« -T'es revenu.
-Tu m'as pas vraiment laissé le choix.
-C'est vrai. »
Jimin rit presque. Sur le banc, à regarder la mer, ils sont deux. D'autres gens les entourent, d'autres gens sont sur le sable, d'autres gens sont dans l'eau. Ça fait un peu comme une intrusion. Des tâches beiges dans l'eau très bleue, autant que le palmier d'Hoseok. C'est comme Jimin qui était une tâche rouge dans l'horizon crépusculaire, sauf que là, les autres gens, ils sont ni beaux ni à leur place. Mais finalement, ils les ignorent, et c'est comme si sur le banc, à regarder la mer, ils n'étaient que deux.
Hoseok est revenu, à la même heure. Parce que chez lui, il s'ennuyait beaucoup. Parce qu'il était curieux, de savoir ce qui pourrait se passer et se dire. Parce que c'est la première fois qu'il rencontre quelqu'un comme ça. Jimin aussi il est revenu, à la même heure. Mais ça, Hoseok ne sait pas trop pourquoi. Il s'imagine que Jimin va bientôt remonter sur son vélo, et lui demander de le suivre. Mais les minutes passent, Hoseok écoute les mouettes et Jimin les vagues, et rien ne se passe.
Ça sent terriblement la mer. C'est peut-être parce qu'ils sont devant la plage.
Le ciel est vivace. Et ce matin, Hoseok s'est un peu préparé. Parce que, même s'il a fait comme s'il en était pas trop sûr, il savait qu'il retournerait voir Jimin. Il a un short bleu, et des chaussures montantes. Il aime bien ça parce que ça lui donne l'impression qu'elles sont plus grandes, ses jambes. Et surtout, il a un joli t-shirt. Jimin le regarde longuement, l'air presque déçu de ne pas voir de petit palmier.
Hoseok fait la moue. Il regarde très à gauche, alors que Jimin est à droite. Il aimerait bien qu'il y ait de la musique. Il aimerait bien que tout soit pas aussi silencieux, et il se demande pourquoi ils se sont retrouvés si c'est pour faire si peu. Sûrement que Jimin l'a entendu penser, parce qu'il se lève enfin.
« -On s'emmerde presque.
-Un peu. »
Après ça, Jimin devrait partir. C'est sans aucun doute ce qu'il va faire. Hoseok le regarde, sans vraiment sourire. Il se triture une mèche de cheveux qui dépasse un peu de son cou. Hoseok a décidé de ne pas aller chez le coiffeur de l'été, parce qu'il est curieux de voir ce que ça peut donner, et parce que son père aime bien les cheveux quand ils sont courts, surtout ceux des garçons. Hoseok triture sa mèche, Jimin récupère son vélo. Il va sûrement partir, mais il peut pas faire ça. Il peut pas oser.
Et pourtant. Sans dire un mot, sans même trop le regarder, si ce n'est par-dessus son épaule avec un terrible sourire malicieux, Jimin s'en va. Il est de nouveau une tâche colorée dans l'horizon. Mais cette fois ci, elle rapetisse, un peu plus à chaque seconde. Bientôt, il n'y a plus qu'Hoseok dans le paysage. Hoseok et les tâches beiges.
Il souffle du nez. Il hallucine.
Hoseok reprend son vélo, et part. Dans le paysage, il n'y a plus qu'un banc face à la mer. Un simple banc et des tâches, comme un tableau d'impressionnisme raté. C'est pas très beau, c'est vraiment vide. Ici, il ne s'est rien passé. Et pourtant, Hoseok a le coeur lourd.
Il rentre chez lui après avoir vagabondé dans les rues et retrouvé sa musique. Il est énervé. Il se sent un peu blessé dans son égo minuscule, il se demande comment on peut oser faire ça. Mais c'est lui donner de l'attention, et ce n'est pas vraiment ce qu'il veut, parce que c'est sans aucun doute ce que le blond désirait.
Hoseok refuse d'assouvir ses désirs.
Dans le salon, son père regarde la télé. L'écran affiche de la pelouse verte, des gens beiges et marrons, recouverts de maillots bleus et rouges. Leurs chaussettes sont ridiculement grandes, et leurs chaussures franchement laides. C'est très coloré, et ça amuse Hoseok de se dire que c'est rien d'autre que du rouge, du vert, et du bleu. Peut-être qu'au final, eux-aussi, ils sont que du rouge, du vert, et du bleu. Peut-être que les couleurs sont qu'une stupide illusion. Il avance jusqu'à la jolie table gâchée par la nappe moche, attrape une pêche, et s'enfuit dans sa chambre. Là il regarde la feuille violette, et la feuille jaune. Elles sont pas alignées, ça l'embête, alors il les replace. Il regarde le ciel par la fenêtre. Et peut-être que le ciel aussi, c'est une fausse couleur.
Jimin était une fausse couleur. Il n'en doute pas. Et ça l'embête, de repenser à lui.
Il sort une autre feuille, un autre pot. Il peint une feuille en vert. Et ça l'embête encore plus, parce que le t-shirt de Jimin, il était vert.
Après ça, il l'accroche avec les deux autres, et se jette dans son lit. Il fixe le plafond, et ça y est, ce cycle l'ennuie. Pourtant, il est encore ici pour un bon moment. Il attrape son livre rouge et le lit. Dehors, le ciel s'éteint.
Et le banc, il est toujours seul, mais toujours un peu plein. Jimin aussi, il a repensé à Hoseok ce soir. Parce que ce banc, il est loin d'être vide. Le paysage était joli, même s'il était silencieux. Et c'est quand ils l'ont quitté qu'il a perdu tout son sens.
Comme une toile composée de pixels éteints.