xis. (100 years)

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Le jour, au lycée, dans une classe.

Parfois, réfléchir est envahissant. Parfois, ça ronge de l'intérieur, sans jamais lâcher. Il y a ces pensées, là, partout, à gauche puis à droite, dans le ciel et dans les nuages, dans le cœur. Parfois réfléchir est difficile, et Jimin trouve ça drôle, à quel point ce qui est censé différencier l'Humain des Animaux est ce qui lui pèse probablement le plus. Peut-être qu'il préfèrerait être un chien.

C'est à peu près ce qu'il se dit, ce qui se reflète dans ses yeux, dans son regard vide. Il est le seul à ne pas bouger, à ne pas faire attention. Dans la cour, sur le terrain, il y a un chien qui chasse un chat, et tout le monde regarde par la fenêtre. Tout le monde, sauf Jimin. Jimin qui n'a pas assez dormi, Jimin qui n'en a rien à faire, Jimin qui a l'impression d'être un poteau enfoncé dans un océan mouvant d'harpies en quête de divertissement.

C'est drôle. C'est juste un chat et un chien.
Parfois, il en faut peu.

Le professeur les rappelle à l'ordre. Tout le monde se calme à peu près, et les deux animaux sont partis de la cour. Personne ne saura jamais vraiment si le chat a survécu, ou s'il va se retourner et tuer le chien. Maintenant, leur destin est dans les mains de l'imagination de tous ces élèves. Sauf celle de Jimin.

Jimin, il reste là. Et rien ne le percute. Même pas Jungkook qui lui demande si tout va bien.

« -Je vais partir. Je me sens pas bien.

-Ok. »

Son ami ne pose pas vraiment de question, et ça l'arrange.

Jimin lève la main, dit à son professeur qu'il est malade, qu'il va vomir, et s'enfuit de cet endroit, sans regarder derrière lui, ni faire attention au visage inquiet de Jungkook. Il étouffait, et peut-être bien qu'il allait vraiment finir par vomir.

Il court dans les couloirs vides, parce que ça le libère, et il le sent. Il court dans les escaliers, espère que ses poumons vont tenir le coup, et accélère encore le rythme. Un instant, c'est comme si le lycée devenait beaucoup trop lourd, comme un poids oppressant qu'il ne pouvait plus supporter. Et en fait, ce n'est pas tout comme, c'est le cas. Jimin en a assez de faire tout ce qu'on lui demande et tout ce qu'on attend de lui. Jimin ne veut plus être comme ça.

Jimin voudrait changer. Sans se rendre compte que c'est déjà ce qu'il fait, continuellement.

Sans ralentir, il passe à travers la porte d'entrée, et ça fait du bien, tout l'air frais qui s'offre à lui. Il suffoquait presque, et là, il vit presque. Il traverse le terrain de foot, parce que personne n'y fait du sport. Et au plein milieu, il se jette par terre, pour se sentir en vie. Il regarde le ciel, encore. Il regarde son portable, encore. Il ferme les yeux.

Juste là, un chien chassait un chien, et ça fascinait tout le monde. Maintenant, c'est Jimin qui chasse le ciel, et tout le monde s'en fout.

Un sac à dos tombe à quelques centimètres de sa tête. Il rouvre les yeux, relève la tête, voit Violette, qui a un visage moqueur.

« -Bah alors. (elle sourit.)

-Chut. (il lui tend son majeur.) »

Violette tend la main, Jimin l'attrape par l'avant-bras. Ils s'observent, elle le relève, et derrière sa tête, le soleil, qui éblouit Jimin. Violette a l'air d'avoir tout compris. Violette a toujours l'air d'être au bon endroit au bon moment. Violette a toujours l'air sûre d'elle, et d'un coup, Jimin se demande comment il a pu croire qu'elle allait remplacer Hoseok.

« -On s'en va ?

-T'as pas cours ?

-Non. Toi ?

-Je suis malade. (le mot en italique, il le fait sentir avec sa voix.)

-Parfait. (elle sourit, plus encore.) »

Bientôt, ils sont à deux sur leur vélo, à rouler l'un à côté de l'autre. Violette a une drôle de jupe, et un sac à dos transparent. Elle ne regarde jamais derrière elle. Jimin porte son pull troué, qu'il aime plus que tout au monde. Ensemble, ils ont sûrement l'air de deux gamins étranges qui n'ont rien à faire ensemble, surtout en pleine journée de semaine et sur cette route, mais ça ne les intéresse pas de réfléchir à ça.

Jimin passe devant, la mène, en pédalant à toute vitesse.

Finalement, ils arrivent sur ce sentier qui sépare la route et la forêt. Ils traversent toutes les branches du ciel, passent sous les nuages orangés de feuilles, qui eux-mêmes recouvrent des nuages gris de vie. Violette lève les bras, ça amuse Jimin.

Ils posent leurs vélos, montent un petit chemin, se retrouvent là où on voit la mer. En haut d'une dune. Entourée des arbres. Avec l'air, qui est doux. Et les couleurs, partout, si on regarde bien.

« C'est mon refuge. Mon endroit à moi, dit-il. »

Jimin s'assoit sur le sable, et regarde le ciel, comme il le fait souvent. Violette le regarde lui.

« -Pourquoi t'as l'air si triste ?

-Parce qu'on m'a abandonné.

-C'est toujours comme ça. »

Elle finit par s'assoir à côté. Jimin réfléchit. Face à cet horizon infini, cette mer qui s'étend jusqu'au ciel, et plus loin encore, Jimin se sent grand, si grand.

« -Je me sens si grand.

-C'est vrai ? »

Il la regarde étrangement, pour lui faire comprendre qu'il n'aurait pas de raison de mentir. Et qu'il n'y a rien à comprendre, en fait.

« -Parce que moi, je me sens si petite.

-La grandeur te rapetisse ? fait-il en montrant l'horizon.

-La grandeur m'effraie.

-Oh...
La peur m'encourage, je crois.

-Elle me fige. »

Jimin ne répond pas. Il y a juste un sourire, qui se dessine sur son visage aux yeux fermés. Un silence s'installe, puis il lui parle du livre rouge.

« Tu la trouves fausse, sa vie, au personnage ?

-Tu crois que c'est ce qui compte le plus ?

-Je sais pas... »

Il hausse les épaules, pour faire écho à sa réponse, dont les mots s'envolent si loin, vers des endroits inconnus. Une phrase comme un regard, des mots comme des gestes, et tout s'évapore, tout est déjà si loin, sans oublier de laisser une emprunte dans le ciel. Former des nuages. La boucle se boucle, Jimin fronce des sourcils, Violette le sort de ses pensées si rapidement envahissantes.

« J'ai une amie qui fait une soirée demain. Ça te dirait de venir ?

-Pour quoi faire ?

-Te changer les idées. T'as l'air d'en avoir besoin.

-... Pourquoi pas. »

Ils se taisent. Et ensemble, ils regardent les nuages.

Alors, il se disent qu'ils peuvent chasser le ciel. Ils se convainquent que c'est réellement possible, qu'il y a forcément cet endroit où il a une faille, d'où on peut le faire tomber, ce maudit ciel tout-puissant. Ils pédalent à la recherche de cet endroit, après avoir observé la mer.

Ils partent chasser le ciel, et ça leur fait un bien fou.

Les Palmiers bleus - HopeminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant