Partie 33

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Une nuit noire recouvrait la ville, aucune étoile dans le ciel. L'atmosphère brûlante de la journée s'était électrifiée. Un grondement rugit des cieux et aussitôt les ténèbres furent brisés par l'éclat de la foudre. La furtive lueur révéla la masse des nuages d'orage. De grosses gouttes s'abattirent sur le sol. La chaleur de la journée avait été tellement insoutenable, que la pluie d'orage était encore tiède. Eliam était assis sur les remparts du château d'Estran. Bientôt, il fut trempé, sa chemise lui collait à la peau et l'eau ruisselait sur son visage. Il resta immobile, le regard figé sur la ville. Sa main parcourut son épaule à la recherche de son bras manquant. C'était un réflexe qu'il ne pouvait empêcher. Des mois avaient passé mais la douleur de son membre fantôme était quotidienne.

Il était encore sous le choc, un cavalier envoyé de la province de l'Yena était arrivé ce matin avec un étrange message. Une princesse guerrière à la tête d'une armée d'homme des steppes s'était emparée d'Amarylis. La tête du Régent d'Elenith : Cyrius, reposait sur une pique à l'entrée de la ville. Eliam n'avait pu en apprendre plus sur l'inconnue, mais depuis, un millier de question lui traversait l'esprit. Elle pouvait être n'importe qui. Cependant, il n'avait fallu qu'une étincelle pour ranimer le brasier d'un espoir fou.

Il tentait de se rafraichir les idées en laissant la pluie tiède de l'orage d'été glisser sur sa peau. Mais il lui était impossible de se résonner. Il savait pertinemment que cette espérance n'était que folie. Si Garance avait encore été en vie, il l'aurait su. Deux années avaient passé depuis la mort de Galahaad, si elle avait survécu, elle serait rentrée à Saillans, avant de retourner sur les terres hostiles d'Elenith. Si elle avait pu s'échapper des griffes de Dragan Lancéart, elle serait retournée auprès de lui pour trouver de l'aide. Tout était incohérent et pourtant il ne pouvait faire abstraction de cette certitude qui avait germé dans son cœur au point de prendre le pas sur sa raison : Garance était en vie. Il savait tout autant que s'il avait tort, cela achèverait le moribond qu'il était devenu.

Il descendit au pas de course les remparts du château d'Estran, avant de traverser la cour et de s'engouffrer dans la bâtisse. Il monta quatre à quatre l'escalier de pierre et enfonça la porte de sa chambre. Il avait la sensation qu'un fluide brûlant coulait dans ses veines. Tandis qu'il fourrait quelques affaires dans un baluchon, il entendit le bruissement du tissu de la robe de sa mère sur le sol de sa chambre.

- Tu n'y penses pas ? Demanda-t-elle d'une voix où pointait une fureur à peine contenue.

Eliam se retourna pour faire face à la Reine Mère.

- Epargnes-toi tout de suite l'énergie d'une dispute, je pars demain à l'aube pour Amarylis.

- Ce n'est pas ton rôle, envoie quelques uns de tes hommes.

- J'irais en personne, je veux savoir ce qu'il se trame en Elenith.

- Eliam, tu as des responsabilités envers ton peuple....

- Et je crois m'en acquitter tout aussi bien que mon frère. La coupa-t-il sèchement.

- Ses barbares ont décapité Cyrius et planté sa tête sur une pique à la vue de tous. Crois-tu que ça les gênera de faire de même avec le Roi de Saillans ?

Eliam lâcha son sac de toile sur le sol, et s'approcha de sa mère, avant de débiter d'une voix glaciale :

- Primo, je te prierais de ne pas me comparer à cet imbécile. Deuxio, j'aurais fait de même si j'avais eu le loisir d'attraper moi-même ce crétin tyrannique qui terrorisait et affamait son peuple. Tercio, j'irai en Elenith, et je ne t'ai demandé ni ton avis, et encore moins ton approbation.

- Je ne suis pas naïve, j'ai vu ton visage quand le cavalier t'a délivré son message. Tu étais incapable de dissimuler ce que tu pensais. On aurait dit que tu reprenais vie. Tu penses ou du moins tu espères que cette femme est Garance.

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant