Partie 12

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Ses paupières closes tressaillirent sous le rayon de lumière. Mais elle ne parvint pas à ouvrir les yeux tant l'éclat du soleil l'éblouissait. Aveugle, elle voulut se servir de ses paumes pour s'orienter, mais une douleur intense lui vrilla les tempes. Elle en eut le souffle coupé et faillit sombrer de nouveau dans l'inconscience.

Garance resta prostrée sur le sol pendant des heures. Incapable de bouger, désorientée, elle ne parvenait pas à se souvenir où elle se trouvait, son esprit avait occulté les derniers jours, les dernières semaines. N'ayant plus la force de réfléchir, elle finit par se rendormir à même le sol.

Un bruit sourd la hissa hors de son état comateux. Elle entendit le tintement d'une vaisselle, puis une porte qui se fermait. Elle parvint enfin à ouvrir les yeux et se servit de ses paumes pour se relever. Assise sur le sol, le crâne étranglé par la douleur, son regard fit le tour de la pièce.

Sol de marbre gris, murs de pierre de taille anthracite recouverts de lourdes tapisseries dans les tons violines. La pièce était immense, la cheminée devait pouvoir accueillir des arbres entiers. Trois fenêtres de deux mètres de haut par un de large emplissaient la pièce de lumière. Le mobilier en bois d'acajou était recouvert de brocart parme et argent. Il y avait un immense lit à baldaquin, une armoire, un petit salon, une coiffeuse, ainsi qu'une salle d'eau avec une grande baignoire de marbre noire.

Garance savait qu'elle n'avait jamais vu cette pièce. Elle parvint à se hisser sur ses deux jambes. Elle ne tint debout qu'en s'accrochant au rebord de la coiffeuse. Elle releva la tête et observa la silhouette dans le miroir face à elle. Elle mit un moment à réaliser que c'était son propre reflet. Son regard était hagard, un hématome violacé partait de sa joue jusqu'à sa tempe. Quelques épingles retenaient ses cheveux emmêlés. Ses yeux se posèrent sur sa robe émeraude profondément décolletée. Quand elle vit le tissu maculé de sang, un gémissement lui échappa et elle s'effondra sur le sol tandis que tous lui revenait en tête.

Galahaad et Garance avaient débarqué en Cy après quatre jours d'une traversée chaotique. N'ayant jamais mis les pieds sur un navire, la jeune femme se découvrit une aversion totale pour la houle et fut malade jour et nuit. Galahaad restait constamment à ses côtés, mais il était plus que taciturne. Son mari habituellement si enthousiaste ne souriait plus, malgré ses attentions envers elle, il lui semblait difficile de converser avec elle. Elle voulait mettre tous ceci sur le compte de son angoisse de faire face à Dragan Lancéart. Mais elle savait pertinemment que Galahaad avait changé depuis cette nuit où elle avait vu Eliam pour la dernière fois.

Leur échange tumultueux avait fait place à une longue nuit d'insomnie. Elle avait résisté durant des heures à l'envie irrépressible de retrouver son amant et de fuir avec lui. Elle avait été incapable d'en trouver le courage, pétrie de frustration et de culpabilité.

Au petit matin, Galahaad était réapparu le visage et le corps couverts d'hématomes. La mine sombre, Garance l'avait longuement dévisagée, tandis qu'il se dévêtait en silence, sans un regard pour elle, dans leur chambre baignée par les premières lueurs de l'aube. En s'approchant du lit, les prunelles azur du jeune homme s'étaient figées dans celles de Garance. Immédiatement, elle avait su qu'il n'ignorait rien de ce qui s'était passé la nuit précédente. Chacun de ses muscles se crispaient tandis qu'elle cessait de respirer, se préparant à la confrontation. Mais celle-ci n'eut jamais lieu. Galahaad se coucha en silence auprès de sa jeune épouse et ferma les yeux. Garance resta figée de longues minutes. Elle avait un tel désir de lui révéler enfin le secret qui lui empoisonnait l'existence, qui la rongeait jour et nuit, la dévorant de culpabilité et de frustration qu'elle se mordit la lèvre inférieure. Mais son regard posé sur le visage angélique de son mari marqué par la violence, elle en fut incapable. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à la douceur et à la bonté de l'homme que le destin avait choisi pour elle, elle ne pouvait pas décemment l'humilier en plus de l'avoir trahi. Alors de nouveau, elle se tut, le cœur brisé.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant