trois. (in dreams)

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Dans une chambre à peu près grande à peu près petite, aux murs vert-foncé, un garçon, un de plus, est allongé dans son lit, à fixer le plafond. C'est quelque chose qu'ils font beaucoup, les garçons (et les filles) de cet âge. Parce que quelque part, ça les libère d'un peu tout. Aussi parfois parce qu'ils n'ont pas la motivation de faire autre chose. Encore un peu moins souvent, mais bien plus sincèrement, parce qu'ils n'ont pas le courage de faire autre chose. C'est un peu le cas de Yoongi.

Yoongi a toujours eu peur d'être en échec scolaire. Il n'est pas mauvais, à l'école, il ne l'a jamais vraiment été, mais cette idée l'effraie. Parce qu'il sait que maintenant tout se passe bien uniquement parce que les cours ne sont pas si compliqués et que tout est fait pour qu'on puisse s'en sortir, avec un minimum de jugeote. C'est ce qu'il pense, sans oublier les gens qui ne rentrent pas dans le système et à qui ce n'est pas la faute. Mais là où il a peur de tout foirer, c'est après. A la fac. Parce que Yoongi n'a jamais le courage de se lever de son lit et de faire quelque chose. Yoongi n'a jamais le courage de se mettre à travailler ou simplement d'occuper ses pensées. Alors il a peur, de tout foirer, après.

Yoongi réfléchit.
Beaucoup.

Et rien que pour ça, il serait injuste de le juger, lui qui reste des heures dans son lit. Parce que ce n'est pas simple, de trop réfléchir. Ce n'est pas simple, de ne pas réussir à se lever. Ce serait vraiment injuste, mais c'est ce que la majorité des adultes font, à la majorité des adolescents. Sans comprendre, sans même daigner essayer. Et encore une fois, comme beaucoup d'adolescents, Yoongi se demande pourquoi les adultes ont oublié ce que c'est la vie quand les choses changent trop vite tout autour de soi. Yoongi se demande s'il va oublier. Yoongi espère que non.

Yoongi est allongé dans son lit, le réveil a sonné il y a une heure, et il fixe le plafond, depuis. Le soleil commence seulement à se lever, c'est joli. Yoongi trouve ça compliqué, les journées qui démarrent. Pour des raisons obscures, il n'a jamais la moindre force, le matin. Sans des minutes (qui semblent être des heures entières) de combat avec la masse noire qu'il y a dans son coeur, il ne peut pas tout recommencer. Sans une chanson un peu triste dans les oreilles, il ne peut pas se lever. Yoongi est comme ça.

Il est comme il est, et il aimerait bien qu'on l'apprécie pour ça.

Yoongi se met à penser à avant, et puis il fait tout pour chasser ces pensées de sa tête, parce que ça ne l'intéresse pas. Alors il y a ce nouveau garçon, dans ce nouveau lycée, qui apparaît, et c'est déjà plus joli et plus léger. C'est déjà plus motivant. Il se lève.

Yoongi a un gilet fermé, sans t-shirt en-dessous. Le gilet est beaucoup trop grand, il cache son caleçon, et même le haut de ses cuisses. Il ne mange rien. Il se lave. Met des vêtements qui ne lui plaisent qu'à moitié. Applique un peu de vernis, sur son petit doigt, parce qu'il n'y en a presque plus.

Yoongi a peur que sa démotivation grise dévore toute sa vie.

Il regarde beaucoup le sol, en marchant. Il s'arrête devant un arrêt, il parait que c'est fait pour ça. Le bus arrive, il monte dedans, s'assoit au fond, colle sa tignasse sur la vitre un peu rafraîchie par le cycle des saisons. Yoongi a oublié ses écouteurs, dans l'ancienne ville. Ou plutôt il les y a perdus, juste avant de partir, parce qu'il n'aurait jamais pu les oublier. Alors il est forcé d'écouter le moteur du bus, et beaucoup de silence. C'est un peu morose, et la route est très grise. Yoongi se sent comme un violon, avec des cordes toutes détendues, et un archet cassé. Au fond, il veut croire qu'il pourrait y avoir quelque chose de beau, mais personne n'est là pour le faire sonner. Et ce n'est pas ce bus qui va s'en occuper, ni la personne qui s'assoit juste à côté de lui.

Yoongi ignore qui il est, qui il veut être ; mais il a arrêté de chercher, parce que de toute façon il change tous les jours.

Au lycée, en maths, il se met à côté d'Hoseok. Ils ne discutent pas vraiment, mais ils savent tous les deux que désormais, ils n'auront plus jamais maths sans être l'un à côté de l'autre. Yoongi se sent compris par Hoseok, même s'ils ne se connaissent pas réellement. Il y a juste cette chose entre eux, qu'il ne saurait décrire. Un élément commun, une cicatrice liée, qui sait.

Hoseok ne demande pas (même implicitement) à Yoongi de sourire, et ça, ça lui fait beaucoup de bien.

Le midi, Yoongi n'a pas faim. Mais il sait qu'il ne faut pas s'arrêter à cette simple envie, parce que s'il n'écoutait qu'elle, il serait cloué au fond d'un lit d'hôpital, nu sous un habit désagréable. Jusque là, cette image le dégoute assez pour qu'il mange un minimum. Il espère que ça restera le cas, parce qu'il sait que ce n'est jamais si simple que ça.

Yoongi a l'air de savoir beaucoup de choses sans jamais rien vivre, quand il s'écoute penser.

Avec Hoseok, ils s'assoient sur un banc en attendant que les cours reprennent. Le banc est prêt de l'herbe, et du goudron aussi. Il trace la limite entre la partie jolie de la cour et la partie urbaine. Eux, ils sont juste entre les deux. Vu de haut ça ferait une belle image, ce gris s'opposant à ce vert, avec deux enfants pommés entre-deux ; Yoongi en est persuadé. Hoseok se lève et part s'assoir en tailleurs dans l'herbe, pour regarder un peu mieux le soleil (il fait un peu froid mais il fait beau).

« -T'étais où avant? Hoseok demande, après avoir attendu quelques secondes.

-Plus au sud.

-C'était bien?

-Mmh. Je sais pas.

-C'était mieux?

-Pour l'instant, oui. Yoongi répond.

-Je vais changer ça. »

Les deux garçons rient légèrement.

« -Si tu le dis. »

Yoongi aime bien le temps qu'il passe avec Hoseok. C'est rassurant, c'est chaud, dans tout ce cycle inarrêtable. Maintenant, ils sont acolytes de physique. Et de philo. Et de beaucoup d'autres matières. En fait, ils sont un peu acolytes de lycée, de vie. Ils ne disent jamais grand chose mais ça leur plait, et ça crée un contraste agréable avec tout ce que les autres leur réclament. Yoongi est légèrement moins démotivé, le matin. Hoseok sourit légèrement plus, à table.

Ensemble, ils se sentent un peu mieux.

Les Palmiers bleus - HopeminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant