chapitre 2

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Quatre mois plus tard.


Je hais la fac. Vraiment. Je. Hais. La. Fac. Je crois qu'on a crée cet horrible endroit juste dans le but de torturer les étudiants. J'en ai bavé moi la première.

Mais ce n'est plus d'actualité, parce que j'ai arrêté d'y aller.

Oui, vous pouvez le dire, je suis faible et pas assez déterminée. Je l'assume complètement. J'aime la philosophie, mais le cadre universitaire ne me plaisait pas du tout. Je ne me sentais pas assez encadrée. D'abord, j'ai commencé à sécher une fois par semaine. Puis, m'habituant aux grasses mattes, j'ai fini par sécher toute la semaine jusqu'à ne plus jamais y aller.

C'était cool au début, mais maintenant, je dois à tout prix trouver quelque chose d'autre à faire. Ma tante m'a parlé d'un post dans son entreprise de comptabilité qu'elle pourrait me dégoter facilement, étant donné qu'elle est amie avec sa patronne. Ce n'est pas ce que je recherche en particulier, mais dans l'immédiat, c'est tout ce que j'ai comme plan concret.

Ou alors, je peux aussi bien postuler dans des petits jobs histoire d'avoir une paye à la fin du mois. Je pourrais faire caissière, serveuse, vendeuse ou même animatrice. Sofiane a fait animateur de centre aéré pendant les grandes vacances. Quand il a eu fini, il m'a dit que c'était une très bonne expérience.

Cependant je ne me vois pas travailler avec des enfants. Ils sont trop bruyant et fatiguant à supporter. A mon sens, ce serait mille fois plus intéressant de travailler avec les personnes âgées. Du fait de leur vieilles âges, ils savent plus de choses sur la vie et peuvent mieux nous conseiller que quiconque. Un peu comme Mamie Clara, la mère de mon père, qui me raconte son enfance à chaque fois que je viens chez elle et qui m'aide à prendre des décisions quand je fais face à une impasse.

Mon téléphone sonne. J'ouvre les messages. C'est Lisa, une amie que je me suis faite à la fac. Elle me propose de sortir ce soir. J'accepte l'invitation et me dirige dans la salle de bains pour me préparer. J'enfile un jean, des baskets, un t-shirt simple et me passe un petit coup de fond de teint. Avant de sortir de la maison, je prends l'initiative de mettre une veste. Nous sommes en octobre, les températures baissent de plus en plus ces temps-ci.

Avec Lisa, on se voit souvent depuis que je ne vais plus à la fac. Je ne sais pas comment elle fait : même avec ses tonnes de dissertations à faire chez elle et ses partiels, elle trouve toujours le temps de sortir. Du coup, à force de se capter, on se rapproche encore plus. Lamia me fait parfois des petites crises de jalousie, ayant peur que je la remplace. Elle se sent impuissante car, contrairement à Lisa, elle ne peut presque jamais sortir à cause de ses nombreux devoir à faire. Lamia est entrée en fac de psychologie. Elle se donne à fond, je le sais, et c'est tout à son honneur. Toutefois, loin d'elle ou non, elle sera toujours la première dans mon cœur.

Sur le chemin pour aller rejoindre Lisa, je repense à Julie, ma petite guadeloupéenne. Celle-ci a déménagé dans son pays natal à la rentrée avec son petit ami Fred. Ça me fait tout drôle de ne plus voir sa tête. Elle me manque. Je joints mes pensées en lui envoyant un message sur WhatsApp.

Au moment où je relève la tête, j'aperçois le visage halé de Lisa. Elle porte un ensemble de sport, avec une paire de Air-max.

- Wahou, ça change de ce que tu portes à la fac, dis donc ! lui dis-je tandis qu'on se fait la bise.

- Ouais. J'avais envie d'être à l'aise. On est tellement bien là-dedans sa mère !

- Je te crois volontiers.

- On y va ?

Je hoche la tête en silence.

Lisa avance rudement vite. Je dois presque trottiner pour la suivre. Je ne sais pas où elle m'emmène mais je perçois un fond de musique. Lorsque nous arrivons sur les lieux (le parking d'un parc), je dénombre une dizaine de personnes regroupées. Certains sont assis sur des bancs avec des verres en plastiques dans les mains et d'autres sont debout, en train de fumer.

- Tu ne m'avais pas dit que vous seriez aussi nombreux, fais-je remarquer à Lisa.

- T'inquiètes. Ce sont tous des potes à moi. Ils sont tranquilles.

Elle me prend par la main et me rapproche d'eux. Une fille en sweat rose et un mec au teint sombre sont les premiers à m'accueillir.

- Salut, dit la fille. Je m'appelle Sophie.

- Wesh. Moi c'est Mouss, poursuit le garçon.

Ils ont tous les deux un sourire chaleureux aux lèvres. Je décide de me détendre et je me présente à mon tour. Bientôt, je connais le nom de tout le monde. Chacun veut me mettre à l'aise, ça me fait plaisir. Au moins, je suis sûre de ne pas déranger et de faire « intrus ».

La musique s'échappant d'une enceinte fait défiler plusieurs sons. J'entends du rap, du RNB, et même de la soul. On me propose une cigarette ; je refuse car je ne fume pas. Quand le ballon arrive à mes pieds, je tire dedans et l'envoie à Chris, qui me remercie en levant le pouce. Ils sont tous sympa et l'ambiance n'est pas mauvaise, mais il se fait tard. Je dois bientôt rentrer.

- Non, reste encore un peu ! me supplie Lisa avec ses yeux de biches quand je lui dis le fond de ma pensée. D'autres gens vont arriver. Tu vas voir, ça va être archi cool. Et puis demain tu ne fais rien, alors profite de la soirée, allez !

J'accepte malgré moi. Deux minutes plus tard, un mec qui s'appelle Kylian se pose à côté de moi et entame la discussion. J'apprends de lui qu'il a 19 ans, comme moi, et qu'il fait un BTS en commerce international. Comme il est métissé de peau, je me hasarde sur ses origines. Il me dit qu'il est malien/espagnol. Je n'ai jamais entendu ce genre de mélange, et pour cause : j'ouvre grand mes yeux de surprise. Il rit face à ma réaction. Une fossette apparaît au coin de sa bouche. Je me surprends en train de le fixer, alors je change vite la trajectoire de mon regard. Oui, c'est vrai, il est assez mignon. Mais il n'a pas besoin de savoir que je le pense.

Soudain, plusieurs moteurs grondent dans le fond du parking. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, trois motos débarquent devant nous en freinant de manière synchro. Celle de droite est orange, celle de gauche est noire, et celle du milieu est rouge. Je n'y connais rien en moto, mais je sais qu'elles trois sont puissantes, et terriblement belles.

- Oh, ils sont arrivés ! s'écrie Lisa dans leur direction.

Peu de temps après, les autres sifflent et crient à leur tour. Ça fait un ramdam comme pas possible. Je fronce les sourcils. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils droit à une standing ovation à leur venue ? Tandis que tous partent vers eux pour les saluer, je reste dans mon coin, à triturer mes doigts. C'est sûrement malpoli de ma part, mais je ne me sens plus à l'aise maintenant qu'ils sont là.

Après les accolades et les check, les trois garçons passent devant moi en me serrant leur main. Ils se présentent tour à tour : Mehdi, Malcolm, et Elias. La poignée d'Elias est plus douce que celles des autres, comme s'il se concentrait pour ne pas me brouiller la paume avec toute sa force. Il fait trop nuit pour que je discerne bien leur trait, mais quand l'un d'eux passe sous un lampadaire, mon cœur rate un battement. Bordel, j'ai cru que c'était mon ex Dylan ! Pour ma défense, ils ont la même coupe et la même barbe. Mais qu'importe : je ne dois penser à lui sous aucun prétexte. Oublié. Oublié. Oublié. Tu l'as oublié, Cam !

Je reprends ma conversation avec Kylian, qui vient de revenir près de moi. On s'échange nos numéros. Ce mec est gentil, sans prise de tête. J'aime bien la manière dont il parle et il est plutôt drôle.

Une demi-heure plus tard, je suis de nouveau chez moi. Mon téléphone vibre, signalant un nouveau message.

Kylian : c'était sympa ce soir. J'suis content de t'avoir rencontré. On se refait ça bientôt ?

Je fais cavaler mes doigts sur le clavier.

Moi : j'ai bien aimé moi aussi. Et oui, pas de soucis, quand tu veux :)

En remontant mes draps sur mon corps, l'image de Kylian me revient en tête ; je sens mes lèvres s'incurver en un sourire en coin. En réalité, je suis loin de me douter de ce qui va bientôt m'arriver.

Juste une vie avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant