chap'30

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✈︎ Seoul, Corée du Sud
21:00
1er août

La coloration noire quittant mes paumes tournoyaient jusqu'aux égouts, glissant trop lentement contre les courbes du lavabo.
Mes mains étaient désormais propres, mais une indescriptible odeur de sang semblait parvenir à mes narines.
J'allumai le robinet violemment, pensant que mes crimes s'effaceraient aussi vite que les traces noires de la coloration.
Je m'attardais sur ma nouvelle apparence, sachant très bien que je restais le même monstre.
Comment un si beau visage pouvait avoir un fond si laid.

Du haut de ma tour vitrée, je trouvais compagnie dans les constellations et les grandes avenues qui défiaient l'obscurité des cieux, des ruelles et de ma chambre, uniquement éclairée par la ville entière. On y entendais mes pieds s'abandonner à chaque pas, contre le parquet gelé sur lequel des toiles torturées étaient allongées. Elles étaient maussades aux couleurs monotones, voir boueuses, mais je parvenais toujours a leur trouver un certain charme.
Sous mes coups de pinceaux motorisés par ma nostalgie se formaient, toujours, des fragments de souvenir de Malte, où je manquais, jamais, de dessiner un chat.

La valise de Yoongi était éventrée près de ma table de chevet. Et depuis mon départ, je me demandai s'il m'ignorait, s'il était resté sur l'île, ou s'il n'avait tout simplement pas ouvert sa valise. La nuit où l'on s'était quitté ne voulant toujours pas cicatriser, jeter le moindre regard à la boîte à vêtements pouvait me mettre à terre pendant des heures, pleurant notre solitude et mes bêtises.
En ce début d'août, devant l'infinité de Séoul, je voulu m'y perdre et me mélanger avec les ombres de tous ces gens. Je voulais être le fantôme qu'était Yoongi toute sa vie.

Alors j'attrapai son habituel t-shirt "FG" noir, le serrai contre mon torse nu, puis son bob de la même couleur que je portai tel une couronne de tiges de rose.
Si l'habit ne faisait pas le moine, je me permettais de prier que je puisse ressentir ne serait-ce qu'une heure, ce qu'il devait sûrement ressentir à cet instant.
Je priais même, si naïvement, qu'il me remarque parmi la foule.

J'entendis le son des gouttelettes estivales s'écraser contre l'une des vitres du salon, puis je m'en approchai. Je la touchai même, suivant la course de deux gouttes qui ne firent qu'une à la fin. Les feux des voitures se reflétaient sur le goudron trempé, des parapluies se déployaient telles des fleurs en éclosion, et lorsque cette métaphore atteignit mon esprit, je me vis attiré par mon appareil photo.
J'eus assez zoomé pour que les plaques d'immatriculations soient à peu près visibles, mais pas assez pour que l'on puisse reconnaître les visages. Et c'était con, car il y'en avait un, aussi flou qu'il était, qui me paraissait familier. En voyant sa démarche singulière parmi la foule, je remarquai que cette personne devait être perdue, surchargée d'émotions ou bien bourrée.

Voir cette personne vêtue de blanc être ignorée me fendait le cœur d'une lame que je ne pouvais nommer. Et alors qu'elle était au beau milieu d'un passage piéton qui se vidait, elle tomba sur ses genoux.

Il ne me fallu pas plus de motivation pour courir vers l'ascenseur en chaussettes. Traverser les étages me paraissait infini, mais lorsque ma descente prit fin, je me demandai sérieusement ce qu'il m'arrivait.
Le hall vide semblait me juger en silence.
Il remettait en question mon impulsivité dont j'étais trop souvent la victime, et son absence de lumière voulait me raisonner.
Je finis par m'écouter.

Je poussai la lourde porte vitrée et me retrouvai trempé, les pieds gelés.

Je me mettais en danger pour une silhouette que j'avais vu à travers mon objectif. Et aussi folle que cette phrase était, elle m'encourageait à courir plus vite que j'en avais jamais été capable.

Je ne savais même pas si je courais vers la bonne direction, si j'allais pouvoir trouver cette personne, ou si je la connaissais. Je ne savais même pas ce que je faisais en soit.
Et en passant devant une vitrine de magasin, me voir pendant une fraction de seconde m'affirma que je ne savais même plus qui j'étais.

À travers les gouttes qui flouaient ma vue, je perçus un feu passer au vert, une femme amenant sa main à sa bouche, et enfin un grand point blanc.
Un grand klaxon, les feux de cette même voiture illuminait encore plus le point blanc, et lorsque je me retrouvai devant, peinant à respirer, la chute des gouttes sembla s'éterniser.

Je vis son visage,
Et je cru mourir une seconde fois.

"Yoongi, c'est toi ?" Demanda-t-il.

⌈ switching ⌋ ᵀᴬᴱᴳᴵOù les histoires vivent. Découvrez maintenant