Des étoiles. (poem)

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« -Hoseok, viens.

-Pas envie.

-On te laisse pas le choix. »

Il est affalé dans le canapé, à regarder des pixels faire illusion. A moitié habillé pour sortir, il jette un regard par-dessus son épaule. Son père est derrière lui, les clefs dans la main. Ce soir il y a une fête dans le village, une connerie pour amuser les gens un peu riches, et dans la petite place principale, il y a un bal. Ses parents se sont mis dans la tête que ça pouvait être sympa, mais Hoseok voit vraiment pas pourquoi. Il attend encore un peu, puis son père avance avec un pas un peu trop énervé, éteint la télé, lui jette un manteau dessus.

Il est vingt-deux heures, le soleil s'est caché dans un horizon sans tâche colorée, et Hoseok marche dans la rue, éloigné de sa famille. Il traîne des pieds, donne des coups aux cailloux sur la route. On entend déjà la musique alors qu'ils sont loin d'être arrivés, et ça lui donne encore moins envie. Devant, ils discutent de tout et de rien, surtout de rien, rien qui vaille la peine d'être entendu. Hoseok ne voulait pas venir. Hoseok ne voulait pas se retrouver ici.

Sur la place, il y a des gens qui dansent, des tables pleines, des bars qui vendent des pintes de bière dans des gros gobelets transparents et fragiles. Il les voit déjà écrasés, massacrés, piétinés, et abandonnés au sol. Il plaint les agents d'entretien qui nettoieront le bordel demain. La musique est pas si mauvaise, mais les enceintes n'ont pas un beau son. Il y a plus de basses qu'autre chose, et juste devant ses yeux, ses parents dansent ensemble. Ils s'embrassent, ça l'écoeure. Il n'aime pas trop voir ça. En fait, il n'aime pas du tout voir ça. Dans un autre coin de la place, il aperçoit son frère en train de draguer une fille bien pompette. Et ça aussi, ça l'écoeure. Hoseok aimerait s'enfuir. Il aimerait partir, loin, très, très loin.

Jungkook a posé un lapin à Jimin. C'est sacrément injuste, et il est persuadé qu'en plus c'est pour boire et danser, mais juste dans un endroit plus cool. Jimin est assis à une table en terrasse et il regarde la masse dont la moyenne d'âge se rapproche de celle des dinosaures. Il se demande pourquoi il est venu ici. C'est comme un océan difforme, avec des méduses au chapeau pas du tout rond. C'est comme des tâches laides qui s'unissent pour faire une seule tâche immonde, le peintre qui donne un énorme coup de pinceau affreux et énervé sur sa toile ratée. Ça donne pas envie de se lever pour danser. Ça donne pas envie de rester.

Ils se voient.

L'océan a l'air un peu moins difforme. Les méduses ressemblent plus à de jolis petits poissons, naïfs mais pardonnables. Et le peintre, il accepte de recommencer sa toile. Il n'y a pas de banc, mais c'est tout comme. Il n'y a pas d'église, mais c'est tout comme.

Jimin attrape la bière qu'il a payée (vraiment bien trop cher) et il se lève. Il transperce la foule. Hoseok le fixe, ne le quitte pas du regard. Et même quand des gens dansent devant lui et que physiquement, ils ne se voient plus, ils se regardent. Jimin a l'air de Moïse, comme ça. Ça ferait de Hoseok une sorte de dieu. Jimin dirait plutôt un buisson parlant, alors il retire ça de ses pensées.

La foule paraît encore plus dense, quand Jimin ne veut plus qu'en voir la fin. Mais alors qu'il perd espoir, il voit la lumière. Hoseok aussi s'est levé. Ils se retrouvent l'un en face de l'autre. Ça faisait longtemps, ils pensent.

« -Ça faisait longtemps, Jimin dit.

-Ouais. Je t'ai manqué?

-Un peu. »

Il ne faut pas beaucoup plus de temps pour que Hoseok aille demander à sa mère s'il peut s'éclipser avec un ami, et comme elle a déjà trop bu, elle accepte.

Dans les ruelles sombres du village, ils ne disent rien. Ils ne font qu'observer les étoiles, qui parlent à leur place. Hoseok hausse un peu des épaules, parfois. C'est nerveux, et il n'arrive pas à s'arrêter. Jimin est toujours un peu devant. Enfin, ils rencontrent un lampadaire. Hoseok observe Jimin, Jimin observe les poissons. La lumière se reflète sur ses joues, encore un peu trempées de sueur. C'est qu'il fait chaud, et que là-bas, c'était encore pire. Mais c'est pas grave, parce qu'il n'y a déjà plus de là-bas, il n'y a plus qu'ici. Le blond sort une cigarette, l'allume avec son briquet vert pomme, et en offre une à Hoseok.

Il hésite deux secondes. Rien que deux secondes, mais c'est assez pour que Jimin devine.

« Vas-y, sors-le, ton briquet. »

Hoseok s'exécute. Ils se lancent la fumée dans la face, et ça les amuse. Il ne leur en faut pas beaucoup, mais ils ne le remarquent pas. Leur coeur est un peu excité, mais c'est à l'unisson, alors ils ne le réalisent pas. Hoseok regarde le ciel, Jimin regarde son sweat. Il est bleu pastel.

« -Pourquoi t'as disparu pendant si longtemps.

-Une semaine, c'est si long pour toi?

-Réponds. T'es pas cool.

-Plus le droit de sortir, à cause de toi. »

Jimin sourit, Hoseok sait que ce n'est que pour se moquer, et ça ne l'amuse pas des masses. Mais il fait avec. Et au-dessus d'eux, les étoiles. Ils aimeraient qu'elles s'effondrent, elles aussi. Ce serait doux. Jimin a l'air de réfléchir. Il met son mégot dans le fond de bière qui traîne dans ses mains, le tend à Hoseok, qui fait de même. Là, le silence n'est pas pesant. Il n'ennuie pas Jimin et ne gêne pas Hoseok. Ils ne font rien, mais ils le font bien.

« Et si je venais chez toi, demain? »

Les Palmiers bleus - HopeminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant