Baiser (V3)

Sendai 2

Yuzu

-Tu aimes la randonnée ?, demandai-je en passant en revue ce qu'on pouvait faire aujourd'hui.

-Je n'ai rien contre. Il y a des montagnes par ici ?

-Oui, pas très grandes mais la vue est belle et il y a moins de monde que dans les rues : plus tranquille.

-C'est toi qui t'y connais, sourit-il.

-Regarde, il y a le trajet ici, lui montrai-je sur la carte que j'avais trouvé sur mon portable. On a une heure de montée où on peut s'arrêter pour manger, et un temple traditionnel au sommet.

-Tu crois qu'il n'y aura pas trop de touristes ?

-Normalement non. Et puis les touristes ne connaissent pas le patinage alors même si on n'est pas tout seul ça ira...

Ma mère fut ravie de nous faire des bentos à emporter et me fit mille recommandations pour faire attention, même si la randonnée en question ressemblait plus à une balade qu'à un trail.

-Moi qui pensait devoir faire du sport ; ça monte à peine.

-C'est souvent comme ça au Japon : on n'a pas beaucoup de vraies montagnes avec falaises comme en Europe, acquiesçai-je en appréciant le calme autour de nous.

-Au moins on ne transpirera pas trop en haut. Tu as déjà visité le temple ?

-Quand j'étais petit, je crois... Je ne me rappelle plus vraiment, avouai-je.

Vers midi on s'arrêta sur un petit point de vue où on put s'installer sur des pierres, la conversation déviant inévitablement sur le patinage pendant qu'on mangeait nos repas (déformation professionnelle, on n'y pouvait rien). Après un argumentaire mouvementé sur la meilleure façon d'aiguiser les lames et quelle épaisseur de quart permettait de sentir davantage la glace, on se remit en route jusqu'à notre destination.

L'allée des Torii au milieu des bois fut l'occasion de prendre des photos et on eut la chance de ne pas tomber sur la foule.

-Tu sais comment prier dans un temple shinto ?, demandai-je quand on atteint le sommet de la promenade.

-Oui mais il y a peut-être une ou deux étapes que j'ai oublié : à toi l'honneur...

Finalement Javi avait de bons restes et on acheta une petite statuette à déposer dans un endroit spécialement réservé du temple.

-Je ne veux pas faire d'infidélité aux cathédrales de mon pays mais j'aime vraiment les temples japonais, déclara-t-il quand on prit le chemin du retour.

-Oui, j'aime bien aussi : c'est calme, avec une bonne atmosphère, acquiesçai-je.

-Tu y crois ? Aux dieux et tout ça ?...

-Je ne sais pas... Un peu, mais ce n'est pas trop religieux, c'est plutôt... Je ne sais pas comment dire...

-De la superstition, proposa-t-il.

-Voilà. C'est beaucoup comme ça au Japon : je pense qu'il y a peut-être quelque chose donc je respecte quand il faut, mais je n'y crois pas très très fort.

-Je vois ce que tu veux dire... Après tout, vu le nombre de rituels que tu as à chaque fois que tu patines, je ne suis pas surpris, sourit-il.

-Si je ne les fais pas, je stresse.

-On a tous ça : une fois, j'ai enfilé mon patin gauche avant mon patin droit et je me suis senti mal pendant toute la séance, soupira-t-il dramatiquement. À la pause je les ai enlevé pour les remettre dans le bon ordre...