Baiser (V3)

Confrontation

Yuzu

Est-ce que j'avais prévu une confrontation familiale directement ? Non, certainement pas. Est-ce que j'avais été discret en rentrant chez moi ? Pas vraiment, mais j'avais fait de mon mieux. Est-ce que ma mère avait repéré le changement immédiatement ? Absolument.

-Alors, qu'est-ce qui te fait sourire comme ça Yuzuru ? Ne me dis pas que Brian a accepté de te laisser faire un quad Axel ?

-Non, ça n'a rien à voir, souris-je.

-Je vois... Qu'est-ce que Javi a fait ?

-Comment as-tu deviné ?, demandai-je avec incrédulité.

-Oh, s'il te plaît, je suis ta mère, renifla-t-elle. C'est moi qui t'ai élevé, je te connais : la seule chose qui peut t'affecter autant en dehors du patinage, c'est lui.

Vu comme ça, en effet...

-Donc ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

-Pas grand chose, marmonnai-je en détournant le regard. Je suis juste content qu'il soit là, et puis on a été aux chutes du Niagara ensemble...

-Mmh, je suis ravie que tu sortes un peu de ta grotte mais je suis sûre qu'il y a autre chose. Ça fait trois jours qu'il est revenu, tu ne t'es pas rendu compte de ça seulement aujourd'hui il me semble ?

-Mais oui, je sais. Ce n'est vraiment rien, je suis juste content maman...

-Je suis curieuse de savoir ce que tu peux vouloir cacher à ta vieille mère, réfléchit-elle en me regardant pensivement. Surtout que ça a l'air d'être positif...

-La positivité est une question de point de vue, éludai-je.

-Tout ce qui est bon pour toi est bon pour moi, et je ne parle pas que de ta carrière Yuzuru. Enfin, si c'est un secret on n'y peut rien...

-Mmh, acquiesçai-je vaguement.

Je n'avais pas encore réfléchi à la façon dont je voulais en parler avec ma famille, parce que je savais que je ne pourrais pas le leur cacher. Le problème c'était que je ne savais pas du tout leur positionnement sur la question de l'homosexualité, surtout si c'était moi qui était concerné. Statistiquement parlant, dans la population japonaise, mes chances de tomber sur une bonne réaction était en plus assez faible...
Je tournai le problème dans ma tête jusqu'au dîner avant de décider qu'il n'y avait pas de routes simples. Ou plutôt si : la route était simple, mais pas facile.

-Maman, commençai-je prudemment en la regardant par dessus mon omelette. Imaginons qu'il se passe quelque chose qui me rende heureux mais qui ne serait pas bien vu : qu'est-ce que tu dirais ?

-Ça dépend ce que tu entends par « mal vu », répondit-elle tranquillement.

-Eh bien... Par exemple si je voulais me faire tatouer, proposai-je.

-Tatouer ?, répéta-t-elle avec surprise. Je n'aurais jamais pensé que ça pouvait t'intéresser... Tant que tu ne fais pas ça sur un coup de tête, je n'ai rien contre : fais juste attention à le faire dans un bon établissement, d'accord ?

-C'était juste un exemple, l'arrêtai-je. Mais imagine que ce soit quelque chose dans ce genre, qui est mal vu même s'il n'y a rien de mauvais dedans...

-Dans ce cas-là, je m'inquiéterais juste des retombés qui pourraient arriver. Mais ça c'est parce que je me ferai toujours du soucis pour toi, quoi qu'il arrive : tu as fait tellement de sacrifices pour être là où tu es aujourd'hui, tu as le droit d'être heureux Yuzuru.