Partie 13

432 51 12
                                    

Le Roi et la Reine de Saillans prirent le chemin d'Abdakan dès le lendemain, accompagnés de dix de leurs chevaliers, de l'Ambassadeur Coumenian et son contingent de palassines. Ils firent route sous un ciel continuellement bas, la campagne environnante noyée dans un épais brouillard automnal. Garance était emmitouflée sous un monceau de fourrure. L'épaisse main de Galahaad ne quittait pas la sienne, obligeant leurs montures à rester côte à côte. Malgré l'évidente tendresse de son geste, Garance était consciente de l'inquiétude de son époux, entouré de ses chevaliers qui ne semblaient pas plus sereins.

La jeune femme trouva la route si longue que malgré son anxiété elle fut soulagée d'apercevoir les lueurs de la Capitale de Cy à la nuit tombée. Le brouillard s'était levé au crépuscule et devant eux, dans la vallée s'étendait une cité aux dimensions impressionnantes, dont Garance ne pouvait évaluer la superficie que par les millions de feu qui illuminaient l'obscurité. Il fallut encore plus d'une heure de chevauchée pour franchir les remparts d'Abdakan.

Contrairement à Azov, la Capitale grouillait d'animation, les esclaves pressés s'agitaient dans les rues éclairées comme en plein jour, les chaises à porteur traversaient devant le contingent de Saillans à toute allure. Au milieu de la masse des Djimes au corps tatoué, Garance aperçu quelques rares notables Cyiens, reconnaissables à leurs vêtements de soie chatoyants. Portés par leurs esclaves, aucun ne posaient les pieds dans les rues couvertes de boue humide. Personne ne fit cas de leur présence tandis qu'ils s'approchaient du palais de l'Empereur. Alors qu'elle s'abreuvait du paysage qui s'offrait à elle, curieuse de ce pays mystérieux et craint qu'elle avait tant étudié pendant son enfance, elle sentit une main saisir sa taille. Elle se retourna vivement vers Galahaad qui rapprochait leurs montures respectives :

- Reste près de moi, quoi qu'il arrive, ne t'éloignes pas, lui murmura-t-il.

La jeune femme acquiesça en croisant le regard inquiet de Galahaad.

Bientôt, le contingent de Saillans parvint face à d'immenses portes de fer noir gardées par une dizaine de pallassines. L'ambassadeur les précéda et l'entrée du palais de Dragan Lancéart s'ouvrit. Les pas de leurs montures raisonnaient sur les pavés tandis qu'ils franchissaient la cour cernée par un bâtiment en U de marbre gris et noir, éclairé par des centaines de torches et agrémenté d'autant de fenêtres de cinquante pieds de haut. Un silence de mort régnait dans la cour du palais, glaçant le sang de Garance.

On les guida jusqu'aux écuries où le contingent de Saillans descella. Avant que la jeune femme n'ait pu descendre de cheval, Galahaad saisit sa taille et la fit glisser sur le sol. Il réajusta le manteau de fourrure sur les épaules de la jeune femme tout déposant un léger baiser sur sa joue. Garance pouvait sans peine ressentir l'anxiété qui émanait de son époux.

Toujours guidé par l'Ambassadeur, ils traversèrent la cour jusqu'à ce qui semblait être l'entrée principale du palais. Ils gravirent quelques marches et quand Galahaad et Garance posèrent un pied sur le perron, la grande porte à double battant en bois d'ébène s'ouvrit sur une silhouette drapée de noir.

L'Empereur Dragan Lancéart s'avança vers eux et Garance ne put avoir aucun doute sur son identité. Une telle aura de puissance émanait de sa personne, qu'elle fascinait tout comme elle vous glaçait le sang. Ses traits étaient d'une beauté absolument parfaite, il n'avait pas ses insignifiants petits défauts qui rendent humains les plus séduisant des visages. Il était entièrement vêtu du noir, de sa tunique de soie à ses bottes de cuir. Mais pourtant aucun de ses vêtements n'étaient aussi sombres que ses prunelles obsidiennes, étranges... Garance avait souvent pensé que les yeux étaient le reflet de l'âme. La pureté et l'éclat des prunelles de Galahaad, le tourment de celles couleur océan d'Eliam. S'il était de même pour l'Empereur de Cy, alors son époux avait toutes les raisons de redouter cette rencontre.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant