chapitre 30

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Point de vue d'Elias

Voir Camélia s'éloigner et rentrer chez elle toute seule me fout le démon. Elle était venue me chercher au travail et j'avais prévu qu'on passe le reste de la soirée ensemble. Tout aurait pu très bien se passer, mais il a fallu qu'Hasma me piste depuis ma localisation sur son téléphone. J'ai le démon.

Avec du recul, je prends conscience qu'Hasma est beaucoup trop dans l'excès. Difficile à croire que je sois resté aussi longtemps avec elle. Rien que d'y penser ça me perturbe. Qu'est-ce que j'ai pu autant apprécier chez elle ? Je ne peux pas dire que je n'ai plus aucun sentiment pour elle car c'est la première fille que j'ai aimé et notre séparation est toute récente, mais une chose est certaine, plus je la vois et plus ses défauts me frappent aux yeux, ce qui la rend insupportable. Le fait même qu'elle soit dans ma voiture à la place de Cam me casse les couilles. Si je n'étais pas aussi bien éduqué, je l'aurais tej de la bagnole en pleine autoroute sans le moindre remord. Une chance pour elle, j'ai un minimum de principe.

- Merci de me raccompagner chez moi, lance Hasma en mettant un terme au silence. C'est gentil de ta part.

- Je le fais pas par plaisir, rétorqué-je.

- Mais tu n'étais pas obligé, et tu l'as quand même fait.

D'une certaine manière, si, j'étais obligé, pensé-je.

- Je vais désactiver ma localisation sur ICloud, prononcé-je en durcissant le ton. Je vais aussi te retirer l'accessibilité à tous mes comptes sur les réseaux sociaux. Je ne veux plus que tu ais accès à mes infos personnelles, ça te concerne plus.

Hasma se balance de droite à gauche dans son siège en cherchant son portable qui se trouve dans la poche arrière de son jean. Quand elle l'a en mains, elle me le met devant le visage et me montre que ça y est, c'est fait, elle s'est retirée de mes comptes. Je lui lance un regard oblique, étonné qu'elle se soit exécutée aussi facilement.

- Tu devrais aussi supprimer nos photos et mon numéro de téléphone, la conseillé-je.

- Ça sert à rien, je connais ton numéro par cœur : si je veux un jour t'appeler je le ferais, que tu sois enregistré dans mes contacts ou non.

- Tu n'as plus de raison de m'appeler, Hasma, lui rappelé-je.

Elle affiche un air faussement boudeur.

- On sait jamais, quand même.

Je décide de ne pas répondre. Si elle veut avoir le dernier je m'en bas les couilles. Tant qu'elle sort de ma vie, c'est le principal !

J'arrive dans sa rue et envoie un message à Camélia pour la prévenir où je suis. Je me gare à l'arrache près de la maison d'Hasma et déverrouille les portières pour qu'elle sorte. Au lieu de ça, cette dernière vient se coller à moi et tente de m'embrasser.

- Arrête ! dis-je en l'esquivant.

- Allez, s'il te plaît, Elias, geint-elle, juste un seul, promis !

- Non.

- Mais pourquoi ? On s'en fout d'elle, c'est moi que tu aimes, on le sait très bien !

Elle essaie une nouvelle fois de s'approcher. Comme je tourne la tête sur le côté, elle dépose ses lèvres sur ce qui se présente à elle, c'est-à-dire mon cou. Je la repousse brutalement.

- Je t'ai dit qu'on était plus ensemble, pourquoi tu forces ?

- On peut quand même faire des choses sans être en couple, non ? Je serais même prête à accepter que tu en vois une autre !

- T'es malade ou quoi ? Depuis quand tu penses comme ça ?

C'est vrai : depuis que je connais Hasma, elle a toujours mis un point d'honneur à être fidèle et monogame. Ce qu'elle dit n'a aucun sens.

- Je veux juste être près de toi, couine-t-elle. Je t'aime, Elias !

- C'est bon, stop, rentre chez toi.

Je pousse sa portière pour l'ouvrir ; elle me retient par le bras et me force à la refermer. Je retire alors ma ceinture dans le but de sortir du véhicule et la faire sortir de dehors, mais encore une fois, elle m'en empêche en me retenant en arrière. Ce petit jeu dure deux minutes avant que j'explose :

- Bouge putain !

J'accompagne mon geste en la poussant contre sa portière ; elle se cogne la tête contre la vitre et grimace de douleur. Je descends de la voiture et la force à sortir à son tour. Elle prétexte qu'elle a mal à la tête et qu'elle ne se sent pas capable de marcher. Je la prends contre son gré et la relève d'un coup sur ses pieds. Comme prévu, elle tient parfaitement toute seule sans problème !

- Tu vois que tu peux marcher ! lui dis-je. Maintenant rentre !

- Non ! refuse Hasma. S'il te plaît, reste avec moi, ne retourne pas la voir ! Hemlark !

Sachant pertinemment que je ne réussirai pas à la faire changer d'avis, je prends mon téléphone et envoie un message. Un instant plus tard, la mère d'Hasma apparaît sur le pas de leur porte. Sa fille ouvre grand ses yeux.

- Qu'est-ce que tu fais là, maman ? lui demande-t-elle en kabyle.

- C'est lui qui m'a dit que tu étais là. Allez, rentre, il est tard.

Hasma me foudroie du regard. Elle me reproche d'avoir impliqué sa mère dans l'histoire. J'avais pas tellement le choix, vu qu'elle refusait de m'écouter.

- Dépêche-toi ! insiste sa mère d'une voix plus dure.

Tandis qu'Hasma rentre sans grande volonté, sa mère avance vers moi pour me prendre à témoin.

- C'est quoi le problème encore ? veut-elle savoir.

Pas de colère à mon égard. Juste de l'incompréhension et de la fatigue. Ça me surprend un peu, étant donné qu'elle m'a toujours vu d'un mauvais œil et qu'elle était contre notre relation.

- Votre fille et moi ne sommes plus ensemble, ai-je le courage de répondre.

- Vraiment ?

- Oui.

Je m'attends à ce qu'elle me crache une tonne d'insultes à la figure, mais contre toute attente, elle expire un bon coup, comme si elle était enfin libérée d'un poids, et me fait même un sourire reconnaissant.

- Tant mieux, finit-elle par prononcer. Vous deux, je savais que ça ne mènerait nulle part. Vous serez mieux l'un sans l'autre, crois-moi.

Je n'ose pas lui répondre que oui, en effet, je la crois plus que bien.

- Merci, dis-je néanmoins avant de faire demi-tour.

- Merci à toi, Elias.

En rentrant dans ma voiture j'appelle Camélia pour savoir ce qu'elle fait. C'est le bruit de son répondeur qui me répond.

Juste une vie avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant