Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères Maudits

Partie 26

Tout son corps n'était que souffrance. Chaque fois que son esprit sombrait dans une reposante inconscience, le réveil n'était que plus douloureux. Ses entrailles se déchiraient, ses forces déclinaient, le souffle lui manquait à tel point que sa vision s'obscurcissait.

Au cœur de son calvaire, le visage de son bourreau apparaissait devant ses yeux. Etait-elle de nouveau entre les mains de Dragan Lancéart ? Perdue dans un cauchemar qui n'en finissait plus ?

Une main fraîche se posa sur son front brûlant et moite de sueur, retirant une à une les mèches de cheveux qui collaient à son visage. Une voix gutturale traversa le brouillard :

- Tiens bon.

Garance rouvrit les yeux, se hissant hors de ses chimères. Son regard se figea sur la toile de peau de la tente qu'elle habitait depuis plusieurs semaines. Vanech Gabor l'avait amené et laissé au sein de cette tribu.

Une nouvelle contraction la terrassa, lui arrachant un cri de douleur. Autour d'elle, les femmes de la tribu s'agitaient. Malgré l'épuisement et la douleur, elle sentait que quelque chose n'allait pas. Une des femmes posa sa main sur le ventre nu de la jeune femme. Garance lui saisit le bras pour attirer son attention, dans un souffle, elle murmura :

- Mon bébé ?

- C'est trop long, dit la femme à l'accent des steppes, il faut qu'il sorte.

Garance laissa échapper un gémissement de douleur tandis que sa tête retombait sur l'oreiller. La femme posa sa main sur le front de la princesse.

- Regardes-moi. Ton bébé doit sortir maintenant. A la prochaine contraction, tu vas pousser de toutes forces.

- Je n'ai plus de force, répondit la jeune femme dans un souffle.

- Tu vas trouver la force, sinon ton bébé mourra. Tu me comprends ?

Garance acquiesça de la tête. Une larme glissa sur sa joue. Il n'était pas question qu'elle abandonne, pas après tous ce qu'ils avaient traversé. Cet enfant lui avait permis de survivre à l'ignominie. Perdue dans une nébuleuse de souffrance, de sévices, de désespoir, il était sa lueur. Elle devait lui donner cette vie qu'il lui avait déjà rendue au centuple.

- Dès que la douleur de la contraction monte, tu pousses, nous ferons le reste.

Garance hocha de nouveau la tête, prenant de longues inspirations. Quand elle sentit la douleur prendre de l'ampleur au creux de ses entrailles, elle se mit à pousser de toutes ses forces. Ces membres tremblaient d'épuisements, ses mains ne parvenaient à la lâcher les paumes des sages-femmes, tant elles étaient crispées dans l'effort. Au-dessus d'elle, la femme appuya sur son ventre, tandis qu'une autre parvint enfin à attraper la tête de l'enfant pour l'extirper du ventre de sa mère.

Garance laissa échapper un dernier hurlement de douleur, puis s'effondra sur l'oreiller trempé de sueur, inconsciente.

- Ne m'oublie pas....

Garance s'entendit murmurer ses mots alors qu'elle ne parvenait même pas à soulever ses paupières. Les resurgences du songe qu'elle venait de faire lui revenait par vagues. Eliam était face à elle, vêtue d'une armure étincelante, le front ceint de la couronne des Rois de Saillans. Ses prunelles indigos la détaillait de la tête au pieds avec froideur. Puis il fit volte-face et sa silhouette ne devint qu'une ombre évanescente. A cet instant, les lêvres craquelées de la jeune femme prononcèrent ses mots, tandis que ses mains tremblantes et couvertes de sang tentaient de le retenir. C'est en voyant le sang qui maculait ses paumes que Garance s'éveilla.