Il y a le bruit du briquet, ce petit claquement, ce léger cliquetis. Il y a le bruit de la cire qui s'embrase légèrement, et qui produit un frottement dans l'air. Il y a la mèche, noire, prête à s'obscurcir plus encore, se recouvrir d'une nouvelle couche de suie. Il y a la flamme, qui passe du briquet à la bougie. L'ardeur qui déménage. La lueur qui change de corps. Et Jimin qui observe le tout, assis sur son lit, croquant dans une pomme.
Une odeur de coton se dégage presque instantanément. Il regarde la bougie illuminer faiblement les alentours, et illuminer les mains de Violette, assise au bureau. Elle est posée dans un récipient en verre, rouge, sur lequel il y a une étiquette, blanche. Une citation est écrite dessus, quelque chose que Violette lit à voix haute, en faisant attention de ne pas se brûler quand elle pose ses doigts dessus.
« Je ne veux désormais collectionner que les moments de bonheur. »
Puis, elle rit.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demande le bond, en fronçant les sourcils aimablement.
-Rien. C'est juste que... Enfin. C'est un peu... plein d'illusions. Trop plein d'illusions. »
Elle se frotte l'avant-bras gauche, avec la main droite.
« Tu es bien défaitiste, lui répond-il. »
Il la regarde. Droit. Dans les yeux.
« Je sais pas. Tu penses pas que c'est important, aussi, de se souvenir des mauvais moments ?
-Tu crois ?
-Bien sûr. Enfin, je sais pas. De toute façon on est bien obligés d'en vivre. »
Intimidée, c'est elle qui finit par prendre le dessus. C'est elle qui le regarde droit dans les yeux, c'est lui qui reçoit les mots. Il croque dans sa pomme, encore, jusqu'à ce qu'il n'ait plus qu'un trognon entre les doigts. Il se relève, passe à côté d'elle, et le jette. Violette sent son odeur. Violette sent ses mouvements. Violette le voit réfléchir.
Peut-être même qu'elle rougit.
Jimin relit la phrase, sur la bougie.
« C'est peut-être juste un espoir infini. Une bouteille lancée à la mer, dit-il, en confondant un sourire à son visage inexpressif, et à ses épaules qui se relèvent.
-Peut-être.
-On devrait tous avoir le droit de le faire.
-Sûrement. »
Après un court silence, comme il y en a beaucoup dans les chambres d'adolescents qui ont besoin de réfléchir et de se comprendre, ou qui ont besoin de s'écouter et de s'appréhender, Violette soulève les tas de cahiers qui s'étalent sur le bureau. Les cahiers puis les pots de crayons, comme si elle partait à la recherche d'un trésor perdu. Une réponse, peut-être. À une question inconnue. Elle s'arrête finalement sur la poignée d'un tiroir. Jimin se relève un peu brusquement, mais c'est trop tard, elle l'ouvre, curieuse.
C'est le tiroir multicolore de monochromes. C'est le tiroir d'un été passé.
Elle en sort une feuille, peinte d'une unique couleur, parmi d'autres. Un souffle d'ailleurs, et pourtant de si proche, s'empare des battements du cœur du garçon blond, qui ne sait plus quoi faire. Elle la retourne, regarde la couleur qui y est répandue irrégulièrement. Puis elle le regarde, inclinant légèrement la tête.
« C'est quoi, ça ?
-Rien.
-C'est joli.
-Tu trouves ?
-Oui. »
Jimin se gratte le cou. Ses lèvres se pincent entre elles. Son genou gauche se fléchit légèrement. Il cligne des yeux, deux fois, en une seconde. Puis il se gratte le dos, avant de bien se rasseoir. Finalement, il lui explique.
« C'est quand, quand une couleur veut s'exprimer. Quelque part. C'est bizarre. Je pourrais pas bien expliquer. Mais elle est là, je la sens, presque couler jusque dans mes doigts. Alors j'essaie de la sortir. »
Elle hausse des sourcils. Plus impressionnée et attendrie que moqueuse, Jimin ne le voit pas. Violette le trouve drôlement beau, comme ça, après ce qu'il vient de dire. Elle regarde la feuille une dernière fois.
« C'est définitivement, vraiment joli, lâche-t-elle. »
Jimin force un sourire. Elle repose les feuilles à leur place, et referme le tiroir. Un souffle libère le cœur du garçon blond. Mais ne l'allège pas pour autant. Il tourne les yeux, à gauche, à droite, à gauche, droit devant. Il se gratte la jambe gauche. Redresse ses épaules. Se mord la lèvre inférieure. Hausse les épaules, encore.
Violette se relève. Elle s'approche du lit, sur lequel est perché le blond. Hésitante, elle s'assied en face de lui, en tailleurs. Elle a un peu chaud, aux joues. Là, le ciel se couvre. La sœur de Jimin commence à pleurer. On entend sa mère chanter, pas si loin. Une espèce de berceuse, un quelque chose qui est censé apaiser les pleurs mais qui ne fait que provoquer un raz-de-marée de hurlements. Jimin fait une sacrée grimace, Violette rit, l'emportant finalement avec elle.
Puis tout redevient rapidement silencieux. Jimin ouvre la fenêtre, sans se préoccuper du froid que l'extérieur contient. Il ouvre la fenêtre, puis s'allonge de tout son long, poussant légèrement Violette avec ses jambes, qui le frappe doucement dans une prétendue rancune.
Bercés dans le coton, ils écoutent le ciel.
« Dis, tu le mettrais dans ta bouteille à la mer, ce moment ? »
Violette demande, Jimin reçoit. Un sourire se fait entendre.
« Je crois bien.
-Oui... Moi aussi. »
Quelques minutes plus tard, Jimin s'assoupit. Violette, à ses côtés, l'observe tendrement. Le garçon blond dort des nuages plein les oreilles, et plein les yeux.
Et tout partout, dans son rêve, le ciel et un nuage ; un nuage comme un monochrome.