Chapitre 12

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Hugo

La nuit a été courte, je ne m'attendais pas à ce que ma génitrice vienne me rendre visite. Elle est gonflée après toutes les horreurs que j'ai subies par sa faute. Évidemment, il fallait que cela arrive lorsque Mina était là. C'est déjà suffisamment compliqué pour moi de gérer des sentiments qui me sont à ce jour encore indescriptible ; si l'autre vieille peau en rajoute une couche, bonjour l'angoisse.
Nous avons passé la soirée à nous cajoler, entre massages et discussions en tout genre. Je dois dire qu'elle s'est surpassée pour me faire rire. Quand elle est auprès de moi, mon monde habituellement si sombre, retrouve peu à peu ses couleurs. Je devrais la préserver de moi, du passé qui menace de m'éclater à la gueule. Mais je suis trop égoïste pour parvenir à prendre une telle décision.
Comme bien souvent, j'ai ressenti le besoin de jouer de la guitare une bonne partie de la nuit.
Il est 07H30 au moment où je monte les escaliers, je la pensais encore endormie. C'est alors que sa voix résonne sur le palier. Je comprends qu'elle est au téléphone et m'arrête pour écouter sa conversation.
– Oui, tu peux passer dans une heure, je serai là... D'accord, je vais préparer ça... Nathan, s'il te plaît...
L'idée que ce soit lui au bout du fil me rend dingue. J'entre dans la chambre et lui arrache le portable des mains, raccroche et le jette sur le lit. Mina me regarde stupéfaite, les yeux écarquillés.
– Je peux savoir ce que tu fais au téléphone avec lui ? pesté-je.
Elle se lève d'un bon et me fait face.
– Ça ne va pas bien la tête ! Je te rappelle qu'il a des affaires à venir chercher. Et puis, pour qui te prends-tu pour te permettre d'agir comme ça ? s'énerve-t-elle.
– Il est hors de question qu'il vienne chez toi.
– Je te demande pardon ? Depuis quand j'attends que tu me soumettes ton autorisation ?
– Sur ce coup c'est différent, on parle de ton ex ! craché-je.
– Hugo, tu n'as pas à me dire qui voir, quand, ou comment ! De plus il n'y a aucune ambiguïté, il récupère ce qui lui appartient et il s'en va, se justifie-t-elle.
– Rien à battre, ne gaspille pas ta salive ! lancé-je en guise d'avertissement.
– Tu as la mentalité d'un gamin de douze ans, rends-moi mon téléphone !
Elle s'en empare, je ne réagis pas, loin de me douter de son intention. Pendant ce temps je saisis ses clés.
Il est hors de question qu'elle se retrouve seule avec lui.
Peut-être que ma réaction est excessive, toujours est-il qu'ils ont vécu une histoire. Je ne supporte pas l'idée qu'il puisse tenter quoi que ce soit ! Il l'aime encore, je le sais.
– Allô... désolée ça a coupé.
J'arrive près d'elle à ce moment-là, mon sang ne fait qu'un tour.
Non, mais sérieux, elle se fout de moi ou quoi ?
– Raccroche ! grondé-je.
Elle me lance un regard noir, pour m'avertir de ne plus recommencer. Comme si cela suffisait à me calmer.
– Tout de suite, ou je m'en charge, ajouté-je.
Elle ne tient pas compte de ce que je baragouine, donne rendez-vous à l'autre blaireau et met fin à la communication.
– Qu'est-ce que tu me fais là ?
– Je te retourne la question ! répliqué-je.
– Je vais mettre les choses aux clairs ! J'ai eu une vie avant de te rencontrer, fulmine-t-elle.
– Tu l'avais encore lors de notre rencontre, si mes souvenirs sont bons, la provoqué-je.
– Va te faire voir ! beugle-t-elle, en quittant la pièce.
– Torne... reviens ici ! insisté-je, exaspéré.
– Je n'en ai pas pour longtemps.
– Tu crois vraiment que tu vas y aller ?
– Bien sûr !
– Même pas en rêve, m'offusqué-je.
Elle avance telle une furie, prend son sac et reviens vers moi en marmonnant à quel point je suis agaçant.
– Où sont les clés ?
– Pourquoi, tu en as besoin ?
– Arrête s'il te plaît, tu as quel âge bon sang ?
– Au cas où tu aurais oublié un détail, on est revenu avec ma voiture. Ce qui signifie que tu n'as pas d'autre moyen que d'y aller en ma compagnie.
– Tu as des cours à donner et en toute honnêteté, je ne tiens pas à ce que tu sois là. Je me passerai bien d'une nouvelle bagarre ! assène-t-elle.
– Je peux savoir comment tu comptes t'y rendre... fanfaronné-je.
– En taxi ! Je prendrai ma voiture pour revenir, c'est simple !
– Hors de question !
– Tu préfères que Nathan vienne me chercher ?
Après avoir fini sa phrase, elle porte son téléphone à son oreille. Je n'ai pas le temps de regarder le numéro qu'elle a composé, cependant, ce qu'elle vient de dire me fait perdre les pétales. Je lui arrache à nouveau son cellulaire dans un élan de rage et l'éclate contre le mur.
– Tu es complètement fou ! hurle-t-elle.
– On va faire simple d'accord ? Tu y vas et je t'accompagne.
– Je suis déçue de voir à quel point tu manques de confiance en moi, souffle-t-elle, fatiguée de se battre inutilement.
– J'ai confiance en toi... mais il a compté pour toi, tu as passé plusieurs années avec lui. Tu peux ne pas me croire, mais je sais qu'il éprouve toujours des sentiments pour toi, et ça vois-tu, je ne le supporte pas. L'idée qu'il tente quelque chose me fait péter les plombs.
Un rictus prend forme sur ses lèvres, son attitude me laisse entendre qu'elle lâche prise. Elle soupire bruyamment en se rapprochant de moi.
– Si tu viens, tu ne feras pas d'histoire ?
– Tout dépend de son comportement avec toi, avoué-je.
Sans plus attendre, je me dirige dans mon bureau pour récupérer ses clés, mais aussi pour éviter qu'elle me sermonne davantage. Lorsque je les lui rends, nous ne perdons pas de temps et filons à son appartement. Nous patientons une vingtaine de minutes avant que son ex n'arrive. Mes poils se hérissent quand l'interphone nous annonce sa présence. Je me répète en silence de rester calme, pour elle, alors qu'il monte les escaliers.
– Sérieusement... tu ne pouvais pas venir sans lui ? décrète-t-il en m'apercevant.
– Peu importe. Tu peux simplement faire ce que tu as à faire ? soupire Mina.
– Et garder tes réflexions pour toi ! beuglé-je en guise d'avertissement.
Mina se retourne sur moi, me lançant un regard froid, de sorte à me réprimander.
– C'est dingue, tu refais déjà ta vie. Tu n'as vraiment pas perdu de temps ! lance Nathan.
Je savais que ma présence le dérangerait. Mais par-dessus tout, j'étais persuadé qu'il aurait tenté quelque chose si je n'étais pas là. Ce gars est encore mordu, et ce, malgré la situation et les coups bas qu'elle lui a fait. Je le vois dans son regard, dans la manière qu'il a de la détailler.
– Elle n'est pas là pour te rendre des comptes, enchaîné-je.
– S'il te plaît, insiste Mina en me regardant.
L'autre imbécile me dévisage. Je ne comprends pas comment elle a pu tenir trois ans avec lui ! Certes, il a l'air d'être un brave toutou, ce qui explique peut-être le sentiment de sécurité qu'elle pouvait éprouver. Une source sûre, pas de surprise, pas d'imprévu. Sauf qu'elle a trop de caractère pour une telle lopette, ça n'aurait pas pu marcher, il est tellement mou.
– Je peux monter à l'étage ? Il doit me rester quelques trucs...
– Oui, vas-y.
Il passe d'une pièce à l'autre, prenant son temps, puis revient dans le living. Il me nargue lorsqu'il retombe sur d'anciennes photos, s'amuse à parler des souvenirs qu'elles évoquent. Mina me supplie du regard de me tenir tranquille. Je fais au mieux. Mais là, je suis à deux doigts de le jeter dehors.
– Qu'est-ce qu'on va pouvoir en faire... c'est de beaux souvenirs, soupire-t-il.
– Bon, ça suffit. Maintenant tu prends tes affaires et tu dégages ! grincé-je.
– Hugo... grommèle Mina, sans réaliser que j'ai largement dépassé ma jauge de patience.
– J'ai été plus qu'indulgent ! Mais ce trou du cul déballe des souvenirs devant moi, me nargue avec vos photos, agit comme si je n'étais que de passage. Ça, tu vois, ça me reste en travers la gorge.
– Il va s'en aller, m'assure-t-elle.
– Dépêche-toi d'en finir ! m'écrié-je. Je te laisse dix minutes.
– C'est à moi que tu donnes des ordres ? tranche Nathan.
– Oui, c'est à toi ! Ton cinoche commence à me gonfler.
– Stop, intervient Mina. Nathan, tu as tout ? J'aimerais pouvoir en finir, ça devient pénible cette situation.
– Peut-être que si tu n'avais pas pris ton chien de garde avec toi, ça se serait déroulé plus sereinement.
– Au risque de te déplaire, j'ai eu quelques doutes sur tes intentions, proclamé-je.
– Fais gaffe à ce que tu dis, c'est de ta faute si elle et moi en sommes là aujourd'hui.
– Nathan, s'il te plaît. Je n'ai pas envie d'essuyer une nouvelle bagarre.
– Je crois que je n'ai rien oublié, j'y vais. Fais attention à toi...
– Toi aussi, prends soin de toi.
– Si tu as le moindre souci, appelle-moi, dit-il en me lançant un regard provocateur.
Quelle enflure ! Et elle ne remarque rien. Elle est mal à l'aise, certaine qu'il lui dit cela par bonté d'âme. Qu'est-ce qu'elle peut être naïve...
– Arrête ton cinéma maintenant et va-t'en ! De toute façon elle n'avait déjà plus besoin de toi quand tu étais encore avec elle alors... gloussé-je.
Il dépose sa main sur son épaule et je m'avance brusquement. Mina, mal à l'aise, s'écarte et l'invite à sortir. Au moment de s'en aller, il m'adresse un sourire hostile.
– Ça ne s'est pas trop mal passé, murmure Mina.
– Ouais... on y va ?
– Je monte chercher quelques vêtements.
L'interphone retentit à nouveau, et comme elle est toujours à l'étage, je réponds.
– Oui ?
– Dis à Mina que je lui ai laissé sa bague de fiançailles, elle avait l'air d'y tenir. Qu'elle la garde en souvenir de nos bons moments. C'est cadeau !
Je la rejoins, dans tous mes états. Elle ne m'a jamais parlé de cela. Quand est-ce arrivé ? Lors de notre rencontre elle ne portait aucun anneau.
– Ça va ? demande-t-elle, en me voyant apparaître.
– Non, pas vraiment !
J'ouvre la table de nuit et en sors la foutue bague. Elle s'avance vers moi, paniquée. Elle sait que je vais péter les plombs. J'ai déjà suffisamment encaissé pour aujourd'hui avec ce guignol, je n'ai plus de la moindre tolérance à ce jour.
– Je veux la vérité s'il te plaît... quand te l'a-t-il offerte ?
– Il ne me m'en a pas vraiment fait cadeau...
– C'est à dire ?
– Il avait l'intention de faire sa demande à Rome, au lieu de cela, il me l'a jetée au visage.
– Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? hasardé-je.
– Parce que je n'en voyais pas l'intérêt.
– Est-ce que vous avez couché ensemble à Rome ? exigé-je de savoir, en espérant de toutes mes forces qu'il ne s'est rien passé.
– Non.
– Je te l'avais dit que ce gars n'était pas bien intentionné. Arrête d'être naïve !
– Il n'est pas comme ça, il a dû te dire qu'il l'avait oublié et...
– Tu sous-entends que j'exagère ? coupé-je.
Je n'y crois pas, elle doute de ce que je lui dis. Je sais que je suis parfois parano et qu'il m'arrive de me faire des scénarios. Mais là, je n'invente rien ! Je n'essaie même pas d'exagérer. En colère et vexé par son attitude je descends les marches à grandes enjambées et quitte son domicile. Elle me poursuit dans les escaliers, je ne prends pas attention de ce qu'elle couine. Elle m'attrape par la veste et se mets à parler plus fort pour m'obliger à l'écouter.
– Ne t'en va pas, il ne s'est rien passé, implore-t-elle. S'il te plaît Hugo, je te jure que je n'ai rien fais.
– Ce n'est pas ce que je te reproche. Ce qui me met en rogne, c'est que tu le crois lui ! Rentre chez toi, j'en ai assez supporté pour aujourd'hui, craché-je.
Sans donner la moindre attention à ses supplications, je rejoins ma voiture et démarre en trombe.

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