chap'18

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✈︎ Valletta, malta
23:50
12 juillet

Il a juste ri, j'ai ouvert la porte, puis nous nous sommes installés sur le balcon, pelant nos culs dans les bras d'une nuit encore très bleue aussi tard qu'il était.
A la hauteur des autres toits, notre paysage ressemblait à une sombre mer de bâtiments rustiques qui nous cachait, du coup, la Méditerranée.
Rares résonnaient les échos de mélodies lointaines ou de rires au bas de l'hôtel, mais cette timidité auditive ne pesait pas sur nos poitrines, puisqu'on arrêtait pas de parler.
Sans arrêt.

De nos pires anecdotes à Hongdae, passant par nos années collège à lycée, évoquant même, dans la plus chaleureuse des amertumes, la préciosité de nos souvenirs avec Hoseok.
Nos souvenirs qui se ressemblaient trop, pour exister dans le secret de chacun.
On rouvrait ensemble la cicatrice la plus fraîche, d'où coulait alors des joies et amours que l'on refusait d'oublier. Tant pis si cela nous faisait mal et nouait nos gorges, car sous les diamants du ciel, des sourires arrivaient à se creuser sur nos visages.

Sur ce balcon maltais il n'y avait ni bougies, ni pétales de roses. Un crépuscule floué par des nuages, des bouteilles d'eau volées à la salle de sport et nos vies pourries suffisaient à rendre nos nez rouges d'amour et de froid.
Il caillait vraiment, mais le son de la voix de Taehyung sonnait comme le crépitement d'un feu de cheminée. Celui qui brille dans un salon aux lumières tamisées, où il fait bon et où il sent une odeur exotique qui embellis nos soirées. Dans ce même salon, joue un lent morceau de jazz provenant d'un disque de vinyle trouvé par hasard, nul part.
Le son agréable d'un mystérieux miracle.
C'était l'effet que me faisait sa voix, son rire et ses plaintes de l'innocence d'une brise qui l'embêtait.

Le silence qui suit me hurlait de me réduire cette gênante distance, voir, la briser complètement. Ses coudes fondaient sur la rambarde, et ses joues étaient pressées par ses poings. Tout son poids basculait en avant, ses genoux tremblaient un peu plus loin et ses fesses se jetaient en arrière.
Sa ligne de "S" tranchait le paysage et m'embrouillait les pensées.
Son corps les assombrissaient, même.
Il semblait plus que prêt à plonger dans la ville, vu que ses yeux s'y noyait déjà.

Je l'observais bailler. Une larme solitaire se mit à courir le long de sa pommette. Elle me rappelait trop celle de ce soir, près des vagues. Celle qui n'avait quitté le labyrinthe de mes pensées depuis sa fracassante entrée.
Mon corps m'urgea d'entrer en contact avec le sien, par n'importe quel moyen, a n'importe quel endroit.

Je me tenais derrière lui, paniquant intérieurement à vrai dire.
Dans l'hésitation la plus ridicule, mes bras s'ouvraient puis se refermaient, se décidant si oui ou non je devrais enlacer sa taille puis déposer ma tête sur son épaule. Et qu'ensuite, je devrais lui chuchoter que j'ai pris la décision de l'aimer, et que je le lui dirais tous les jours s'il l'accepte.
Ce scénario se répétait pendant quatre secondes qui se prenaient pour quatre siècles.
Mes lèvres manquaient de saigner tant je les mordais, lorsqu'il attrapa lui-même mes poignets qu'il déposa ensuite, contre son ventre.

Peut-être sentait-il la violence de mon cœur contre son dos et l'arrêt de mon souffle contre sa peau, ce qui me fit alors, sourire dans la cécité de la nuit.
Ses paumes englobèrent mes mains absurdement petites prés des siennes. Il me les pressait assez fort pour qu'il me fasse ressentir un truc beau que je ne devinais pas, mais que j'appréciais en fermant les yeux.
J'osai ensuite, à bout de quelques instants volés, abandonner ma tempe sur son épaule.
Je me suis lancé.
J'ai suivi le script.

"Au final, je t'aime, Kim Taehyung.

-Hein ?

-J'ai décidé de te pardonner, et de t'aimer.

-Mai-

-Chut... chuchotai je. Peut-être que la fatigue me fait dire des conneries. Ou alors l'eau de Malte a un truc bizarre dedans. Je regretterais probablement ces mots dans un futur qui peut être aussi proche que très lointain. Je sais rien de tout ça. De cet avenir... terrifiant Tae. De ces futures heures et semaines, je n'en ai aucun avant-goût. Peut-être qu'ils nous bousilleront l'esprit de tonnes remords, ou serons les plus beaux moments de nos vies qu'on chérira jusqu'à ce qu'ils s'évaporent de notre mémoire. Sache que jusque là, ces derniers instants qu'on a partagé m'ont fait ces deux effets. Et, putain, j'en suis addict. Je veux en passer d'autres en ta compagnie. Pleins même. Certes, je déteste notre passé. Ce que tu as fais surtout. Mais ce sont tes actes, tes putains d'actes que je déteste. Pas toi, plus jamais. Toi, tu es mon refuge en ce moment même. Le seul. Et sans ta si... belle... présence, là maintenant, je n'ose même pas imaginer ce que j'aurais été. Plutôt, ce que je n'aurais plus été.

De la manière la plus aléatoire et injuste possible, je t'aime."

Je pleurais dans mon sourire, d'où s'échappait des sanglots qui s'écrasaient sur son t-shirt, comme la liberté d'immenses sombre vagues. Des sentiments, que je déchaînais d'une torture d'analyses sur-compliquées.

"Je suis désolé, de t'aimer en retour." Répondît il en me faisant enfin face.

Il regardait nos pieds, appuyé contre cette rambarde qui nous protégeait d'une si mince chute comparée à la nôtre.
Ses doigts ne quittaient les miens, l'embarras de m'aimer devait sur le ronger, et pour chasser cette émotion déplaisante, je ne réfléchis plus.

J'embrassai ses lèvres.

Dès lors que nos souffles ne firent qu'un, je ressentis l'étrange sensation de suivre une chorégraphie, que je connaissais par cœur comme elle le réchauffait langoureusement. Il partait vers la gauche, je partais vers la droite. Ma main sur sa joue droite, la sienne sur ma joue gauche.
Nos paumes se penchaient ensuite vers nos nuques et c'est la que je réalisai.

Nous nous embrassions comme lorsqu'on embrassait Hoseok.

⌈ switching ⌋ ᵀᴬᴱᴳᴵOù les histoires vivent. Découvrez maintenant