chapitre 10

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Je ne saurais dire si je suis déçue, en colère, ou triste lorsque je comprends que l'inconnu qui m'a ajouté sur snap n'est pas Elias.

Pourtant, quand, à 23 heures, je rentre chez moi et que je vais dans mon lit, je me prends à lui répondre et même à engager la conversation avec lui. Ainsi, nous parlons pendant des heures et j'apprends plusieurs choses à son sujet :

Il s'appelle Yanis.

Il est en effet kabyle, comme je l'avais pensé.

Il a vingt-deux ans, soit trois ans de plus que moi.

Le truc qui est bien avec lui, c'est que quand il m'écrit, il le fait vite et la réponse ne tarde jamais à venir. En lisant ce qu'il me dit, j'essaie de comparer son écriture avec celle d'Elias pour être bien sûre que ce n'est pas lui qui me fait une farce. Puis je me souviens que je n'ai jamais eu l'occasion de parler avec Elias par message, et qu'en d'autre terme, je n'ai aucune idée de la manière dont ce celui-ci rédige. Fait chier.

Mon cerveau se remet à cogiter en imaginant toutes les sortes d'éventualité. Un peu comme si j'étais l'héroïne d'un film policier.

Est-ce que c'est Elias, finalement ? Mais pourquoi créerait-il un faux compte en se faisant passer pour quelqu'un d'autre ? Quel intérêt aurait-il à faire cela ?

J'ai beau chercher, je ne vois rien qui pourrait m'aiguiller. Et plus je pense à cette hypothèse, plus ça me paraît grotesque ; Elias a une vie, une copine et un job, il n'a pas le temps pour faire ce genre d'enfantillage. En plus, il ne touchait même pas à son téléphone quand j'ai reçu le premier snap ce soir...

...Ou peut-être qu'il l'a tout de suite rangé dans sa poche après m'avoir envoyé le message ?

Oh. Et si tout ça venait de Kylian ? Ou bien de... Dylan ?

Bah ! Non non non, je nage en plein délire, là ! Impossible que ce soit eux - que ce soit lui. Certes, tordu comme il est, il serait bien capable de manigancer ce cirque dans le seul but de me faire vriller. C'est un connard, après tout. Mais je le connais : si c'était Dylan derrière ce snap, j'aurais tout de suite reconnu sa façon de s'exprimer. Faut dire qu'il n'y en a pas des milliards des mecs qui écrivent Ai Toa au lieu de Et toi...

Bon, toujours est-il que si je retire Dylan et Kylian des potentiels suspects, il n'en reste pas moins Elias et... à peu près tout le monde et n'importe qui. Pouah ! Trop de questions m'assaillent dont j'ignore toutes les réponses. Ça me fait mal au crâne.

Subitement, une solution germe dans mon esprit, devenant de plus en plus limpide. Je ne réfléchis pas aux pour et aux contres de cette idée et agis sur le champ avant d'avoir eu le temps de regretter.

Moi : et si on se voyait ?

La réponse est quasi-instantanée.

Y-ABD : quand ?

Moi : mtn.

Un peu brutal, c'est vrai. Et pour cause : il se passe environ cinq minutes sans que je ne reçoive de nouvelle, comme s'il avait pris peur et qu'il avait fuit. Je commence à stresser. Pourquoi je lui ai dit ça ? Est-ce que moi-même j'ai vraiment envie de le voir ? Je n'ai jamais donné de rendez-vous à une personne des réseaux sociaux. Après tout, ça pourrait être n'importe qui derrière l'écran : un psychopathe, un criminel, un papi pervers... Un papi pervers, sérieux ? Oui bon, les probabilités qu'un pédophile se nomme Y-ABD et dise Wesh sont très minces, j'avoue...

Quoi qu'il en soit, il faut absolument que j'ai le cœur net. J'ai besoin de mettre un visage sur un nom et de m'assurer que ce n'est pas Elias. C'est ridicule, je sais, mais c'est trop tentant !

Mon téléphone vibre.

Y-ABD : ok. Passe-moi ton adresse, j'arrive.

Franchement, si c'est Elias, il joue très bien la comédie.

Par mesure de précaution, je lui donne l'adresse de mes voisins. Puis je me dirige vers la salle de bains et me passe un coup de fond de teint rapide. J'attache ensuite mes cheveux complètement bouclés et partant dans tous les sens avec l'élastique que je garde toujours au poignet, et me remets un peu de parfum histoire d'être certaine de ne pas puer. Mon reflet dans le miroir juge tout le résultat. Alors là, ma vieille, tu fais sacrément pitié.

Je descends au salon et enfile une veste. Mon pyjama comporte un bas de survet et un t-shirt de foot ; ça fera l'affaire. Je reste dans le noir complet de la maison, et vais chercher les clés en prenant soin de ne pas faire de bruit. Papa et maman dorment à l'étage : s'ils se réveillent, ça va barder.

Y-ABD : sors.

Putain, il a fait vite le mec. J'ai rendez-vous avec Flash Mcqueen ou quoi ? En sortant dans ma rue, je m'entends souffler un bon coup, vidant tout l'air de mes poumons. Oh punaise, je suis méga stressée !

Une voiture rouge m'attend sur le trottoir d'en face. Le moteur est arrêté, mais les phares sont allumés. Je présume que c'est lui. Je traverse la route et pars à sa rencontre. La vitre côté conducteur, teintée, m'empêche de voir qui c'est. Un petit clic retentit et elle finit par se baisser. Quand mes yeux rencontrent les siens, une confusion sans précédent naît dans ma poitrine.

Qu'est-ce que... ?

Juste une vie avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant