Euros 1

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Yuzu

Pour la première fois de ma vie depuis que j'avais commencé à patiner dans le circuit professionnel, j'allais prendre des vacances en pleine saison. Une semaine seulement, certes, mais c'était déjà énorme à mon échelle...
Les choses s'étaient en fait organisées assez naturellement : j'allais avec Javi et Brian aux Euros (en essayant d'être discret) puis Brian retournerait au Canada et j'accompagnerais Javi en Espagne pour qu'il me présente officiellement à sa famille en tant que petit ami. Comme je n'allais pas faire de compétitions avant mars pour les Mondiaux et qu'il fallait que je ménage un maximum ma jambe, ça ne dérangerait pas trop mon planning d'entraînement.

-Javi, tu veux une liste des raisons pour ne pas stresser ?, offris-je en le voyant s'agiter sur son siège.

-Je ne stresse pas, marmonna-t-il sans conviction.

-Qui t'inquiète ? Même en cherchant bien, je ne vois pas...

-Je ne sais pas, je n'ai pas de personne précise en tête...

-Tes programmes sont bien aussi, est-ce qu'il y a un problème sur un élément ?

-Pas vraiment... C'est juste que je ne suis pas sûr de mes quads, soupira-t-il finalement.

Le fameux problème : toujours les quads.

-Même si tu allais aux Euros avec deux quads ça serait suffisant en patinant un sans faute. Javi, les quads sont juste des bonus pour là : ne pense pas à du mauvais pour ça...

J'entrelaçai nos doigts parce que je ne pouvais pas faire grand chose de plus dans un avion rempli mais je savais que c'était suffisant pour le moment. Il y avait eu tellement de fois où on avait vu le stress ou le malaise de l'autre sans pouvoir se décider à aider pour des tonnes de raisons pas forcément bonnes... Ça faisait du bien de pouvoir rassurer sans penser à une quelconque adversité.

-Je sais bien que je n'ai pas de raison de m'inquiéter, c'est simplement que... C'est ma dernière compétition alors forcément je veux faire bien. Si je me rate là, même si je gagne à la fin, c'est ce que les gens retiendront...

-Je sais que ça va aller Javi. Si tu ne te fais pas confiance, j'aurai confiance en toi pour deux. Mais ça serait bien si tu prenais quand même un petit morceau, pour que je n'ais tout le travail...

-Je vais faire de mon mieux, sourit-il enfin.

J'acquiesçai et le laissai se remettre à contempler les nuages qui défilaient sous l'avion. Avant une compétition il y avait toujours besoin d'être rassuré, stabilisé, mais il y avait aussi besoin de calme pour réfléchir tranquillement, en silence. Lui répéter pendant tout le trajet qu'il n'avait pas de soucis à se faire n'aurait fait que le stresser davantage : je me contentai donc de ne pas lâcher sa main pour qu'il sache que le soutien serait toujours là si nécessaire.

De mon côté j'avais mon propre stress : l'annonce.
L'annonce à sa famille, qui n'était encore au courant de rien. Je n'avais pas dit à Javi à quel point ça m'angoissait parce qu'il avait déjà suffisamment à faire mais je savais qu'il savait. Ça se voyait, et apparemment c'était normal. La belle jambe...
Je n'avais vu sa famille qu'à de rares occasions, toujours rapidement sans vraiment avoir le temps pour faire connaissance. Je ne pouvais pas prononcer le nom de sa mère, la barrière de la langue était bien présente et pour couronner le tout : toute sa famille pensait qu'il était hétérosexuel à trois cent pour cent. Ça allait être un séjour exceptionnel, je le sentais...
En plus j'avais encore ma fédération sur le dos (mais je commençais à avoir l'habitude) parce que j'avais publié un message d'encouragement/remerciement/hommage pour Javi juste avant de partir, alors que j'étais sensé être dans une période sans apparition médiatique pour me concentrer sur ma rééducation et les Mondiaux à venir. J'avais ignoré et été contre les décisions de mon équipe de communication, avais tourné seul ce message et sa publication n'était pas passé inaperçue du tout. Ceci-dit je ne voyais pas pourquoi ils en faisaient tout un plat : ils avaient vraiment pensé que j'allais laisser Javi se retirer silencieusement ? Sans lui rendre hommage ? Je ne pouvais pas faire une déclaration d'amour sans créer l'apocalypse mais à défaut j'avais au moins été clair sur le respect que je lui portais. C'était le minimum, si le JSF n'était pas content ça n'avait aucune importance.

Baiser (V3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant