chap'16

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✈︎ Valletta, malta
20:28
12 juillet

Les dernières heures du soleil peignaient le visage de Taehyung d'un orange brûlant. Sa joue creuse et lisse ne cessait de me provoquer. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour déposer le bout de mes lèvres sur cette petite partie de son visage.
La fatigue de fantasmer sur lui et ses moindres gestes ne me prenait toujours pas.
Étais-je en manque ou simplement ennuyé d'une solitude tristement spontanée ?

Nous avions dîné anormalement tôt, dans un silence anormalement agréable. Si j'avais su qu'un simple sourire de ma part pouvait le rendre aussi rose que la nappe qui nous réunissait, j'aurais souri bien plus souvent, oui.

Je l'aurais fait rire lorsque son corps ressemblait à son âme, recouvert de cicatrices, de tâches de sang et de pansements sales.
Je l'aurais embrassé dans les moments où je pouvais si bien deviner le vide qui se creusait entre ses poumons, dont il était de plus en plus fatigué de gonfler.
Je l'aurais aimé, quand il ne s'aimait plus, au point de s'abandonner dans de sombre rues inconnues et de se faire tabasser sans même essayer de se défendre.
Je l'aurais protégé, c'est tout.

Lors d'un instant, je pensai bêtement qu'il était trop tard pour pardonner Taehyung.
Lors d'un autre, je pensai que je n'en avais aucune raison.
Puis enfin, je pris sa main.

"Tu as changé n'est-ce pas ? Tu ne toucheras plus à de la drogue de ta vie, non ? Tu ne ruineras plus celle des autres, hein ?"

J'avais pitié de lui, mais dans ses yeux pouvaient se lire, trop facilement, ce même sentiment. Comme lorsqu'on s'apprête à mentir, ses sourcils se haussaient tout en guidant son regard ailleurs.

"Aurais-je osé continuer à te voir si ce n'était pas le cas ? Si je n'avais pas changé, et si je ne regrettais pas ce que j'avais fait à Hoseok ?"

Je haïssais ma main d'être restée au chaud dans sa paume. Je haïssais ma tête de s'être tournée vers lui dans l'immédiat. Mais je comprenais mon cœur et mon estomac de s'être serré autant à l'entente d'un nom que j'aimais, une fumée nauséeuse flottant dans ma cage thoracique.

L'arrivée violette de la nuit épousait trop bien les traits de Taehyung qui, à ma surprise immobile, me fixait.

"J'me hais. Vraiment j'me hais." Prononça-t'il, une once de sincérité bouleversante dans sa voix brisée.

Je m'attendais à ce qu'il se noie dans ses sanglots clairs, rouge d'émoi et gêné, mais il laissait une simple larme écrire toute sa peine sur sa joue, son regard me poignardant d'une lenteur atroce. L'ombre d'une étoile sembla apparaître, me chuchotant de tout laisser tomber et tout reconstruire avec lui. De plus, ses pupilles humides me suppliaient de les aimer, de les pardonner et de les sécher.

J'aurais considéré idiot, si face à ces signes tirés d'une imagination malade, la personne qui aurait céder au charme d'un tueur.
Soit, j'étais un idiot.

Ce soir-là un futur inimaginable se jouait, et tous deux nous étions mauvais perdants.
Les lampadaires, un à un, s'éclairaient dans l'ombre d'une vieille ville a l'odeur salée.
Et mes doutes, un à un, devinrent d'une simplicité lumineuse, voir absurde.

"Tout va bien, Taehyung, tout va bien." Chuchotai je contre la peau de son cou, glissant mes bras tout autour de lui.

Il ne bougeait plus. Peut-être se sentait-il dégoûtant, ou simplement surpris de ressentir enfin, de la chaleur humaine contre son corps en ruines. Moi aussi, en fermant les yeux, je voyais l'immense sourire de Hoseok fondre sur ma petite épaule.
Puis, lorsque les grandes mains de Taehyung s'écrasèrent contre mon dos, s'agrippant à mon t-shirt avec une forte tendresse, je ressentis nos cœurs, plus proches que jamais, battre vivement.

La nuit glissait toujours au-dessus de nos têtes collées, perdues entre hallucinations et rêvasseries. Pour ma part, je souhaitai attendre l'aube, calé entre les manches de son cardigan qui me protégeaient de la plus fine brise.
Mais il fallu que la plus exquise des douceurs fut brisée par Taehyung, qui en s'éjectant de mon étreinte, se jeta sur mon sac en tissu afin d'y sortir Hope.

"Tu penses qu'on peut l'amener à l'hôtel ? Demanda Taehyung en plantant son regard dans celui de l'animal.

-On peut le cacher sur le balcon de notre chambre, répondis je.

-Il aura froid.

-Les animaux n'ont pas de fourrure pour rien.

-Quand même, il aura froid.

-...On va pas dormir avec lui quand même.

-On ??

-Je suis pas un gosse de riche comme toi, j'avais pas assez d'argent pour deux chambres..."

A mes mots, Taehyung écarquilla des yeux, bégayant sans rien vraiment dire. Un sourire gras se dessinait sur son visage illuminé d'une surprise qui le faisait doucement rire.
La trace de sa larme y figurait toujours, une imposture ridicule qui m'arracha un faible rire.

"Je pourrais me payer une chambre mais... c'est pas comme si j'en avais envie...

-Si, si achètes la. J'insiste.

-Arrête de faire genre, dit-il d'un ton étrangement familier.

-Sérieusement ! Je sens déjà que tu vas déjà te plaindre toutes les secondes sur tes blessures.

-Comme si tu me connaissais vraiment."

Son commentaire me glaça le dos.

"Je suis pas de nature à me plaindre, t'sais, ajoutait-il quand il sentit un effrayant fossé se creuser entre nous.

-Je serais pareil si j'avais autant de blé.

-Pfff... Tu ne me vois que comme ça ? Depuis que t'as vu un truc Gucci dans ma valise tu ne penses donc qu'à ça, hein ? Exprimait il en faisant de grand gestes, ayant l'air de me dénoncer d'un affreux délit.

-UN seul truc Gucci ? UN seul ? Pèse tes mots Taehyung, pèse les."

Nos parlions si bruyamment, se taquinant, tout en marchant à travers les souvenirs pas si  lointains que ça de notre rencontre dans un Uber.

L'univers avait fait que, peut importe si j'avais décidé de monter dans cette voiture, sélectionné cet hôtel et acheté cette même valise, j'aurais rencontré Taehyung. Que ce soit en plein baiser avec Hoseok, ou sur une plage fantôme où l'on aurait échangé notre passion pour l'art, et pourquoi pas quelques caresses.

Mon amour pour ce concept qu'est le Destin s'amplifia. C'était si abstrait et innocent, qu'enfin le rencontrer m'intriguait fortement.
J'y croyais au mariage fleuri et à la lune de miel paradisiaque avec Hoseok.
Je souhaitai, à chaque stupides occasions, son bonheur éternel à mes côtés.
Je pensais trop qu'il était l'âme sœur dont on rêve souvent.
L'esprit créé pour le mien.

Mais à la droite du presque blond riant dans la coulée d'une nuit qui se tatouait dans ma mémoire, je commençai lentement à croire en un tout autre destin.

Une destin cruellement beau, inattendu et interdit.

⌈ switching ⌋ ᵀᴬᴱᴳᴵOù les histoires vivent. Découvrez maintenant