chap'34

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✈︎ Seoul, Corée du Sud
03:30
1er août

Après avoir appris la nouvelle, la seule chose dont je me souviens, c'était nos corps sur le sol de ce brouillon de galerie d'art, entourés de quelques bouteilles vides, leur ressemblant de plus en plus, affalés à une distance anormalement raisonnable.
Ça devait puer l'alcool et la peinture, mais j'étais trop soûl de cet instant de méditation pour le réaliser.
Pour tant je ne pensais à rien.
Des larmes perlaient le long de mes joues, et je les laissait faire.
Mes yeux ne connurent plus aucune sécheresse, et je me sentis à ma place, en sécurité, dans ce nouvel endroit quasi vide.

Je pleurais de rire, d'exhaustion, de dévastation et d'amour.
Il riait de sarcasme, d'angoisse, de tristesse et de moi.

Voulant économiser l'électricité du local faiblement aménagé, les enseignes lumineuses des boites de nuit et surtout les phares des voitures nous servaient d'éclairage coloré et timide.
Nous, qui nous cachions toujours dans le creux d'une nuit plus bleue que les autres.
Ce fut la plus chaleureuse de ma vie pourtant.
Mes paupières peu gonflées et rougies étaient juste assez ouverte pour que je puisse contempler le visage de Taehyung dans son état le plus brut, accompli et abîmé.
Je regardais silencieusement ce que la faible lumière me permettait de voir, avec une fierté infusée de nostalgie.

Ses photographies et peintures étaient presque toutes emballées telles des cadavres. Certaines étaient debout contre des murs, telles des pierres tombales, et d'autre semblaient agoniser, allongées dans un océan plat d'abandon.
Figées dans l'obscurité quasi absolue, elles nous fixaient, attendant patiemment que quelque chose, autre que ces étranges retrouvailles, se passe.
Mon regard se baladait entre chaque silhouette d'œuvre, puis s'attarda sur l'une dont l'emballage en papier était déchiré en haut.
Je ne reconnu rien de là où j'étais.
J'étais simplement intrigué par la planche.

"Quoi, qu'est-ce que tu fais-" Demanda Taehyung en attrapant ma cheville.

J'avançai quand même.
Déterminé pour aucune raison, comme encouragé par un fantôme.

Je m'accroupis face au rectangle recouvert.
N'entendant aucune plainte de Taehyung, je déchirai le papier.
Il faisait si sombre que ce n'était que lorsque une voiture trop rapide passa, que je pu déchiffrer ce qui était peint.

Je souris.

Attendis une seconde voiture.

Je souriais vraiment, avec les dents, avec cette pression sur la poitrine me forçant à libérer un rire léger.

Et lorsque je clignai des yeux, deux gros points transparents tombèrent en chute libre sur la peinture.

Cette simple pression sur ma poitrine se transformait lentement en un poids que je semblais porter depuis des années, glissant, encore, jusqu'à mon bas ventre.
Ce poids se divisait en papillons.
Et ces papillons ne cessaient de grandir ainsi que de se multiplier, jusqu'à ce que ma gorge se noua trop fermement, me noyant presque dans mes propres émotions.

Une troisième voiture passa.

La seconde d'après, d'une façon ou d'une autre, je me retrouvait face à Taehyung.
Il se leva immédiatement, inquiet, idiot.
Mon cœur battait dans mon visage.
Et avant que je ne puisse décider quoi faire de mes lèvres, elles se retrouvèrent coincées contre son épaule.
Sa paume tapotait doucement sur l'arrière de ma tête, son autre main longeant mon dos, me pressant contre lui.

"Pleure, pleure encore." Murmura t'il.

Et je pleurai, encore et encore.

Je n'avais jamais été serré aussi fort et tendrement.
Je n'avais jamais ressenti autant d'amour venant d'une personne me recouvrir tout entier.
Tout l'amour des mères et des amoureux du monde semblaient s'être donnés rendez-vous dans ses bras.
Jamais la flèche de cupidon n'avait été aussi tranchante.
Et jamais mon cœur n'avait été aussi synchronisé avec un autre.

⌈ switching ⌋ ᵀᴬᴱᴳᴵOù les histoires vivent. Découvrez maintenant