trois mètres de haut laissaient pénétrer une lumière tamisée, les murs aussi larges que la longueur d'un bras d'homme, et le marbre des colonnes, du sol et des meubles achevait de conserver la température printanière de la salle. C'était sans compter sur l'agitation des quinze conseillers de l'Empereur qui gesticulaient et parlaient tous en ensemble, réchauffant significativement l'atmosphère.

Le regard impassible de l'Empereur se posa sur le visage de son ambassadeur. Celui-ci resterait marqué à vie par sa rencontre avec Eliam de Saillans, son nez brisé en attestait, comme une honte qui lui collerait à la peau pour le reste de son existence. L'homme dut sentir le regard de son empereur sur lui, car il se calma immédiatement et sans oser lever les yeux vers son chef, s'assit prudemment sur son siège recouvert de brocard noir.

Dragan était habitué à ce que son regard suffise à mettre mal à l'aise les gens qui l'entourait. Cependant il aurait aimé qu'une fois au moins, quelqu'un ait le courage de l'affronter. Les "quinze" de Cy, étaient parmi les hommes les plus puissants ou les plus sages de l'Empire et pourtant aucun d'eux n'avaient la témérité de lever les yeux vers Dragan, avant que celui-ci n'en donne l'autorisation. Pourtant, le jeune Empereur de trente ans les avait rassemblés pour une raison. Dragan laissa alors la conversation animée des quinze atteindre ses oreilles :

- Nous ne pouvons accepter un tel manque de respect ! s'écria le Régent de la province d'Oulénie.

- C'est une infamie, ces barbares ignares ont ridiculisé un ambassadeur de l'Empereur ! poursuivit le conseiller Abdanian.

- Comment avez-vous pu faire demi-tour, la queue entre les jambes, Ambassadeur Oudinevitch ? attaqua le Régent d'Estrosie, tandis que le représentant au nez cassé piquait un fard.

- Que vouliez-vous que je fasse, que je laisse ce fou m'étriper ? répondit-il d'une voix tremblante.

- Vous m'auriez été plus utile de cette manière.

La tonalité grave si particulière de la voix de Dragan fit immédiatement taire le reste de l'assemblée. L'empereur se leva très lentement de son siège, obligeant chacun des quinze à s'asseoir. Le monarque posa ses prunelles obsidiennes sur l'ambassadeur incriminé, qui désormais tremblait comme une feuille, le visage empâté, rouge et suant.

- Vous, mort, nous aurions eu une raison d'attaquer Saillans sans attendre.

- Votre Grâce, ce fou a tuer trois de vos Pallassines, n'est-ce pas suffisant ? demanda l'ambassadeur d'une voix chevrotante.

- Non, ce n'est pas suffisant, c'est juste humiliant, répondit l'Empereur en figeant son regard sur le chef de ses Pallassines. Comment trois de vos hommes ont pu être abattu avec la facilité que nous décrit Oudinevitch et ce par un seul homme ?

- Votre Grâce, c'est impossible.

- Taisez-vous, vous mériteriez le même sort qu'Oudinevitch, répondit Dragan d'une voix si impassible qu'elle n'en était que plus terrifiante.

Il toisa durant quelques secondes le chef de ses Pallassines pour bien lui faire comprendre son profond mécontentement. L'homme entièrement vêtu de noir, comme ses guerriers, dont seul le regard était visible, trouva l'instant particulièrement long.

- Débarrassez-moi d'Oudinevitch, dit-il sans un regard vers le condamné qui venait de fondre en larmes.

L'empereur resta silencieux le temps que le chef des Pallassines entraîne l'ambassadeur. Les supplications d'Oudinevitch résonnèrent contre les murs de marbres, puis dans les longs couloirs du Palais Impérial.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant