Le lycée est beau. Vraiment, et c'est étrange, un si bel endroit pour un but pas si beau que ça. Les gens, en général, ils ne s'y sentent pas très bien. Ils réfléchissent trop, ou pas assez, ou un peu des deux ; mais quoi qu'il arrive, ça les mène à se disputer, à pleurer, à s'embrasser, à faire certaines choses qu'ils vont regretter, ou à regretter de ne pas avoir fait certaines choses. Les gens là-bas, ils sont un peu compressés et ne se sentent pas à l'aise. On leur demande de trop savoir tout ce qui ne les intéresse pas vraiment, ou de simplement savoir ce qu'ils ne peuvent pas savoir. Des questions au futur, pas assez au présent, et beaucoup d'incertitude. Tant de choses qui s'entassent dans un lieu trop beau pour ce qu'il est. Il y a une grande cour, avec de l'herbe, et des arbres. Aujourd'hui, ils sont tout jaune. Ils ont perdu tout l'éclat vert, pour offrir une ardeur ocre. Les élèves, soit ils trouvent ça beau, soit ils s'en foutent, soit ça les déprime, soit ça les subjugue. C'est rare, que ça les subjugue. Mais cette année, ou en tout cas aujourd'hui, Jimin croit que c'est sa couleur préférée. La couleur des feuilles d'automne. Alors ça le subjugue, toute cette cour trop belle. Les bâtiments aussi sont jolis. En verre et en briques, parfois. Des murs blancs, le plus souvent. C'est vraiment beau. Trop beau. Jimin avance dans cet endroit sans trop savoir ce qu'il fait là, mais ça par contre, c'est universel. C'est tout le monde, c'est n'importe qui qui est passé par là, qui a marché là où il marche. Il a un pull un peu large, jaune. Un jean. Des baskets jaunes, aussi, qu'il s'est acheté il n'y a pas si longtemps. Après l'été.
La scène est belle à regarder. Un beau tableau, sans trop de tâches, sans trop d'erreurs. Comme un peintre trop inspiré, qui fonce dans son oeuvre, ne relève jamais le regard, ni la tête, ni ses pensées. Un peintre qui avait une idée précise, et qui, plongée dans son inspiration orange, s'est évaporée. Alors certes, son tableau est joli, mais il ne correspond pas vraiment à ce qu'il représente. Ça arrive, des fois.
Comme quand on parle, mais que ça ne sonne absolument pas comme ce qu'on avait dans la tête.
Jimin marche, son sac à dos dans la main. Les hanses trainent par terre. Le sol n'est pas humide, mais ça ne saurait tarder. D'ici quelques jours, il pleuvra, Jimin en est persuadé. A coté de lui, quelqu'un passe, avec une jupe rouge. C'est joli. Encore à côté de lui, quelqu'un passe, avec un t-shirt rose. C'est joli, mais il doit avoir froid. Parce que ce n'est plus l'été et que le frais s'est emparé de l'air.
Quelqu'un marche sur son sac. Jimin n'a pas envie de s'excuser, et ça tombe bien, parce que c'était un seconde. Il n'a pas non plus envie de lui prendre la tête, ça serait complètement stupide, et en fait ça ne lui traverse même pas l'esprit. Il continue son chemin jusqu'au bâtiment où il va avoir cours.
Il est un peu en retard, mais ça ne le fait pas se dépêcher. Sur son pull, il y a un trou. Parce qu'il le porte souvent, beaucoup, depuis deux ans. Au début, il flottait dedans. Maintenant, il est juste un peu large. Il a grandi avec lui, il a vécu les changements de son corps. Peut-être que ce sont toutes les questions qui se sont collées à sa peau, qui ont troué ce pull. Peut-être que c'est juste la marque du temps. Peut-être que c'est la même chose.
La sonnerie retentit au loin, mais Jimin ne l'entend même pas, parce que ses écouteurs sonnent trop fort. Ça lui fait un peu mal aux tympans, mais bon. Le ciel est bleu et éternel. Silencieux. Sans nuage. Silencieux. C'est bien d'être silencieux. C'est bien de ne pas penser à la mort. C'est bien le monochrome qui se colore.
Jimin a peint une feuille, ce matin, avant de venir. En jaune-feuille, un jaune pas très uni. Il l'a accrochée sur son mur.
Quand il monte les escaliers, il croit voir un olivier. Ça n'a aucun sens, il s'en rend compte, et il se demande pourquoi. Une autre question sans réponse, qui s'attache à son cœur, comme un baiser volé parmi la lavande. Violet. Demain, il portera du violet.