De l'argent. (paper planes)

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« -Tu m'as lâché. T'étais où.

-Ouais. Désolé. Mon père s'est fait arrêter.

-Oh. »

Jimin regarde en bas, à gauche. Ils sont à la porte de Jungkook, il l'a invité, en partie pour s'excuser de l'avoir abandonné il y a quelques jours. Jimin regarde ses mains, au bout des doigts il reste de la peinture. Il a évité de trop passer du savon dessus, en se lavant. Il se perd déjà un peu, puis Jungkook continue de parler.

« -Détournement de fonds. »

Il a pas l'air très triste, Jungkook. Dans son regard sombre, il y a surtout beaucoup de haine. De la frustration et de l'incompréhension.

« Comme si on était pas déjà assez riches. »

Ses joues se creusent, Jimin ne sait vraiment pas quoi dire. Il laisse échapper un espèce de désolé un peu lâche, et Jungkook, il le fixe. Il ne dit rien de plus. Le pauvre riche lui fait signe d'entrer dans la maison. Ils parcourent le salon aux milles baleines, le couloir trois-cents fois trop grand, passent devant la gigantesque baie vitrée qui donne sur une piscine inutile, et arrivent dans la chambre trop imposante. Jungkook se laisse tomber sur son matelas.

« Ça me dégoute. Regarde tout ça. »

Jimin aurait presque envie de rire. Parce que Jungkook a seulement l'air de réaliser toutes les baleines qui pourraient rentrer dans sa chambre. Comme si ce n'était pas évident, comme si ça ne crevait pas les yeux. Il en parle à Jimin comme si lui, il n'aurait pas pu se rendre compte seul que c'était trop, exagéré, écoeurant. Jungkook est un enfant qui se réveille d'un comas doré. Il se relève, fait un tour de sa chambre. Jimin jurerait qu'il est prêt à pleurer, comme ça. Il ne dit rien, il ne fait rien d'autre que marcher, observer, souffler, penser.

Toutes les futilités brillantes qui l'entourent lui pèsent sur les épaules, et finalement il ne sait même pas trop s'il est bien placé pour s'énerver, lui qui n'a jamais rien fait contre tout ça. Jungkook se sent aussi stupide que trop privilégié, il se dégoûte autant qu'il hait son père. Et le poids de l'or s'effondre sur ses épaules.

Jimin l'observe faire des tours de cette chambre. Le riche s'approche de son dressing, l'air décidé, et en balance des vêtements. Il n'a plus vraiment l'air d'être lui-même. Jimin ne saurait même pas dire s'il est énervé ou s'il est bien trop perturbé. Il ne reconnait plus vraiment le regard de son ami, qui s'empare d'un t-shirt avec deux lettres pas jolies sur le torse, LV.

« De toute façon, on va sûrement nous les retirer. »

Et de toutes ses forces, il tire dessus. C'est d'abord un léger bruit qui surprend Jimin, parce qu'il est vraiment en train de le faire, un léger craquement dans l'atmosphère, une première secousse un peu douce. Puis ça devient comme une explosion, quelque chose qu'on ne peut pas vraiment nier, l'éruption. Le t-shirt, il ressemble plus à un vétéran qu'à un privilégié, comme ça. Tout déchiré, entre les mains d'un adolescent un peu trop perdu dans un monde qu'on lui a imposé. Jungkook reste coincé sur ce pauvre bout de tissus, qui ne vaut finalement pas plus qu'un torchon. Il le tient entre ses mains, et ses lèvres bougent légèrement. Il relève la tête soudainement vers Jimin, ses yeux ne contiennent plus que de la satisfaction. Et beaucoup, beaucoup, trop, d'excitation.

Il y a un sourire un peu malsain, qui ne quitte plus son visage. Il attrape un autre t-shirt, parmi les dizaines qui débordent de son dressing, et le déchire, lui aussi. Jimin est assis sur le lit, contemple le massacre, sans oser faire quoi que ce soit. Sa bouche s'entre-ouvre, et Jungkook, il déchire.

Six t-shirts agonisent au sol.

Jimin se lève enfin, arrache un t-shirt effrayé des mains de Jungkook.

« Eh. Oh. Ça suffit. Tu ferais mieux de les donner. Ça sert à rien ça. »

Jungkook est comme un enfant auquel on a retiré son jouet. Il le regarde l'air un peu trop triste pour que ce ne soit pas inquiétant. Puis il abandonne, demande à Jimin de le suivre. Ils sortent de la maison, et Jungkook s'arrête devant la porte luxueuse, dans la cour où des voitures de sport à la carrosserie luisante sont garées sur un gravier qui a l'air riche, lui aussi. Jimin a peur. Jungkook prend une pierre. Jimin lui demande ce qu'il fout. Jungkook la lance dans la vitre d'une des voitures, et après, ils s'enfuient sur leur vélo, en appuyant sur les pédales à s'en crever les poumons. Quand l'anti-vol ne résonne plus dans leurs oreilles, que le quartier est loin derrière eux, ils ralentissent.

« -T'es malade??

-Ça fait du bien. »

Le ciel s'amuse, Jimin ne sait pas s'il doit rire ou s'inquiéter, et Jungkook, il jubile.

Les Palmiers bleus - HopeminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant