Partie 4

498 59 7
                                    

Une aube incendiaire illuminait le ciel de Saillans quand Eliam entra dans Estran. La ville s'éveillait, mais l'atmosphère était morose, terne. Il parvint dans la cour du Château des Rois de Saillans, accompagné d'Anian de Léandre et sentit un énorme poids s'abattre sur ses épaules. Cela faisait deux jours et deux nuits, qu'il appréhendait cet instant pour un tel nombre de raison que tous s'embrouillaient dans son esprit.

Ils posèrent pied à terre au moment où le palefrenier sortait en trombe de l'écurie. Il récupéra les longes de leur monture en saluant les deux cavaliers.

- Bonjour Théo, dit Eliam, où est mon frère ?

- Il ne quitte pas la chambre de notre Roi, répondit le garçon, l'air sombre.

Eliam entra dans la bâtisse et gravit les trois étages en ne rencontrant pas âme qui vive. Devant la chambre de son père, il prit une profonde inspiration avant de frapper à la porte. Quelques secondes plus tard, elle s'ouvrit sur la silhouette d'Adrissa de Saillans.

- Seigneur ! Eliam ! s'écria la Reine en se jetant dans les bras de son fils .

- Mère, comment va-t-il ? murmura le jeune homme à son oreille.

- Mal, mon fils, répondit-elle dans un sanglot, mais tu arrives à temps.

Eliam se détacha de sa mère, la dévisageant un instant. En une année, sa longue chevelure avait entièrement grisonné, son visage semblait avoir pris dix ans, de lourdes cernes marquaient ses yeux. Elle s'effaça pour le laisser entrer.

- Heureux de te voir Liam, dit Galahaad en s'avançant vers son frère.

- Salut Gal, répondit le jeune homme en lui donnant l'accolade.

- Je suis content que tu sois arrivé à temps, Père te réclame depuis des jours.

L'intonation de Gal était chargée de chagrin. A sa chemise froissée, Eliam sut qu'il avait passé la nuit au chevet du Roi.

- Eliam, c'est toi ?

La voix de son père était si faible qu'elle n'était qu'un murmure. Eliam s'approcha du lit. Dans la lumière matinale, il vit le Roi gisant sous les couvertures dans son immense lit, le visage ravagé et amaigri, le regard humide et fiévreux. Il n'avait plus rien du guerrier charismatique, il avait face à lui un vieillard agonisant. Au chevet de son père mourant, le cœur du Prince se brisa. Il comprit à ce moment qu'il allait perdre son père.

- Je suis là Père, répondit le jeune homme d'une voix rauque.

- Viens prêt de moi, dit le Roi en tendant la main dans un effort insoutenable.

Eliam tomba à genoux en prenant la paume de son père dans les siennes. Les heurts, les humiliations, les erreurs qui avaient jalonnés leur relation conflictuelle n'existaient plus. Il n'y avait plus qu'un fils et son père qui se disaient adieu à jamais.

- Père, pardonnez-moi de ne pas avoir été le fils que vous souhaitiez, murmura le jeune homme dans un sanglot.

Le Roi étouffa un râle de douleur. Il tenta de reprendre son souffle durant un long moment.

- Eliam, c'est à toi de me pardonnez, je t'ai toujours demandé beaucoup car je savais que tu étais capable, mais tu as passé ta vie à m'entendre te fustiger, te sermonner alors que j'ai toujours été fier de toi, je t'aime mon fils avec tes qualités et chacun de tes défauts, si semblables aux miens.

- Père, chuchota simplement le jeune homme alors que mille regrets enflammaient son cœur.

Eliam sentit une main sur son épaule, il leva des yeux dévastés sur sa mère qui lui souriait à travers ses larmes. Combien de temps resta-t-il ainsi ? Il l'ignora, mais quand Galahaad vint le forcer à se relever le soleil était haut dans le ciel. Les deux frères quittèrent la pièce laissant la Reine avec son époux. Sur le pallier, les deux princes s'observèrent un instant en silence. Puis Galahaad prit la parole :

Les Royaumes d'Eredjan 2 - Les Frères MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant