chapitre 5

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Les derniers jours de taff cette semaine ont été pour le moins originaux. Jeudi matin, tous les ordinateurs des bureaux se sont mystérieusement éteints, de ce fait nous avons été forcé d'attendre l'informaticien pour reprendre notre travail ; et vendredi, des sous-traitants se sont pointés avec des gâteaux orientaux pour nous les offrir. Je les ai dégommé en moins de deux heures. Alexandre est resté ébahit face à mon taux de goinfrerie. Je mange énormément sans pour autant grossir, du coup j'en profite au maximum.

Si Alexandre rend mes journées de travail plus joviales et agréables, il y a Céline, une trentenaire aux fausses mèches blondes, qui me les brise à chaque fois que je tombe sur elle. Vraiment, je ne peux pas me la voir en peinture. Cette nana est plus que détestable : devant la patronne, elle fait la fayote comme pas possible ; auprès de la gente masculine, elle adopte une voix de pimbêche et drague tout ce qui bouge ; et avec nous, les filles de la boite, elle revêt un visage dur et meurtrier, comme si elle nous jalousait toutes. Elle le fait même avec moi, alors que je n'ai rien de spécial qui pourrait la faire complexer ! Enfin si, je mens, il y a bien quelque chose que j'ai de plus qu'elle: l'intelligence. Parce qu'entre nous, Céline doit avoir le QI d'une huître, tout au plus.

- Ah la la ! dis-je dans un soupire, tout en appuyant sur les plis de ma robe rouge.

Je suis en face du miroir, à me reluquer comme si un truc clochait dans mon accoutrement. Maman me dit que je suis magnifique ainsi, avec ces jolis talons de cinq centimètres, ma natte et mon maquillage modéré. Je ne me trouve pas moche, mais le résultat est loin de me satisfaire. Avec des chaussures plus confortables, une robe plus longue et un peu moins de maquillage, ça aurait été correct. Mais maman a tenu à ce que je sois au top pour le mariage de ma cousine, du coup je me suis laissée faire, tel le poupon d'un enfant.

- On y va ! Tu es prête ? s'écrie mon père en bas des escaliers.

Je me regarde une dernière fois dans le miroir, histoire d'être sûre que mon mascara ne coule pas, puis descends à l'entrée.

- C'est bon. Je suis prête, confirmé-je.

- Parfait. Nous partons avec des cousins à moi, explique mon père. Ça te dérange pas de prendre ta voiture ?

- Pas du tout. Allez-y, je vous suis.

Sur la route, je ne perds pas d'une semelle leur voiture. J'ai l'adresse sur mon téléphone mais je n'ai pas mis le GPS : si je les perds de vue, je vais devoir m'arrêter à la première sortie pour le mettre, ce qui me fera perdre un temps fou. Merci, mais non merci.

A la radio passe la voix de Booba. Pas fan du son, je laisse mon esprit vagabonder ailleurs, quelque part où les doutes s'insinuent dans mes veines. Comment va se passer ce mariage ? Est-ce que je vais m'ambiancer, ou au contraire m'ennuyer ? Je n'ai jamais été conviée à un mariage, je me demande comment se déroule ceux organisés par des familles italiennes.

Quoi que, rien ne me garantit que cela se fasse à la manière ritale. Je ne sais même pas de quelle origine est le mari de ma cousine. Si ça se trouve, il est asiatique. Ou bien africain. Ou même américain. Bah ! de toute façon, peu importe. Paula est une cousine éloignée que j'ai dû voir seulement trois fois (à tout casser) dans ma vie, quand j'étais petite. Elle peut être avec n'importe qui et choisir n'importe quel thème pour son mariage, ça ne changera pas grand-chose pour moi.

Soudain, une moto passe en un éclair devant moi, me ramenant brusquement à la réalité. Je manque faire une embardée ; je ne l'ai pas vu venir tant j'étais absorbée par mes pensées. Bordel ! Je lance des appels de phare au conducteur et appuie fortement sur le klaxon. Je suis en tort parce que j'étais ailleurs, mais lui il l'est encore plus pour m'avoir fait une queue de poisson !

Alors que je m'apprête à ouvrir la vitre pour lui balancer ma meilleure insulte, quelque chose me fait tilt. Rouge. La moto est rouge. Comme celle d'Elias.

- Nan mais tu fabules ma pauvre, songé-je à voix haute.

C'est vrai, quoi. Pourquoi ce serait lui ? Sa moto est connue, elle existe forcément en plusieurs exemplaires un peu partout dans le monde. Faut même pas que je commence à faire ma parano, ou sinon Dieu sait où toute cette histoire va me conduire.

Une boule au ventre naît au creux de mon estomac. Ça y est, j'ai le traque. Je mets un peu de musique classique à l'aide de mon téléphone pour me détendre. Suite cello No. 1 in G, de Bach.

Si avec ça je ne réussis pas à me calmer...

Juste une vie avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant