« -Excuse-moi.
-Hm?
-T'aurais pas du feu? »
Le blond hoche la tête rapidement. Il fouille dans sa poche et en sort un briquet, vert pomme. Le bruit des vagues passe quelque part entre eux. Il tend la main, lui donne. Ses cheveux s'accordent avec le sable, c'est drôle. Il y a une dune, juste derrière. Et derrière cette dune, il y aurait une forêt, s'il n'y avait pas le village. Des murs blancs et des tuiles rouge-oranges, des gens pas très intéressants, un petit marché.
Il allume le briquet, approche la flamme de sa cigarette, coincée entre ses lèvres. Orange. C'est drôle. Il n'avait jamais remarqué comme la combinaison de ces deux couleurs était belle. Orange et blanc. C'est joli. Presque autant que le t-shirt jaune et blanc du blond qui le fixe. Un coup de vent éteint la flamme du briquet. Ça commence à le stresser, et le feu ne prend pas. Une, deux, trois fois, et le blond sourit.
Il protège la cigarette du vent avec sa main, et se tourne. Enfin, le bâton s'embrase. Il laisse un sourire se dessiner au coin de ses lèvres, puis l'efface juste après. Satisfait mais pas vraiment, il rend le briquet au garçon qui le regarde toujours. Il le remercie, et rejoint son vélo.
Le temps de fumer sa cigarette, il transporte son vélo juste à côté de lui. Il marche, et met des écouteurs dans ses oreilles. La musique est forte et entraînante, et finalement, c'est tout ce qu'il retient. Il jette son mégot dans une poubelle qui se dresse miraculeusement devant lui, et monte sur son vélo. Le vent contre sa peau, le ciel est une immense toile azure, percée de nuages blancs. Il fonce à travers le village, se retrouve sur sa route favorite, qui le contourne. Entouré d'arbres, sapins en tout genres, il parcourt les ombres. Le soleil sur son corps en alternance, il lève les bras. Son vélo se déséquilibre, il repose les mains sur le guidon. La route est noire, les arbres sont verts, son vélo est rouge, le ciel est bleu. Et lui, il a un t-shirt blanc comme les nuages. Il est la tâche qui perce la toile.
Hoseok ferme les yeux et accélère, ne sourit pas. Hoseok parcourt toutes ces routes qu'il connaît par coeur, et puis finalement se décide à rentrer chez lui. De retour au village, il ralentit. D'autres gens sur d'autres vélos, un peu cons, qui cherchent à tout prix à se doubler et arriver chez eux le plus rapidement possible. La musique dans ses oreilles, Hoseok les ignore tous.
Pour rentrer chez lui, il doit passer par le marché. Zone piétonne remplie de gens. Il ne fait pas vraiment attention aux autres, et sa musique toujours dans ses oreilles l'empêche de les entendre. C'est bien comme ça. Les tentes sont vertes et blanches, parfois bleues. Les vendeurs ne sourient pas vraiment, mais c'est pas exactement le même visage neutre que celui d'Hoseok. Hoseok ne sourit pas, eux, ils sont pas heureux d'être là. Il se dit que ce serait bien si son père savait faire la différence. Il passe devant un marchand d'épices, des sacs remplis de poudres rouge, orange, ocre, et jaune, s'étendent devant ses yeux.
Il passe enfin la barrière qui marque la fin du marché, et remonte sur son vélo. Il fonce à toute allure et quelques minutes après, il arrive à la maison. C'est dans une petite rue un peu excentrée, qui manque d'arbres. C'est une petite maison où ils sont tous un peu serrés. Il y a un étage et une espèce de cour qui sert de jardin. Un olivier est planté au centre de l'herbe. A l'étage, le parquet grince beaucoup, et Hoseok est bien heureux d'avoir la chambre au rez-de-chaussée, où les carreaux de pierre orangée sont irréguliers. C'est joli, parfois. Il rentre par le petit garage, pose son vélo dans le bordel sans trop réfléchir à la place que ça prend, sachant que ça embêtera sûrement ses parents. Dans la maison, son père regarde la télé, sa mère lui demande si son tour était bien mais n'écoute pas vraiment la réponse, occupée à faire autre chose. Il ne leur sourit pas, mais il ne fait pas la gueule.
Hoseok part au fond du couloir et claque la porte mais pas trop fort parce qu'il ne voudrait pas qu'ils se disent qu'il est en colère. Peut-être qu'il l'est, mais il n'y a pas trop de raison à ça, rien qui s'explique vraiment. Il se jette dans son lit. La musique continue dans ses oreilles, et il fixe le plafond. C'est vide dans sa tête, soudainement. Y a plus que les notes qui s'enchaînent, et le plafond blanc. Il ferme les yeux, et repense au garçon blond. Il était vraiment beau. Et son t-shirt jaune et blanc, Hoseok l'aimait beaucoup. Finalement, il s'assoit sur le bord de son lit, regarde la feuille peinte en violet qu'il a accrochée au mur, se dit qu'elle serait mieux avec la même feuille en jaune, juste à côté. Il se rejette en arrière, mais en imaginant que cette fois-ci il est filmé.
Il ferme les yeux encore une fois, expire lentement. Il ne sait plus vraiment si le blond est dans sa tête. Sa main glisse le long de son corps, et se glisse sous son pantalon. Son bassin se soulève légèrement, sa lèvre inférieure passe sous ses dents. Il fait un peu plus chaud, dehors. Des pas s'approchent, il retire rapidement sa main et attrape un livre à couverture rouge, l'ouvre à une page aléatoire. Les pas s'éloignent et personne n'entre dans sa chambre. Il souffle.
Quelque chose le dérange dans sa poche. C'est son paquet de cigarettes. Il le retire, ouvre le tiroir de sa table de nuit, et le glisse dedans. Il y met aussi son briquet bleu ciel, qu'il avait pris soin de mettre dans sa poche avant d'aller faire son tour. Alors que finalement, il avait pas vraiment envie de fumer.
Il était beau, le garçon blond.