Chapitre 14

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Mina

Son souffle chaud danse sur ma nuque. Je l'écoute implorer mon pardon encore et encore, me surprenant à le rassurer. Nous sommes restés assis par terre la moitié de la nuit. À aucun moment nous n'avons eu envie de nous soulever, de nous détacher l'un de l'autre. Lorsqu'il s'apprête à se relever, je me mets à souhaiter que la nuit dure toujours, laissant le jour se faner. Pour que cette réalité ne m'échappe plus, afin d'éteindre la peur que je ressens face à un nouveau jour. Il est plus de 03H00 lorsque nous finissons sous la douche et allons-nous coucher.
Allongée dans ses bras, j'ouvre les yeux, ses doigts caressent mon ventre, descendant vers mon intimité. Les images de la veille me reviennent. Je me relève brusquement.
– Je vais m'habiller, baragouiné-.je.
– Quoi ? Mais où vas-tu ? s'étonne Hugo.
– Je rentre chez moi.
– Je n'ai aucun cours, je pensais que nous allions passer cette journée tous les deux.
– Je suis désolée, je rentre chez moi, me contenté-je de répondre.
Il me bloque contre la porte, m'enlace, m'embrasse. Puis recule en me fixant.
– C'est à cause d'hier c'est ça ? J'ai voulu te faire l'amour ce matin et quand je t'ai touché tu t'es précipité hors du lit.
– Hugo, tu n'as peut-être pas cours, mais moi je travaille, mens-je pour faire diversion.
Il arque un sourcil, me rappelant au passage qu'on est dimanche.
Pauvre idiote ! Réfléchis avant de parler.
– Tu ne te foutrais pas un peu de moi ?
– OK, je vais être honnête ! J'ai besoin d'un peu de recul. Cette nuit, j'étais prête à accepter toutes tes bizarreries. Mais ce matin au souvenir de ce qui s'est passé, je n'ai qu'une envie : c'est de te fuir.
– Je te laisse t'habiller, grommelle-t-il en tournant les talons.
Je ne le retiens pas, me vêtis rapidement et gagne le rez-de-chaussée. Il est déjà devant la porte, je ralentis en le voyant.
– La tournure des événements ne me plait pas, rumine-t-il
– Je suis désolée, j'ai besoin d'un peu de temps.
– Reste ici, s'il te plaît.
Je m'apprête à ouvrir la porte, mais il m'en empêche. Empoignant ma main, il me repousse avec indulgence.
– Je n'ai pas envie de te laisser t'en aller, soupire-t-il, le regard fugace.
– Peut-être, mais moi je désire être seule ! souligné-je.
– Même quand tu peux passer du temps avec moi ? Tu n'aurais jamais dit cela hier, grimace-t-il.
Son regard fixe le mien, puis le fuit. Ses mains tremblantes caressent mon visage. Ses lèvres recouvrent les miennes. Je soupire, lorsque le court baiser que je lui accorde prend fin.
– Aujourd'hui est un autre jour, m'obstiné-je.
– Je ne veux pas te perdre !
– Est-ce que tu peux me laisser passer, s'il te plaît, soufflé-je.
– Je n'ai pas vraiment le choix... mais avant de partir, j'ai quelque chose pour toi.
Il se précipite dans son bureau et en ressort tout aussi vite. Un sourire maladroit sur les lèvres, la boîte d'un iPhone dans la main. Il s'avance et me le tend.
– C'est pour toi. Je te l'ai acheté pour m'excuser d'avoir cassé le tien.
– Merci, tu n'étais pas obligé.
– C'est la moindre des choses, affirme-t-il.
Touchée par cette attention, je l'embrasse en douceur, sans m'attarder. Partager entre l'envie de le rassurer, de le remercier et le besoin de le fuir. Je ne me comprends plus moi-même.
– Il y a une carte prépayée à l'intérieur, tu m'appelles quand tu rentres ?
– Je ne sais pas, peut-être.
– Alors je t'appellerai moi !
– Bonne journée...
– Elle commence plutôt mal. Bonne journée à toi, glapit-il.
Je m'en vais sans me retourner, en direction de je ne sais où, à la recherche de je ne sais quoi.

***

Je déambule dans les rues parisiennes, passant d'une boutique à l'autre, achetant des choses sans intérêt de façon compulsive. Cherchant ainsi à me changer les idées. Je croise quelques connaissances, finis avec une ancienne amie d'école devant un café, marche jusqu'à ne plus savoir où aller. Ça me fait du bien de me vider l'esprit, d'être seule. Toutefois, lorsque le soir arrive, je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Pas envie non plus de retourner le voir. Même si j'ai réclamé qu'il se venge sur moi, je n'ai pas encore avalé ses paroles. Elles m'ont blessée.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si méchant. Je me suis sentie tellement rabaissée. Je conduis, sans pouvoir m'arrêter, faisant inlassablement le même trajet, jusqu'à cette rue que je connais si bien. J'hésite à frapper à la porte, il est déjà plus de 23H00. Toutefois la lumière encore allumée qui finit par me décider.
– Mina, est-ce que tout va bien ? s'inquiète mon amie en m'apercevant.
– Pas vraiment, j'ai besoin de toi, avoué-je.
Daphnée m'accueille à bras ouverts. J'emporte mes sacs avec moi, je sais d'avance que je ne repartirai pas cette nuit.
– Qu'est-ce qu'il t'a fait ? demande-t-elle, après je me sois mise à l'aise.
Je voudrais pouvoir tout lui dire, j'en ai besoin. Pourtant quelque chose m'en empêche. Parce que quoi qu'il ait fait, j'ai cette envie de le protéger. De m'assurer que mon entourage ne le déteste pas. C'est tordu quand on y pense, mais je ne contrôle rien de tout cela.
– On s'est simplement disputés.
– Au point de venir te cacher ici ?
– Rassure-toi, je ne me cache pas. J'ai simplement envie de prendre du recul.
– Je n'en crois pas un mot ! assure-t-elle. Tu ne serais jamais venue ici si tu n'avais pas une bonne raison.
Mon combat intérieur se met alors en marche. Après tout, je ne suis pas fautive pas plus que lui finalement. Ceci dit, je sais qu'en tant qu'observatrice, elle ne sera pas objective. Elle ne peut pas comprendre à quel point il est comme une drogue pour moi. Pas plus d'ailleurs que ce qui le pousse à avoir des comportements aussi étranges. Je ne justifie pas tout ce qui a pu se dérouler, notamment ses injures. Mais elle y percevra autre chose. Alors je me résous à garder le silence, et lui souris sans savoir quoi faire d'autres. Elle m'adresse un sourire chaleureux, prends place à côté de moi sur le canapé et me prend la main.
– Je m'inquiète pour toi, vraiment !
– Ça va aller, disons que c'est un mauvais jour...
– Nathan m'en a parlé et il ne te reconnaît plus.
Attends, quoi ? Qu'est-ce qu'il vient faire dans la conversation celui-là ?
– Qu'est-ce que Nathan vient faire là-dedans ? m'empressé-je de lui demander.
– Il a voulu savoir si j'avais de tes nouvelles. Il est inquiet pour toi. Il t'aime encore, mais là n'est pas le sujet. Mina, est-ce que tu as pris le temps de te regarder dans le miroir ? Tu ne m'as jamais parue aussi vide. Moi aussi je suis troublée, de plus tu ne me confies plus rien, qu'est-ce qui t'arrive ?
Daphnée semble sincère, et puis, elle n'a rien à voir dans nos histoires...
– Hugo est très... particulier. Autant il peut être doux et adorable que totalement imprévisible.
– Qu'est-ce que tu entends par là ?
– Ce qui se passe c'est qu'il souffle le chaud et le froid d'un jour à l'autre. Je me sens dépassée par son caractère, sa jalousie excessive, je ne sais plus vraiment sur quel pied danser.
Elle m'analyse un instant, j'ai le sentiment d'être en compagnie d'une psy.
– Qu'est-ce qui te pousse à rester avec lui ?
– Je l'aime !
– Ça ne suffit pas toujours, tu sais...
– Ça suffit parfois à continuer, en espérant qu'après la tempête tout redevienne comme au début.
– Je suis navrée pour toi, dit-elle.
– Je sais.
– Et ce qui t'a poussé à venir ici ce soir c'est ? enchaine-t-elle.
– La goutte de trop.
– Est-ce que c'était physiquement ?
– Non ! Il a ses défauts, mais jamais il ne s'en prendrait à moi de cette façon, je t'assure.
– Dans ses propos ?
– En quelque sorte...
Elle sait que je ne lui dis pas tout, elle me connaît suffisamment pour le deviner. Cependant elle ne me pose pas davantage de question. Consciente que je ne souhaite pas entrer dans le vif du sujet.
– Tu es ici chez toi, restes tant que tu le souhaites.
– Merci Daphnée.
– Je vais appeler le médecin demain matin, histoire de te prescrire un arrêt de travail cette semaine. Comme ça tu as le temps et la paix.
– Oui, le connaissant il viendra au boulot.
– C'est même certain ! Je reviens.
Elle s'éloigne vers la cuisine et en revient quelques minutes plus tard avec une bouteille de vodka et deux verres. Quand elle finit de servir la boisson, elle me tend un shot.
– Au lâcher-prise ! glousse-t-elle.
– Au lâcher-prise, trinqué-je.

Transparent Lies  (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant