cinq. (all alone)

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Ce matin, quand il se regarde dans le miroir, Hoseok sait que ce ne sera pas une bonne journée. Il ne se trouve pas joli, il n'arrive pas à se sentir bien. Et puis, il y a cet épis, qu'il n'arrive pas à cacher. Une mèche rebelle, qui ne veut pas se ranger. Il la déteste d'abord, puis se dit que ce n'est peut-être pas sa faute si elle ne se sent pas à sa place et si elle veut divaguer. Alors il rejette la faute sur l'univers. Il quitte la salle de bain, mange un peu, et retourne dans sa chambre. Il s'avance un peu rapidement vers son bureau pour préparer ses affaires, et se cogne le pied contre sa chaise. Ça fait mal, vraiment mal. Et encore une fois, c'est la faute de l'univers.

A cause de l'univers, Hoseok ne passera pas une bonne journée.

Il sort de chez lui avec un sac presque vide, l'orteil qui souffre toujours un peu. Il dit à peine au revoir à sa famille. Il est persuadé que sa journée ne se passera pas bien. C'est comme ça, parfois, rien ne se passe bien.

Le ciel est couvert. Complètement couvert. De ces nuages. Et ce serait joli, s'ils étaient verts, mais ils sont tout gris. Même pas nuancés, juste tout gris. Ça fait presque un monochrome. Mais un monochrome qu'il n'aurait pas envie de peindre.

Sa journée va mal. Mais il écoute une chanson pas trop triste, pour compenser.

Au lycée, il retrouve Yoongi assez rapidement. Ils se regardent promptement, et ça a l'air de durer une éternité. Sans trop savoir pourquoi, soudainement, le monde se coupe, quand ils se voient. Ça fait du bien.

« -Salut.

-Salut.

-Ça va? demande Hoseok. »

Yoongi le regarde avec beaucoup d'ironie dans le regard, hausse rapidement les sourcils, a presque l'air de vouloir rire.

« -Ouais. Moi non plus c'est pas la forme. »

Ils assistent aux cours sans écouter, ils mangent (surtout Hoseok) sans trop de passion, ils ignorent tous les autres gens qui peuplent l'endroit un peu, beaucoup, trop triste. Le jour est gris. Et Hoseok l'avait senti, que ce ne serait pas une très bonne journée.

Foutu univers.

Comme ils ne discutent pas dans la cantine, par pure fainéantise de porter la voix au-dessus du vacarme ambiant, ils sortent vite du bâtiment. Alors ils ont du temps, avant que les cours reprennent. Sans trop avoir besoin de se parler, ils se dirigent vers le banc qui fait la frontière entre le gris et le vert.

Peut-être que l'horizon est comme un banc, et que derrière, les nuages sont verts.

Qui sait.

Ce banc est dorénavant leur banc. Ils l'occupent un peu tous les jours, à regarder le vide, à regarder les gens passer sans faire attention à leur visage ou à leurs vêtements, simplement à ce qu'ils renvoient. Pas beaucoup de positif, évidemment, mais ça fait comme tout plein de tâches qui bougent autour d'eux. Et c'est pas si désagréable, de se sentir net dans une vague de tâches. C'est pas si mal. C'est mieux que rien du tout.

Hoseok entend le ventre de Yoongi, qui gargouille. Il repense à ce qu'il a mangé, et se dit que ce n'était franchement pas assez. Il prend son sac, l'ouvre, et en sort une pomme qu'il avait gardée pour cet après-midi. Il la lui tend. L'autre le regarde étrangement.

« -Mange. »

Ça sonne un peu comme un ordre, alors Yoongi, qui ne veut pas froisser Hoseok, accepte. Il la prend, et croque dedans timidement. Il le regarde ensuite avec des pupilles pleines d'ironie et à la recherche d'approbation, comme pour dire « t'es content? ». Hoseok hoche la tête, satisfait. Les tâches devant eux s'excitent, parce qu'apparemment il y a deux personnes qui se battent, un peu plus loin dans la cour. Eux, ça ne les intéresse que très peu, ça ne les affleure même pas.

Hoseok regarde le ciel gris. Plein de nuages. Lourd.

Yoongi remarque l'épis d'Hoseok, au centre de ses cheveux plutôt longs. Il se dit que c'est franchement mignon.

« -Dis moi tout. lâche subitement le garçon donneur de pomme.

-Hein? répond l'autre, pas très gracieusement.

-Pourquoi t'es parti de ton ancien chez toi.

-Ah.
Mes parents ont divorcé. J'ai suivi mon père.

-Oh. Désolé.

-Nan, c'est rien. dit Yoongi, l'air vraiment las. De toute façon ma mère était jamais là, alors ça change pas grand chose. »

Un léger silence s'installe.

« -C'est surtout ma soeur qui me manque, il continue.

-Elle est où?

-Restée là-bas. Elle voulait pas partir de son école. »

Suite à ça, il rit un peu, comme si c'était complètement futile. Sûrement que Yoongi ne comprend pas comment on peut autant s'attacher à un endroit. Puis il plonge ses yeux dans ceux d'Hoseok. Ils ont l'air un peu vides, ses yeux, mais ils ne le sont surtout pas.

« -Et toi alors. Tes parents, tu les aimes bien? »

Hoseok a un léger mouvement de tête, brise le regard. Il se met à réfléchir, se dit qu'il les aime sûrement, que ce serait normal. Il entrouvre la bouche, mais Yoongi ne le laisse pas répondre.

« T'inquiète. C'est la famille quoi.

-Ouais. La famille. répond Hoseok, comme si le sens de ce mot lui échappait. »

Yoongi sourit, un peu. Il n'arrête pas de fixer les cheveux d'Hoseok, qui le remarque. Puis ils regardent le ciel, encore un peu. Yoongi lance le trognon de pomme en direction d'une poubelle pas très loin du banc, mais celui-ci s'échoue lamentablement contre le sol. Il souffle, avant de se lever pour le ramasser.

Quand Yoongi revient vers le banc, Hoseok reçoit une goutte sur le front. Une, puis deux. Et puis trois, quatre, des centaines. Il pleut. Beaucoup.

« -Merde. »

Hoseok le savait, que ce serait une mauvaise journée. Mais au moins, ça lui donne une bonne excuse pour mettre sa capuche, et cacher ce foutu épis. Yoongi est déçu de ne plus le voir.

« -On rentre?

-Hmm. J'aime bien la pluie. rétorque le garçon mangeur de pomme.

-Ok. »

Ils restent sous la pluie, et finalement, Hoseok ne trouve pas ça plus mal. Parce que c'est vrai que ça fait du bien, de recevoir des gouttes partout sur le corps. C'est vrai que ça sent bon, l'herbe humide et le goudron mouillé. Et puis Yoongi, il a l'air heureux.

C'est aussi parce que Yoongi trouve qu'il est bien, sur ce banc avec Hoseok.

Quand il rentre chez lui, Hoseok se rend compte que la journée n'était pas si mauvaise que ça. Il se dit aussi qu'il aurait bien aimé la manger, sa pomme, alors il en attrape une dans sa cuisine. Et puis, quand sa mère lui fait un sourire, il lui répond avec un sourire encore plus grand.

Il oublie presque que la dernière fois qu'il a plu, il était dans une voiture, l'emmenant trop loin, trop tôt.

Les Palmiers bleus - HopeminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant