chapitre 8

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Mon cœur palpite lorsque je me retourne en direction du bruit. Mon Dieu, mon sauveur est là !

- Elias ! m'écrié-je en reconnaissant sa moto.

Comme il est encore assez loin, je m'approche de la route et écarte grand les bras afin qu'il me voit. J'ai l'air d'une folle, mais pas grave. Il est ma seule chance de partir d'ici.

Elias finit par m'apercevoir. Il ralentit et s'arrête sur le bas-côté, avant d'enlever son casque et de me considérer d'un air interloqué.

- Ça va ? demande-t-il tout de suite, et je perce un soupçon de panique dans sa voix.

- Oui, oui, je n'ai rien. C'est plutôt elle qui a un problème, fais-je en désignant ma voiture d'un coup de menton.

Il descend de sa moto et nous marchons en direction du véhicule.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? veut-il savoir en examinant ma voiture.

- Je sais pas trop. Je roulais tranquille quand elle a commencé à faire des à-coups et à ne plus accélérer. Mon volant a aussi fait des siennes, du coup j'ai dû m'arrêter le plus vite possible pour éviter un accident.

- T'as bien fait.

Il se baisse devant les roues, puis contourne le véhicule en touchant un peu tout. Quand il arrive au niveau du capot et qu'il l'ouvre, son visage s'étire dans une légère grimace.

- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, Cam.

- Dis-moi ! Non, attends, attends ! Commence d'abord par la bonne nouvelle, s'il te plaît.

Elias obtempère.

- Il y a une anomalie dans le moteur de ta voiture et la courroie de distribution est usée. Mais ce n'est pas trop grave, je sais comment on peut réparer tout ça.

- Et la mauvaise nouvelle ?

- Je suis en moto, du coup j'ai pas les accessoires nécessaires pour le faire. Il faut emmener ta voiture au garage.

- Putain...

Je suis dégoûtée. Ça ne fait pas longtemps que j'ai cette voiture et elle n'est même pas vieille. Pourquoi ce genre de chose doit m'arriver à moi ? Je fais quoi maintenant, hein ? J'aurais bien aimé appeler la dépanneuse mais je n'ai pas de réseau, et je me doute qu'Elias n'en a pas non plus. Arh, fait chier !

- Déstresse, me rassure Elias. On va régler tout ça.

- Comment ?

Il est déjà en train de remonter sur sa moto. Il ne va pas me laisser là toute seule, quand même ??

- Monte, dit-il alors, voyant que je ne bouge pas d'un pouce.

- Sur ta moto ?

- Oui. Je vais te ramener chez toi.

- Mais... ma voiture ?

- J'enverrai une dépanneuse la chercher dans la journée.

Je secoue la tête.

- Non, c'est à moi de m'en occuper. Je ne veux pas que tu payes les frais.

- Je connais des gens qui pourront le faire gratuitement. C'est l'avantage de travailler dans un garage.

J'acquiesce silencieusement. Elias m'aide à grimper sur la moto car je n'y arrive pas toute seule. En même temps, difficile de le faire quand on porte une robe et des talons et que la moto est aussi haute qu'un mini tracteur !

- Tiens, prends ça, dit Elias en me tendant son casque.

- Mais...

- Prends-le, insiste-t-il. T'es sous ma responsabilité, je serai plus serein si c'est moi qui me pète le crâne.

J'accepte à contre-cœur. La moto démarre ; je m'agrippe puissamment à l'abdomen d'Elias. Parce que j'ai peur, mais surtout, je l'avoue, car j'ai une bonne raison de pouvoir le toucher sans que cela porte à confusion.

***

Nous sommes devant chez moi. Contrairement à l'allée, le retour en moto n'a pas été long. Pourtant, Elias n'a pas été trop vite, et je lui en suis reconnaissante. La vitesse et moi, c'est pas trop ça.

Je descends de la moto et rends le casque à Elias. Il le reprend sans m'adresser un regard, car il est occupé à fixer son écran de téléphone qui sonne encore et encore sans s'arrêter. Son visage se durcit.

- Qu'est-ce qu'il y a ? je m'enquiers avec hésitation.

- C'est Hasma, elle m'a laissé une tonne de messages et d'appels manqués.

Il me tend son téléphone de manière à ce que je vois un petit aperçu de la nature de ses messages :

Madame Abd : t où ?

Madame Abd : Ohéééééé ?? Tu me rpnd ou kwa ?

Madame Abd : Elias putain ! Tfk là ? T avec ki encore ?

Madame Abd : c'est ça, rpnd pas. J'suis sûre que tu t'es trouvé des copines à ce mariage. Reste avec elles, C b1.

Madame Abd : espèce de sale connard ! Oublie-moi et marie-toi avec T putes !

Alors que je relève les yeux vers Elias, choquée de ce que je viens de lire, ce dernier soupire de désespoir. Je comprends que la prochaine fois qu'ils se verront, il y aura de l'eau dans le gaze. C'est triste.

- Ça va ? je lui demande, peinée pour lui.

- Ouais, tranquille. J'ai l'habitude. Elle se calmera demain.

Il essaie de me persuader qu'il tient le coup, mais je vois bien qu'en fait il veut se persuader lui-même, et que ça ne marche pas. D'ailleurs, ses paroles me rappellent celles de Lisa, le jour où elle m'a appris qu'entre eux ce n'était pas tous les jours la joie. Elle s'est embrouillée avec Elias. Encore. Tout cela laisse supposer que Hasma est peut-être une jalouse maladive. Et si c'est bien ça, alors leur relation est toxique.

Si Elias et moi étions plus proche, je l'aurais conseillé et rassuré du mieux que je peux. Quitte à paraître brute, je lui aurais dit que tout type de relation se basant sur de la jalousie excessive ne tient jamais la route. Cependant nous ne sommes pas intimes - nous ne sommes même pas amis. Enfin, je crois. Alors bon, il vaut mieux que je garde ça pour moi.

- Bon, il faut que je rentre, fais-je finalement, car la fatigue commence de nouveau à se faire ressentir. Merci énormément de m'avoir ramené. Je te revaudrai ça un de ces quatre.

- Pas de soucis, répond Elias tandis qu'il remet son casque. Mais ne te sens pas obligée de m'être redevable. C'est rien.

- D'accord. Bon, bah, bonne nuit. Fait attention sur la route...

- T'inquiète.

- Et merci encore !

Elias hoche brièvement la tête, avant de redémarrer sa moto et de partir en trombe.

Plus tard dans la nuit, je rêve de lui pour la première fois. Étrangement, j'ai la conviction que ce ne sera pas la dernière.

Juste une vie avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant