Euros 2

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Yuzu

Habituellement je restais éloigné des réseaux sociaux mais exceptionnellement j'étais allé faire un tour pour voir le tableau. Il y avait deux sujets principaux : sans surprise, j'en faisais parti. Ça ne faisait même pas une heure qu'on m'avait repéré et déjà tout le monde s'emballait avec des théories plus ou moins proches de la réalité. Dans un même temps je reçus un mail cordialement furieux de ma fédération qui me demandait pourquoi je me trouvais en Biélorussie alors que j'étais sensé être en rééducation au Canada. Je caressai l'idée de les ignorer puis décidai d'être sérieux et leur renvoyai une réponse pour leur expliquer cordialement que ce n'était pas leurs affaires et que ma rééducation se passait très bien. J'envoyai également un message à Brian pour le prévenir qu'il risquait d'avoir aussi des plaintes mais qu'il pouvait les ignorer en disant que c'était ma décision. Le deuxième sujet était le scandale de la note de Javi et je souris fièrement en voyant les résumés de la conférence de presse. Personne n'était prêt à encaisser un Javi énervé et d'après ce que je voyais, les deux russes avaient gardé la tête baissée pendant toute la conférence. Surtout Samarin.

« Je pourrais faire un comeback sur le long, s'ils me le permettent ».
C'était vrai, Javi en était capable : il avait déjà rattrapé un retard de douze points sur moi aux Mondiaux pour finir avec plus d'un dizaine de points devant moi, neuf points à rattraper était largement dans ses cordes mais le seule question était les juges. Ce n'était pas normal que sa victoire repose sur leur humeur et leur préférence, elle devrait reposer sur ses capacités uniquement ! Et n'avaient-ils aucun respect ? Mettre ce genre de notes ridicules en toute impunité à quelqu'un avec son palmarès, sur sa dernière compétition et sur son meilleur élément qu'il maîtrisait parfaitement : ça équivalait à lui cracher à la figure, littéralement.

J'étais sur le point de déclencher une révolution quand Javi entra, me coupant en pleine action. Il avait l'air fatigué, et plus résigné qu'énervé pour le moment.

-Javi, commençai-je.

-Ce soir on ne mange pas au restaurant, prévint-il en posant son sac par terre. Je n'ai pas l'énergie de sociabiliser sans frapper quelqu'un pour le moment.

-J'ai regardé la conférence de presse, ça va ?, m'inquiétai-je.

-Je l'ai dit tout à l'heure, je suis plus dégouté que surpris : j'ai l'habitude. C'est juste la première fois que c'est aussi flagrant pour moi et que je le leur fais remarquer, soupira-t-il en enlevant sa veste.

-Tu as bien fait, il était temps que quelqu'un parle.

-Je ne sais pas si j'ai bien fait... C'était mérité mais maintenant je vais avoir des représailles pour le long, ils ne me laisseront jamais remonter Mickail.

-On ne peut pas être sûr, tu ne vas pas abandonner, n'est-ce pas ?, soufflai-je en m'approchant avec hésitation.

-Yuzu, je ne patine ni pour les juges ni pour les notes, sourit-il doucement. Si c'était le cas ça ferait longtemps que j'aurais laissé tomber... Je ferai mon long, comme je l'ai toujours fait : les gens verront et les juges jugeront, peu importe comment, peu importe le résultat.

Mon cœur se serra devant la tristesse qui émanait de lui. Ça n'aurait pas dû se passer comme ça, il ne devrait pas être découragé alors que c'était sa dernière compétition et qu'il avait toutes les cartes en main pour gagner. Sauf la fédération et la nationalité : mais est-ce que c'était ce qui comptait dans notre sport ? Apparemment oui.

-Javi... Ton programme, je l'ai beaucoup aimé, déclarai-je en le prenant dans mes bras. Il était bien, et la note ne reflétait pas du tout la réalité.

Baiser (V3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant