Chapitre 7

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Mina

Le vibreur de mon téléphone me réveille en sursaut. J'ouvre les yeux encore lourds de sommeil et décroche en voyant le nom de Nathan s'afficher.
– Allô ? murmuré-je, la voix encore voilée par la fatigue.
– Tu es réveillée ? glapit mon interlocuteur.
Sa voix est étrange, elle semble pâteuse.
– Nathan, est-ce que tout va bien ?
– Tu as l'intention de me quitter ? s'inquiète-t-il.
Que puis-je répondre à cela ? Hugo a envahi mon cœur de manière inattendue. De son côté, je n'ai rien à lui reprocher, il a toujours été présent pour moi. Quand j'ai perdu ma grand-mère, qui était pour moi comme une mère, Nathan a tout mis en œuvre pour me changer les idées, me motiver à sortir. Il a su faire renaître mon sourire... c'est quelqu'un de bien, sauf que le temps a laissé des traces sur nos habitudes. La vie avec lui est devenue ennuyeuse, presque automatique.
– Je ne sais pas... finis-je par consentir.
– Qu'est-ce que j'ai fait pour t'éloigner de moi ?
– Tu n'as rien à te reprocher, c'est la vie qui fait que nous en sommes là, réponds-je.
– Est-ce que tu vois quelqu'un d'autre ?
Je suis incapable de lui énoncer les faits. Il mérite pourtant la vérité, seulement je suis trop honteuse pour la lui avouer. Est-ce vraiment utile de tout lui dire ? Je choisis de ne pas le faire, je n'en ai ni la force ni le courage.
– Non il n'y a personne, c'est simplement que je ne sais plus où j'en suis.
– Est-ce que je peux passer te voir ?
– Évidemment. Il faut qu'on discute.
Je sors du lit et file sous la douche. Lorsque je rejoins le salon, il est déjà là. Son teint est blafard et ses yeux sont rouges. Il se tient debout face à moi, un sachet dans la main.
– J'ai apporté des viennoiseries, bafouille-t-il.
– Merci.
Je l'approche, il sent l'alcool. Ses cheveux sont décoiffés, il porte encore les mêmes vêtements que la veille. En le voyant comme ça, j'ai envie de me donner une paire de claques.
– Il va bien falloir qu'on en parle... soupire-t-il.
– Oui, on n'a pas vraiment le choix.
Il s'installe à table, je me place face à lui. Le stress m'envahit, mon ventre me fait mal, ma gorge se noue. Je ne sais absolument pas ce qu'il adviendra de cette conversation, cependant mon corps réagit comme si j'allais devoir me mettre à nue.
– Nathan, je...
– Laisse-moi parler ! Je ne suis pas un imbécile, j'ai remarqué depuis quand ton comportement a changé, je ne veux plus que tu prennes des cours de guitare avec lui ! s'étrangle-t-il.
– Écoute ...
– Je n'ai pas fini ! coupe-t-il.
Je m'attendais à le voir fou de rage, pourtant c'est un Nathan déterminé qui se tient devant moi. Je le laisse poursuivre.
– Mina, ça fait trois ans que tu partages ma vie. Notre relation n'est pas parfaite, je le conçois elle est dotée d'habitudes, de routine, cependant je ne peux pas imaginer que tu ne fasses plus partie de ma vie. Je t'aime et je suis prêt à faire des efforts, instaurer du changement pour faire tomber les barrières que nous avons dressées inconsciemment.
Des larmes roulent sur mes joues, ses mots me percutent, me rassurent, me troublent. Suis-je moi-même prête à vivre sans lui ? Et si les efforts dont il parle finissent par changer le cours des choses ? Moi qui étais convaincue que je serai capable de vivre au jour le jour sans me prendre la tête, aujourd'hui mon discours intérieur est tout autre.
– Si tu es partante pour essayer de surmonter cette épreuve, j'ai quelques conditions, reprend-t-il.
– Lesquelles ?
– Je vais te poser la même question qu'hier et je veux la vérité.
J'acquiesce sans prononcer le moindre mot.
– Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre ?
– Oui... finis-je par avouer.
Mon cœur se serre, un sentiment désagréable se loge en moi.
Nathan me dévisage, sa mâchoire se crispe, il fait les cent pas, une façon pour lui de canaliser sa colère.
– Je ne sais pas ce qui me retient de t'en coller une ! Jusqu'où êtes-vous allés ? grogne-t-il.
Je refuse qu'il sache, c'est trop difficile pour moi d'accepter tout ça, j'ai honte.
– Nous discutons par SMS. Je suis attirée par lui et il en est de même en ce qui le concerne, simplifié-je.
– Le bâtard ! crache-t-il, je le savais ! Je t'en ai parlé dès le début. Je t'ai prévenu que c'était un dragueur né.
Je ne dis rien. je tiens à Hugo et qu'importe ce qu'on pense de lui, je ne souhaite pas prendre part aux commérages sur son compte.
– Je ne pensais pas cela de toi, enchérit-il, d'une voix maussade.
– Je suis désolée, je n'ai aucune excuse.
– Je suis bien d'accord.
Les mots me manquent. Comment avouer à quelqu'un qui vous aime que votre cœur ne bat plus aux mêmes rythmes que le sien ? Je me tais, ne comprenant pas moi-même la direction que prennent mes sentiments.
– Je veux que tu continues tes cours ailleurs et que tu changes de numéro de téléphone, exige-t-il.
Je souhaite tellement qu'une nouvelle chance soit bénéfique pour nous, pourtant à l'idée de repartir à zéro en congédiant Hugo de ma vie, mon cœur manque un battement.
Va jusqu'au bout des choses avec Nathan, vois ce qui se passe et ensuite la vie suivra son cours. Tu ne pourras pas dire que tu n'as pas essayé.
– Très bien, je vais faire ce que tu me demandes.

***

– Je pense que c'est une sage décision, Nathan est le genre d'homme avec qui il est possible de voir l'avenir. Et puis dans un couple, il y a parfois des moments de doutes ou d'égarements. On sait ce qu'on perd, pas ce qu'on retrouve. Expose Daphnée.
– Oui, je crois que tu as raison.
La boutique est calme aujourd'hui, nous en profitons pour discuter tranquillement.
– Tu sais très bien qu'Hugo n'est que de passage, tâche de t'en rappeler. Si toi et Nathan vous prenez en compte ce qui ne fonctionne plus et que vous changez votre manière d'être, pourquoi pas ?
C'est une façon de voir les choses plutôt sensées. Encore faut-il que je maîtrise le combat qui se joue entre mon cœur et ma raison.
– Je vais faire ce que Nathan m'a demandé ! Avec le temps, ma vie reprendra là où je l'ai laissée.
Je me garde bien de dévoiler que ce que je ressens quand Hugo est auprès de moi, dépasse tout entendement. Si je n'avais pas si peur de l'inconnu, je foncerais le retrouver. Au lieu de cela je lui envoie un message lui annonçant que je mets un terme à toute notre histoire.
Tu pouvais t'en passer et changer de numéro, il aurait compris.
Mes mains sont moites, tremblantes. Je me mets à ronger mes ongles en attendant sa réponse. Lorsque mon smartphone m'annonce l'arrivée d'un nouveau texto, je n'ai aucune envie de l'ouvrir. D'un autre coté je ne peux m'en empêcher, une partie de moi, sur laquelle je n'ai aucune d'emprise, a besoin d'agir de cette manière en se faisant du mal.

[C'est vraiment toute la considération que tu as pour moi Torne ? Un SMS ? Putain, mais sérieusement à quoi tu joues ?]

Je sens des larmes perler au coin des yeux, je tâche de ne rien laisser paraitre. Pourquoi est-ce que cette décision est si douloureuse ? Tout est pourtant clair dans ma tête.

[Viens, on va discuter, tu ne peux pas me balancer ça comme ça. Je ne veux pas que ça se termine.]

Je ne réponds pas. À quoi bon...

Après le boulot, je prends le temps de m'arrêter chez un opérateur téléphonique pour changer de numéro. Ce n'est pas sans difficulté que je saute le pas.
Lorsque j'arrive à l'appartement, Nathan est déjà là. Il m'enlace et m'embrasse avec tendresse. Je ferme les yeux, tente de m'abandonner à ce baiser, recherchant la passion que je déleste en clôturant le chapitre Hugo. Il recule un brin, me regarde comme si j'agissais étrangement.
–Tu es certaine que ça va ?
– Oui, je... ça va.
– Bref, je crois qu'il est temps de finir ta valise ! s'exclame-t-il en me tournant le dos.
Super...
– Nathan...
– Oui ?
– Regarde-moi... murmuré-je.
Il se place face à moi et me scrute avec humour. Je l'observe moi aussi, attendant qu'il cesse de rire comme un con, cherchant l'excitation derrière la douceur. Je pose à nouveau mes lèvres sur les siennes, c'est doux, tendre, mielleux. Je le pousse à être plus brutal dans cet échange, cherchant la bestialité dans ses gestes. Mais rien ne vient, il s'éloigne de moi à nouveau.
– Tu peux m'expliquer ce que tu fais ?
– Rien, je vais préparer ma valise, grommelé-je en rejoignant ma chambre.

***

Je cherche le sommeil autant qu'il m'évite, rumine sans cesse. Remettant en doute sans arrêt ma décision. Sa voix, son sourire, l'océan de ses yeux me hante. Rome tombe à point nommé, ce week-end en compagnie de Nathan, ravivera avec un peu de chance la flamme qui nous unissait autrefois. Il est rapidement 04H00, nous prenons la route pour l'aéroport. Habituellement l'idée même de prendre l'avion m'aurait plongé dans un stress colossal, mais bizarrement je ne ressens rien.
— Pas trop peur ? demande-t-il, en souriant radieusement. 
— Je préfère éviter le sujet, clamé-je pour justifier mon manque de réaction.
Je regarde le paysage défiler, la beauté de l'aurore est à couper le souffle. J'ai emprunté ce chemin tant de fois, mais jamais encore il ne m'a semblé si beau. Le trajet est de courte durée, quant à l'attente pour l'embarquement, c'est une autre histoire. Nathan fait au mieux pour me rassurer. Plus l'heure du départ se rapproche, plus mon anxiété est palpable. C'est d'un pas mal assuré que je le suis vers l'aigle de tôle en direction d'un autre ciel.

Transparent Lies  (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant