Chapitre 20

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Mina

– Je suis là, ne t'inquiète pas. Je suis sûr que tout va s'arranger arrête de pleurer maintenant, et rendors-toi.
J'ai appelé Ronan après le départ d'Hugo, j'avais besoin de lui auprès de moi. L'idée de passer la nuit seule me faisait peur. Il n'a pas hésité une seule seconde. Je lui ai tout raconté dans les moindres détails. Il n'a émis aucun commentaire, il m'a simplement laissé parler, comprenant le besoin imminent que j'avais de vider mon sac. Puis il a dormi auprès de moi en me serrant dans ses bras. J'ai fini par trouver le sommeil aux alentours de 02H00 du matin.

***

J'ouvre les yeux tant bien que mal, les tentures obscurcissent la pièce. Je tâte le matelas à la recherche de mon téléphone et m'empresse de regarder l'heure.
Oh merde, déjà 11H30.
Je suis censée être au boulot depuis une heure et demie. Je me précipite hors du lit. En arrivant en bas, Ronan est installé à table, un livre à la main.
– Bonjour petite marmotte, siffle-t-il.
– Bonjour... grommelé-je.
– Quelle humeur joviale, c'est si plaisant ! lance-t-il en faisant danser ses doigts sur la crédence.
– Je suis très en retard, justifié-je.
– En théorie seulement.
– Qu'est-ce que tu veux dire ?
– J'ai appelé Daphnée, installe-toi, je vais te préparer ton déjeuner, ronronne mon ami, fier de lui.
– Tu es le meilleur.
Je prends place, tandis qu'il chercher dans mes placards quelque chose à cuisiner.
– Elle est plutôt furax que tu ne l'aies pas prévenue.
– J'imagine
– Elle m'a dit qu'elle passerait te voir ce soir, affirme-t-il en prenant le sirop d'érable. Il lance le micro-ondes quelques secondes puis revient vers moi pour dresser la table.
– J'espère que tu as faim, j'ai fait des pancakes.
– Dis-moi que c'est la recette d'Hervé cuisine, supplié-je.
– Évidemment, pour qui me prends-tu ? Je ne vais pas m'attarder à chercher d'autres manières de les préparer quand je connais déjà la meilleure façon de le faire.
Il parle de manière théâtrale, gesticulant comme s'il était nécessaire qu'il occupe l'espace. Son attitude m'arrache un sourire.
Je pointe mon nez vers mon portable, Nathan a cherché à me contacter, il m'a également envoyé un SMS.

[Bonjour Mina, désolé que les choses se soient passées comme cela hier. Je suis là pour toi si tu en as besoin.]

Je n'accorde pas d'importance à ce que je viens de lire. Une infime partie de moi espérait que ce soit Hugo. Je ne parviens pas à cesser de me demander s'il va bien. Où en sont les choses avec ses parents. C'est idiot, pourtant c'est ingérable, cela s'impose à moi sans me laisser le choix.
Je mange la moitié d'un pancake et laisse retomber mes couverts dans l'assiette. Ronan arque un sourcil en m'observant.
– Je n'ai pas trop faim...
– Et pourtant, tu vas faire un effort, proteste-t-il.
– J'ai l'estomac dans un sale état aujourd'hui, je ne peux plus rien avaler.
Il adopte une moue désapprobatrice et chouine avec exagération.
– Dire que je me suis donné tant de mal... c'est tellement triste que tu ne tiennes pas suffisamment à moi pour faire un tout petit effort.
– Ronan... grondé-je.
– Non bibiche, je suis contrarié. Moi qui ai mis tout mon amour dans cette préparation !
– OK, finis-je par dire, sachant d'avance que je n'aurai pas le dernier mot.
Je termine ce que j'ai laissé, Ronan me sert à nouveau en m'adressant un sourire radieux. Je ne m'indigne pas à voix haute, je me contente de prendre sur moi et mange.
– Alors, tu vois, ce n'était pas si difficile ! Tu as bien dormi ?
– Pas vraiment, avoué-je
– J'imagine, tu as eu des nouvelles depuis ?
– Un message de Nathan il y a quelques minutes.
– D'accord... mais est-ce que tu en attends ? demande-t-il.
– Quoi donc ?
– Des nouvelles d'Hugo.
– Indirectement je crois.
– Ça en dit long sur ce que tu te refuses à croire !
– Qu'est-ce que tu veux dire ?
– Rien, je constate simplement que tu te mens à toi-même.

***

Je m'attarde sous la douche, chantant à tue-têtes sur la playlist ; la vie est belle qui défile aléatoirement sur Spotify. Je m'accorde une pause émotionnelle, un moment où je me détache de tout et je dois avouer que ça me fait un bien fou. Lorsque je sors, je prends le temps d'hydrater mon visage, masquer mon chagrin sous du maquillage et je décide de porter une tenue qui me met en valeur. Je dévale les escaliers de mon appartement et me dirige tout droit vers un moment détente ; j'ai nommé le shopping ! Ronan ne jure que par cela en cas de déception, se faire plaisir à soi-même est selon lui thérapeutique. Pour avoir déjà testé les effets de cette pseudo médication, elle est miraculeuse sur le moment. Mais elle n'empêche pas la déprime de vous rattraper lorsque vos achats ont rejoint la garde-robe.
Je fais un arrêt chez l'esthéticienne, m'accorde une pause manucure et pédicure. C'est relaxant, je vis cet après-midi comme un moment hors du temps. Cependant, lorsque je rentre et aperçois Nathan devant mon immeuble, la réalité me rattrape de plein fouet. Je me gare et avance dans sa direction. En me rapprochant, je distingue son œil violet et sa lèvre tuméfiée. Hugo ne l'a pas raté.
– Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je en me débattant avec mes sacs.
Il ne répond pas à ma question, me propose son aide que je refuse, mais il ne m'écoute pas, me débarrasse de mes paquets et me devance dans les escaliers.
Lorsque nous atteignons mon intérieur, j'attends de lui qu'il m'explique la raison de sa visite, mais il ne semble pas percuter.
– Pourquoi es-tu là ?
– Parce que je me fais du souci pour toi.
– Il n'y a pas de raison, vraiment.
– Tu l'as revu, c'est ça ? grogne-t-il.
– Je te demande pardon ?
– Tu es magnifique, tu sembles avoir le sourire et puis tu as fait des emplettes. J'imagine que ce n'est pas pour rien.
Il est con ou il le fait exprès ?
– Ça te semble si étonnant que je sois incapable de faire les choses pour moi ?
– Depuis que tu le fréquentes, plus rien ne m'étonne.
– Fréquentais, ajusté-je.
– Oui, en théorie. Sauf que nous savons très bien toi et moi que tu retomberas dans ses bras.
Je me braque, les bras croisés devant ma poitrine, les muscles tendus. Nathan m'inspecte et se rapproche de moi.
– Mina, tu es quelqu'un de bien, je connais ta personnalité, j'ai pu être témoin de ce que tu étais capable de faire pour les personnes qui te sont chères. Fais attention à toi.
– Je te remercie de t'inquiéter pour moi. Mais si tu le permets, j'aimerais être seule. J'ai passé ma journée à me changer les idées et mon intention en rentrant était de continuer sur cette voie.
Son regard me parcourt minutieusement, je le fuis, faisant le tour de la pièce visuellement. Je sens l'intensité avec laquelle il me regarde et cela me met plutôt mal à l'aise.
– Je vois... mais je pourrais très bien te changer les idées si tu le désires.
– Qu'est-ce que... non !
Mon mal-être s'accroît lorsque ses mains se posent sur mon visage, je me fige instantanément.
Non, mais il est sérieux ?
– On pourrait tout recommencer, souffle-t-il.
– Non Nathan, on ne va pas en arriver là toi et moi. C'est terminé entre nous et je n'ai pas l'intention de remettre ça !
– Pourquoi ? Regarde dans quelle situation tu te retrouves pour quelqu'un qui se joue de toi !
– Ne parle pas de ce que tu ignores, craché-je.
– Tu penses vraiment que tu es la seule dans sa vie ? Tu imagines que ce genre de mec est fidèle ?
Sans le savoir, il vient d'enfoncer le couteau dans la plaie, mon coeur saigne. Je retiens les larmes qui menacent de jaillir. Mon souffle se saccade soudainement et je sens mes jambes trembler.
– Je veux que tu sortes d'ici, beuglé-je en tentant de minimiser ce que je ressens.
– Il va te briser, j'en ai bien peur, ajoute-t-il en reculant.
– Je souhaite être seule, s'il te plaît.

Transparent Lies  (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant